L’Algérie face à la révolution mondiale du système d’information

Communication électronique

Les statistiques sont désormais abondantes aux échelons national, régional et mondial, jouant un rôle de plus en plus grand dans nos sociétés et nos administrations publiques servant couramment à informer les débats publics, la formulation des politiques et la prise de décisions commerciales posant le problème de leur qualité, de la compilation et de leur sélection. Cela est dû aux NTIC qui sont un ensemble de technologies utilisées pour traiter, modifier et échanger de l’information, plus spécifiquement des données numérisées.

Les vols de documents ne se produisent pas seulement en accédant, à distance ou non, à un ordinateur ou à un serveur, mais également de la façon la plus inattendue par les photocopieuses. Chaque fois que l’on copie un document sur un copieur moderne, une copie est enregistrée sur le disque dur de la machine. Elles sont ainsi devenues de véritables centres de stockage informatisés. Les copieurs et les machines multifonctions les plus modernes stockent les informations avant de les imprimer, des experts en informatique peuvent récupérer ces informations, d’autant plus que la plupart d’entre elles sont généralement connectées à un réseau, soit via un PC (imprimante partagée), soit grâce à une adresse IP propre. D’où l’importance pour l’Algérie de s’adapter à ce nouveau monde. Le retard est dû en partie aussi au problème des mentalités et des attitudes négatives qui entravent la réalisation de projets novateurs. Le système de recueil d’information doit être repensé.
Je rappelle qu’en tant que directeur général des études économiques et premier conseiller à la cour des comptes, j’avais été chargé par la présidence de l’époque en 1983 du dossier surestaries, j’avais suggéré, en relation avec les services des ministères de l’Intérieur, du Commerce, des Finances et de différents départements ministériels concernés, l’urgence pour lutter contre à la fois les surestaries et les surfacturations l’établissement d’un tableau de la valeur par la mise en place d’un système d’information en réseaux et en temps réel entre les ports, la douane, les banques, les services de la fiscalité et reliés aux réseaux internationaux afin de connaître les prix en temps réel des marchandises importées produit par produit. L’idéal à venir serait un grand ministère de l’Economie avec une direction de planification stratégique et que l’ONS ne dépende plus de l’exécutif à l’instar de l’INSEE en France, en Grande Bretagne, en Allemagne ou aux Etats-Unis d’Amérique, mais qu’il soit un organe indépendant. Cela doit renter dans une autre organisation institutionnelle pour plus d’efficacité et plus de rigueur budgétaire, une réelle décentralisation économique autour de grands pôles régionaux, sous réserve d’objectifs précis, plusieurs ministères et institutions locales se télescopant rendant l’information opaque pour des raisons de stratégies individualisées.
Car il existe un théorème dit des 20/80% en management stratégique : 80% d’actions mal ciblées que l’on voile par de l’activisme ministériel ont un impact de 20% sur la société ; 20% d’actions bien ciblées ont un impact de 80% et devant tenir compte du facteur temps combinant les paramètres et les variables pour atteindre l’optimum global. Ce qui est paramètres à court terme peut devenir variable à moyen terme, et ce qui est secteur stratégique aujourd’hui peut ne pas le devenir demain. Pour la règle des 49/51% l’on devra éviter une vision figée ce qui serait une erreur de politique économique, où d’ailleurs dans la majorité des pays développés ayant une économie productive, se fondant sur des règles transparentes, n’existent pas de codes d’investissement avec de longs circuits bureaucratiques et souvent des interférences d’intérêts. Certes, l’ONS n’a pas vocation à évaluer les politiques publiques en cours et que toute latitude est offerte aux autres d’interpréter les chiffres en reconnaissant qu’il serait souhaitable d’une meilleure coordination inter institutionnelle, entre les diverses et abondantes sources administratives et l’office, appelant à davantage de «cohérence et d’intégration».
C’est que l’ONS part des données micro-économiques des administrations et des entreprises en les consolidant au niveau macro-économique. Ce manque de cohérence favorisé par un système de prix incohérent où l’on additionne les prix administrés et les prix du marché ne permet pas de cerner la sincérité des comptes et peut donner lieu à de la mauvaise gestion, voire de la corruption. Si l’information de base est biaisée, cela donne des résultats au niveau global qui ne reflète pas la réalité. Et c’est ce que l’on constate malheureusement avec l’effritement du système d’information, où les bases de sondage sont différentes d’un organisme à un autre aboutissant à des données que contredit la réalité. Il faut donc uniformiser les méthodes d’enquêtes qu’elles soient exhaustives ou par sondage. Et surtout, il faut démocratiser l’information en ouvrant les médias lourds à un large débat économique contradictoire, lieu des débats contreproductifs par une soumission en contrepartie d’une rente, contreproductif pour le pouvoir lui-même.
En résumé, des erreurs de politique économique peuvent se chiffrer à des pertes de plusieurs dizaines de milliards de dollars pour le pays, avec l’effritement du système d’information expliquant les discours contradictoires, l’entropie ayant atteint ces dernières années, un niveau inacceptable. Pour la transparence, il y a urgence d’accélérer la numérisation des institutions et des entreprises. Le monde est à l’aube d’une quatrième révolution économique et technologique, fondée sur deux fondamentaux du développement du XXIe siècle, la bonne gouvernance et l’économie de la connaissance.
Comme l’a souligné le Président de la République, la bureaucratie rentière néfaste s’oppose à la numérisation des institutions et des entreprises ne voulant pas de la transparence. Car, la bureaucratie, héritage d’une économie administrée, constitue une des contraintes les plus fortes et dont l’éradication est absolument nécessaire pour insuffler la dynamique au développement dans le cadre d’une libéralisation maîtrisée conciliant l’efficacité économique et une profonde justice sociale à laquelle je suis profondément attachée, n’étant pas antinomique avec l’efficacité, bien au contraire suscitant la mobilisation des citoyens pour une Algérie nouvelle. Plus on diffère les réformes, plus on épuisera les réserves de changes et la crise de gouvernance risque de se transformer en crise financière, économique et politique avec le risque d’une déstabilisation régionale avec le retour au FMI horizon 2022, ce qu’aucun patriote algérien ne souhaite.
(Suite et fin)
Professeur des universités, expert international Dr Abderrahmane Mebtoul