Un média performant, un moyen de recréer le goût de lire et un support pédagogique efficace

La bande dessinée, d’hier à aujourd’hui

Beaucoup de journaux trouvent utile d’associer l’image au texte pour assurer une meilleure transmission de l’information, l’image pour illustrer l’évènement et aider à une meilleure compréhension ; le texte entraîne ceux qui ont horreur de déchiffrer l’écrit, mais qui, à la longue, devient une habitude saine.

L’image, sous forme de caricature ou de photographie, porteuse de message dit iconique vient, dans un rapport de complémentarité, apporter un éclaircissement au message textuel. La bande dessinée sous toutes ses formes a existé depuis la nuit des temps. Vous connaissez sans doute le roman-photo qui a fait fureur dans l’ancien temps et au fil des générations. Il était publié en feuilletons par voie de quotidiens, de quotidiens d’information ou magazines, sinon de livres contenant tout le roman. Du temps où le roman-photo était aussi prolifique que varié, il répondait à tous les goûts et on le lisait avec engouement. A une époque où la plupart des gens tournent le dos à la lecture par perte des bonnes habitudes ou du goût de la lecture, il n’y a rien de mieux pour recréer cette envie de lire que de proposer des bandes dessinées en diversifiant les thèmes.
Cela peut relancer la passion de lire, y compris la lecture des romans non illustrés. C’est ce qui explique son adoption par les maîtres de la pédagogie comme support approprié à l’enseignement. La bande dessinée, sans paroles fait l’affaire ; on demande aux élèves de parler face aux images qui en disent long pour ceux qui ont compris le thème d’après la succession des images. Excellent exercice d’élocution. Voilà donc un bon moyen de faire parler les élèves en situation d’élocution ou de vocabulaire. On incite les apprenants à trouver les substantifs, les verbes à employer aux temps convenables, les adjectifs qualificatifs et les mots crochets servant à lier les mots pour élaborer des phrases. Le travail consiste à faire parler à partir des images dans un univers où il est difficile de trouver un support pour enseigner la langue.

Un média ancien pour la communication de masse
Il n’y a rien de meilleur pour entraîner les masses à faire la lecture des grandes œuvres qu’on a la flemme de lire. Chez les Anglo-Saxons, la bande dessinée est choisie pour la publication des œuvres de grande envergure comme Charles Dickens, Jack London, Hemingway, John Steinbeck et d’autres qu’il est difficile de citer et qui sont les sommités de la littérature d’expression anglaise. On se rappelle qu’un de nos journaux, au lendemain de l’indépendance, a diffusé sous forme de feuilletons étalés sur des mois un roman de Dickens. On avait trouvé ça intéressant d’autant que chaque texte est accompagné de l’image l’illustrant. Et cela aurait été plus être intéressant s’il y avait à chaque fois la traduction en anglais. Les mots et expressions sont employés en situation, on les comprend mieux et on les retient facilement. C’est une excellente méthode pour l’apprentissage des langues. Et il existe des feuilletons de romans en triple version : le texte dans les deux langues et l’image qui facilite la compréhension et la mémorisation. Les spécialistes de l’édition de chez nous devraient à leur tour essayer de publier sous forme de bande dessinée les œuvres romanesques, celles de Ben Hadouga, de Mohamed Dib et d’autres célébrités de la littérature comme l’ont fait les autres pays pour rendre les écrivains accessibles au grand public.
Chez nous, le lectorat s’est rétréci, il faut le recréer au moyen de la bande dessinée, recréer le goût de lire, ce qui est bon pour la mémoire et pour la culture. Nous avons eu des modèles en les personnes de Kateb Yacine, et il y en a beaucoup d’autres, pourtant enfants du pays qui ont souffert des mauvaises conditions de vie, ce sont des enfants de pauvres comme Feraoun qui ont travaillé dur pour atteindre le niveau requis pour entrer en compétition avec les grands de ce monde au moyen de l’écriture. Mohamed Dib et Assia Djebbar ont mérité largement, de leur vivant, le prix Nobel, par leurs œuvres littéraires dont on peut être fiers, mais hélas ! Rachid Boudjedra écrit depuis bien longtemps ses œuvres, en arabe et en français, pourraient être adaptées à la lecture en bande dessinée, à condition que l’auteur soit consentant.
Une expérience plus qu’intéressante pour nos lecteurs, l’Institut culturel espagnol se consacre tout le mois de septembre de cette année, à l’auteur de Don Quichotte et à cette occasion, il y aura un concours de traduction, en bandes dessinées, de l’arabe vers l’espagnol, très intéressantes pour tous et plus particulièrement les hispanophones algériens, sortis en grand nombre de l’institut de traduction et d’interprétariat de l’université d’Alger, une opportunité qui les mettra à contribution en participant à ce concours de traduction, peut-être des œuvres en bandes dessinées, Cervantès dont Don Quichotte et Sancho Pansa qui parlent d’Alger en langue espagnole doivent nous intéresser. On doit trouver ça intéressant d’autant plus que la version bilingue est soutenue par l’image. Ce qui permettra de motiver tous les publics, et la langue espagnole pour celui qui connaît une autre langue latine et la langue arabe, paraît facile. Pourquoi ne pas multiplier l’expérience avec d’autres œuvres qui existent déjà en version bilingue.

Un support pédagogique pour redonner envie de lire utilement
Aux jeunes qui ne lisent pas ou qui n’ont jamais aimé lire, la bande dessinée pourrait leur être d’une grande utilité. Ils n’imaginent pas ce qu’ils perdent en ne lisant pas. Leur niveau de langue et leur niveau de culture baissent. Autrement dit, la lecture doit être une activité obligatoire, comme cela se fait dans les pays qui travaillent pour le bien des générations montantes qui sont l’avenir du pays. En lisant une bande dessinée, quotidiennement à raison d’une demi-heure par jour mais régulièrement et attentivement, on acquiert au bout de plusieurs mois ou plusieurs années un bagage intellectuel appréciable. Une lecture régulière et attentive est une lecture qui finit par porter ses fruits ; les grands spécialistes de l’apprentissage des langues n’ont jamais cessé de préconiser cette méthode qui finit toujours par être fructueuse. La régularité est de rigueur si l’on veut réussir, la répétition chaque jour des substantifs, verbes, expressions, mots crochets, facilite la compréhension et la mémorisation.
Ceci entre dans les activités culturelles et les travaux pratiques de l’école qui doit procurer normalement ces œuvres en bandes dessinées et en plusieurs exemplaires aux enfants comme cela se faisait avant. Toute école doit avoir une bibliothèque qui puisse fournir tous les livres aux élèves dont ils ont besoin. Et, dans le cas contraire, les parents soucieux de voir leurs enfants s’améliorer dans la pratique des langues, doivent faire les sacrifices nécessaires en achetant auprès des librairies ces bandes dessinées. Si elles ne sont pas disponibles, le libraire a la possibilité de vous les faire avoir en s’adressant à leurs fournisseurs. Ceux qui ont de l’expérience sont passés par tous ces stades. Ils vous diront que seule la lecture régulière rend performant l’apprenant en langue et la langue ou les langues pour ceux qui les possèdent est un atout important, c’est un facteur de détente et de compétence. Lorsqu’on possède la langue, on communique en détendu, parce qu’on s’exprime facilement et qu’on arrive à tenir tête à toutes sortes de partenaires. La langue facilite l’accès aux autres matières, particulièrement les matières scientifiques, et nous savons tous que les plus grands hommes de sciences exactes sont ceux qui maîtrisent à la perfection les langues. Anouar Benmalek en est un exemple, qui doit être un plurilingue, et un vrai docteur en mathématiques, qui écrit de très beaux romans, dans un style parfaitement clair. On peut vous citer d’autres exemples.

Quelques précisions pour les jeunes enfants apprenants
C’est à propos de la bande dessinée comme support pédagogique infaillible, mais à condition qu’on s’attelle à la tâche et régulièrement. En lisant, on rencontre des substantifs, des verbes, des adjectifs, des mots crochets, on essaie de comprendre leur fonctionnement et leur sens d’après l’image qui aide à saisir le signifié en situation d’emploi. Par ailleurs, on finit par assimiler les expressions en contexte et pour les enfants doués et stables d’esprit, il est facile d’apprendre à parler en saisissant les tournures de phrases lorsque celles-ci se répètent. Ainsi, ils acquièrent l’art de bien parler moyennant des lectures attentives qui font intervenir toutes les qualités naturelles : la réflexion, l’intelligence, l’attention, l’imagination et la mémoire s’exerce facilement.
Boumediene Abed