Refondation de l’Etat, économie de marché à finalité sociale et démocratie participative

Objectifs stratégiques de l’Algérie de demain 2020/2025/2030

Le projet de la nouvelle Constitution a été adopté par les deux Chambres respectant ainsi la procédure légale et sera soumis au référendum le 1er novembre 2020, une date symbolique chère à tous les Algériennes et Algériens.

La monture est finale et ne peut être modifiée, et le débat ne peut porter qu’entre les partisans du OUI les partisans du NON, l’opinion nationale et internationale étant attentive surtout au taux de participation. Espérons un débat contradictoire sans passions et polémiques stériles en ces moments où l’Algérie traverse une conjoncture difficile, devant respecter les points de vue de chacun. Mais attention, la Constitution n’est qu’un texte juridique, ayant constaté depuis l’indépendance politique, que certaines lois sont les meilleurs du monde mais rarement appliquées faute de volonté politique : combien de codes d’investissement et l’Algérie, en ce mois de septembre 2020, dépend toujours avec les dérivés 98% de ses entrées en devises des hydrocarbures. La mentalité du bureaucrate est de croire que c’est en promulguant des lois que l’on agit positivement sur le fonctionnement de la société. Cette présente analyse est une synthèse des propositions interdépendantes, que je soutiens depuis de longues décennies (voir l’ouvrage collectif sous ma direction paru à l’OPU en 1980, réactualisé en 2005 à Casbah Editions-Alger – Réformes, économie de marché et démocratie) devant être sous tendues par une nette volonté politique de changement pour résoudre la crise multidimensionnelle à laquelle est confrontée l’Algérie.

1.- La réussite des réformes tant politiques qu’économiques implique de saisir les tendances réelles de la société algérienne face tant aux mutations internes que mondiales, d’analyser avec lucidité les relations dialectiques réformes et les segments de la production de la rente (Sonatrach) et celui de sa redistribution (système financier), bouleversant des intérêts, les gagnants de demain n’étant pas forcément ceux d’aujourd’hui. L’objectif pour l’efficacité sur le terrain, de la révision constitutionnelle pose fondamentalement la problématique de la moralisation de la société algérienne, renvoyant à l’actualité des analyses ibn khaldoudiennes de décadence de toute société anémique. En effet, la moralisation renvoie aux différents scandales financiers qui touchent certains secteurs publics et privés, la corruption, relatés chaque jour par la presse nationale, encore que dans tout Etat de droit cela implique la présomption d’innocence afin d’éviter les suspicions et les règlements de comptes inutiles. Ces constats témoignent de la désorganisation des appareils de l’Etat, censés contrôler les deniers publics, gel de la Cour des comptes et bien d’autres institutions comme le Conseil national de l’énergie, le CNES, le Conseil national de la concurrence, la bourse d’Alger.

Ces scandales jouent comme facteur à la fois de démobilisation des citoyens par une névrose collective du fait que ces montants détournés sont la propriété de toute la collectivité nationale et comme frein à l’investissement national et international porteur de croissance et de création d’emplois durables à moyen et long terme. Ainsi, selon les rapports des organismes internationaux l’Algérie, malgré des textes juridiques louables, que contredisent quotidiennement les pratiques, est classée comme un pays connaissant un environnement des affaires contraignant et un taux de corruption élevé. C’est pourquoi, les hommes d’affaires tant nationaux qu’étrangers du fait du manque de visibilité dans la démarche de la réforme globale et dans le manque de clarté dans la gouvernance, se réfugient dans des segments de court terme (importation, infrastructures), sans risques, étant assurés d’être payés du fait des réserves de change non fruit du travail, dues à la rente des hydrocarbures.

Ainsi, l’Algérie est fortement dépendante tant des biens de consommation finale que de la majorité de entrants tant des entreprises publiques que privées, (taux d’intégration inférieur à 15/20%) et assistant paradoxalement à l’exode massif de ses cerveaux du fait de leur dévalorisation avec l’importation de l’assistance étrangère dont le poste au niveau de la balance de paiement atteint un niveau intolérable (10/11 milliards de dollars/an entre 2016/2019) qui s’ajoutent à l’importation des biens dont toutes les mesures bureaucratiques n’ont pas permis la baisse substantielle (45/46 milliards de dollars 2016/2019), encore que le montant de l’endettement extérieur qui grâce aux remboursements par anticipation est faible (1/2% du PIB). Le divorce entre les objectifs et les moyens de réalisation (faiblesse des capacités d’absorption) entraîne un gaspillage des ressources rares, avec une mauvaise gestion que l’on voile par de l’activisme et sans bilan réel, une fuite en avant dans des projets non maturés, ensuite mal faits, souvent réévalués. Cela explique le faible taux de croissance non corrélée à l’importance de la dépense publique avec une entrée en devises de plus de 1 000 milliards de dollars entre 2000/2019, et une importation de biens et services ayant dépassé les 935 milliards de dollars, avec un taux de croissance dérisoire, moyenne de 2/3% entre 2010/2019, un taux négatif de moins de 5% en 2020 du fait de l’impact de l’épidémie

du coronavirus, selon le FMI. Or le taux d’emploi et la baisse du taux de chômage, tenant compte de la pression démographique (arrivée chaque année de 350 000/450 000 de demandes d’emplois additionnelles qui s’additionnent au stock du taux de chômage actuel sous estimé, surtout le segment féminin) est fonction du taux de croissance et des structures des taux de productivité. 2.- Mais pour paraphraser les militaires devant s’attaquer à l’essentiel et non au secondaire afin de ne pas se tromper de cibles. Il existe une loi en sciences politiques : 20% d’actions bien ciblées ont un impact de 80%. Mais 80% d’actions mal ciblées ont un impact seulement de 20% pour dépasser l’entropie actuelle, et trouver des solutions réalistes, il s’agit de réaliser un bilan serein de tout ce qui a été réalisé et ce qui reste à faire pour corriger les erreurs du passé et ce par un langage de vérité loin de toute sinistrose, une visibilité et cohérence dans la démarche des réformes et une nette volonté politique de changement. Dès lors, s’imposent des stratégies d’adaptation politique, militaire, sociale et économique tenant compte de l’innovation destructrice, en ce monde turbulent et instable pour reprendre l’expression du grand économiste Joseph Schumpeter dans son ouvrage universel «Réformes et démocratie». D’où l’urgence de restructurer tant le système partisan, que la société civile loin de toute action autoritaire. Lorsqu’un pouvoir émet des lois qui ne correspondent pas à l’Etat de la société, celle-ci émet ses propres lois qui lui permettent de fonctionner accentuant le divorce Etat-citoyens par la dominance de l’informel, à tous les niveaux : politique, économique, social et culturel. Tout pouvoir a besoin d’une opposition forte, organisée avec des propositions productives pour se corriger, devant l’associer dans les grandes décisions qui engagent l’avenir du pays. Cela implique la refondation de l’Etat avec pour objectif, une démocratie participative qui ne saurait se limiter à une réorganisation technique de l’autorité et des pouvoirs.

En réalité, la question qui mérite d’être posée aujourd’hui : est-ce que les pouvoirs politiques algériens successifs de 1963 à 2019 ont-ils édifié un Etat national d’abord et qu’est-ce qu’un Etat national dans le cas algérien précisément car, il faut bien le rappeler, il n’y a pas d’Etat national standard mais que des équipements anthropologiques intrinsèques historiquement datés qui modèlent le système politique. C’est dans ce cadre qu’il faille revaloriser le savoir et donc la compétence qui n’est nullement synonyme de poste dans la hiérarchie informelle, ni de positionnement dans la perception d’une rente. La nécessaire refondation de l’Etat est une condition nécessaire pour la réussite des réformes institutionnelles et l’optimalisation de la dépense publique couplée avec de nouvelles formes de protection sociale, pour plus de justice sociale non antinomique avec l’efficacité économique, impliquant plus de décentralisation à ne pas confondre avec l’avatar néfaste du régionalisme et de la déconcentration qui renforce la bureaucratisation. La vision centralisatrice jacobine annihile les créativités et la régionalisation économique est une voie salutaire pour bon nombre de pays évitant l’autoritarisme d’en haut de peu d’efficacité tant économique que sociale impliquant des institutions appropriées.

3.-D’où l’importance d’une redéfinition du nouveau rôle de l’Etat dans le développement économique et social et d’une manière claire les relations entre l’Etat et le marché qui doivent procéder d’une démarche pragmatique autour de quatorze axes directeurs que j’ai développés par ailleurs (voir nos conférences devant le Parlement européen Bruxelles novembre 2012- devant l’ensemble des attachés économiques des ambassades accrédités à Alger au siège Ambassade US, à l’Institut militaire de Documentation et de Prospective –IMPED, à l’Ecole supérieure de guerre MDN – 2019, au Forum mondial du développement durable et Sénat Français Paris – 2016/2017- nos interviews in American Herald Tribune – USA – 26/12/2016 et 11/8/2018 et Africa-Presse, Paris 8/9/10 août 2018). (A suivre) Professeur des universités, expert international
Dr Abderrahmane Mebtoul