Quel avenir pour l’organisation Opep et la stratégie de Sonatrach face aux nouvelles mutations énergétiques mondiales ?

Cours mondial du pétrole

L’Opep a été créée le 14 septembre 1960 et fête son 60e anniversaire avec une part déclinante tant dans la décision énergétique que dans la commercialisation mondiale. Avec l’épidémie du coronavirus malgré une baisse substantielle, les cours peinent à se rétablir au niveau de 2019. Avec une crise sans pareille, depuis la crise 1928/1929, au moment où l’interdépendance des économies était faible, n’étant pas assimilable à la crise de 2008, aucun expert, pouvant seulement élaborer des scénarios, ne peut prédire si les activités de consommation et d’investissement vont pouvoir rebondir, tout dépendant de la maîtrise de l’épidémie.

Or un taux de croissance élevé en 2021 par rapport à un taux de croissance négatif en 2020 donne en tendance un taux faible et si reprise y a, le niveau de 20182019 ne sera pas atteint avant 2022. Or la croissance de l’économie mondiale et le futur modèle de consommation énergétique 2020/2025/2030 sont les déterminants fondamentaux du cours du pétrole/gaz. Le marché connaît des hauts et des bas, n’ayant pas réagi pour l’instant aux différentes décisions de l’Opep, le Brent étant coté le 15 septembre 2020 à 13h GMT 39,96 dollars, le Wit 37,72 contre une moyenne de 67 dollars en 2019, devant tenir compte de la dépréciation du dollar par rapport à l’euro, qui constitue un manque à gagner, et le prix de cession du gaz sur le marché libre 2,31 dollars le MBTU contre 9/10 dollars en 2008. L’Opep a été créée le 14 septembre 1960 lors de la conférence de Bagdad principalement à l’initiative du chah d’Iran et du Saoudien Abdullah Tariki et du Vénézuélien Juan Pablo Pérez où à l’origine seuls cinq pays étaient membres : l’Arabie Saoudite, l’Iran, l’Irak, le Koweït et le Venezuela qui ont été rejoints par la suite par d’autres producteurs : Afrique : l’Algérie, membre depuis 1969, l’Angola, membre depuis 2007.
Une des plus grandes zones d’exploration, principalement menée comme la production par les grandes compagnies pétrolières de l’OCDE, le Congo : dernier pays membre ayant rejoint l’organisation (à l’été 2018), le Gabon, membre qui avait quitté l’organisation en 1995 et qui l’a à nouveau rejointe en juillet 2016, la Guinée équatoriale, pays ayant rejoint l’Opep en mai 2017, la Libye, membre depuis 1962. Un très grand potentiel d’exploration non exploité en raison du conflit touchant ce pays, le Nigeria : l’industrie pétrolière la moins nationalisée de l’Opep. Amérique du Sud : le Venezuela, pays disposant des premières réserves de pétrole au monde grâce à ses ressources en sables bitumineux mais traversant actuellement une très grave crise politique et économique, l’Equateur qui a été membre de l’Opep entre 1973 et 1992 puis à nouveau entre 2007, Moyen-Orient : l’Arabie Saoudite, membre fondateur. Leader traditionnel de l’Opep. Le Qatar annonce qu’il va quitter l’organisation en janvier 2019, officiellement pour se concentrer sur sa production de gaz. Depuis 1982, l’Opep dispose d’un système de régulation de la production et du prix de vente au moyen d’un montant total de production (légèrement supérieur à 30 millions de barils de brut par jour).
Ce volume de production est défini en fonction des réserves des pays membres et est ajusté en fonction des besoins des pays consommateurs (le système de quotas de production par pays membre a été arrêté en 2011) et les négociations ont été élargies depuis fin 2016 avec d’autres producteurs hors Opep, la Russie, non membre de l’Opep, produit autant que l’Iran, le Nigeria, le Venezuela, l’Algérie et l’Équateur réuni. Le fonctionnement de ce système de régulation est toutefois affecté par les fluctuations du cours du dollar, monnaie de transaction du pétrole : le pouvoir d’achat des pays producteurs diminue lorsque le cours du dollar baisse et inversement. L’Opep gère un instrument de quantification : le panier de l’Opep (ORB) qui fixe un prix de référence à partir des prix de quinze pétroles bruts (un par pays membre) aux qualités différentes reflétant les principales exportations de bruts des pays membres (par exemple, l’«Arab Light» d’Arabie Saoudite). Ce panier est concurrencé par le Wit et le Brent dont les prix ne diffèrent le plus souvent que de quelques centimes. La gestion de la production et des prix est prolongée par l’évaluation périodique des réserves disponibles.
Pour l’ensemble de ces pays, la rente pétrolière mais également gazière contribue grandement au développement à travers les recettes fiscales mais étant très fluctuant dans le temps (selon le cours du pétrole notamment), devant le ramener au nombre d’habitants ; par exemple, selon l’EIA (2019), le revenu pétrolier s’est élevé en 2018 à 14 683 $ par habitant au Koweït (près de 4,2 millions d’habitants), alors qu’il n’était que de 212 $/hab pour le Nigeria (+/-200 millions d’habitants). Quand le dollar baisse par rapport aux autres monnaies, les États de l’Opep voient leurs revenus diminués pour les achats effectués dans d’autres monnaies, ce qui réduit leur pouvoir d’achat puisqu’ils continuent à vendre leur pétrole en dollars. Des contraintes locales (instabilités politiques, guerres) ou internationales (embargo…) influent aussi sur la disponibilité de la ressource pétrolière et donc son prix. Toujours selon l’AIE, en 2018, l’ensemble des États de l’Opep a bénéficié d’un revenu pétrolier s’élevant au total à environ 711 milliards de dollars contre 538 milliards de dollars de 2017, du fait d’une hausse des prix moyens du pétrole brut et d’une hausse des exportations où l’Arabie Saoudite a bénéficié du tiers avec 237 milliards de dollars en 2018. En revanche, à partir de 1983, le cours du baril s’effondre et ne sera plus maîtrisé par l’Opep pendant plusieurs années, surtout qu’avec les marchés à terme de Londres (ICE) et de New York (Nymex). jouent un rôle croissant dans la détermination des cours, retirant ainsi du pouvoir à l’Opep. Cela est démontré au fil de l’histoire.
Rappelons que le 28 septembre 2016, l’Opep s’est réunie à Alger avec une décision historique de limiter la production de pétrole brut à un niveau de 32,5 à 33 millions de barils par jour. Le 30 novembre 2016 à Vienne sa production de 1,2 million de barils par jour à 32,5 millions avec un accord effectif à compter du 1er janvier 2017 et l’engagement de la Russie de réduire de 300 000 barils par jour sa production. En mai 2018, la réunion de Vienne, les membres signent l’intégration d’un autre pays : la Guinée équatoriale qui devient alors officiellement le 14e membre de l’Opep (le sixième pays africain). C’est dans un contexte particulier que le 9 avril 2020, le groupe de pays exportateurs de pétrole, constitué des 13 de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep) et de 10 pays partenaires membres, ont négocié un nouvel accord sur une réduction commune de leur production : une réduction de 22% de la production des 10 pays de l’Opep non-exemptés de quotas (c’est-à-dire l’Opep sans l’Iran, le Venezuela et la Libye) et de leurs 10 partenaires de l’Opep+, l’accord final a porté sur 10 millions de barils par jour de moins sur le marché durant les mois de mai et juin, les réductions devant ensuite être ramenées à 8 Mbj entre juillet et décembre 2020, puis à 6 Mbj entre janvier 2021.
L’effort sera supporté principalement par l’Arabie Saoudite et la Russie, deuxième et troisième producteurs mondiaux derrière les USA, qui retrancheraient chacun près de 2,5 Mbj sur une production de référence lissée à 11 Mbj. Les 5 autres millions de barils à retrancher seraient répartis entre les 18 autres pays de l’accord, selon leur niveau de production sur un mois de référence commun, qui est celui d’octobre 2018. Selon les experts, les discussions ont porté sur cette période de référence, chacun mesurant sa production réelle ce mois-là par rapport à sa capacité de production, devant trancher sur la prise en compte, ou non, des condensats (hydrocarbures associés aux gisements de gaz naturel) à la période de référence peut également jouer sur les quotas finaux. L’organisation espère que les Etats-Unis, premier producteur mondial, et d’autres pays comme le Canada, la Norvège et le Brésil réduiront leur production pour un total de 5 millions de bpj. Ce n’est qu’un vœu puisque les États-Unis ayant fait savoir qu’il ne participeront pas à cette réduction, (la majorité étant des sociétés privées, les lois américaines interdisant des directives de l’exécutif dans la gestion de la sphère privée), le ministère américain de l’Énergie ayant déclaré que la production du pays était déjà en baisse, du fait que la majorité des gisements marginaux, qui sont les plus nombreux, bien que les coûts aient baissé de plus de 50% ces dernières années, de pétrole de schiste ne sont plus rentables en dessous de 40 dollars le baril. Mais nous ne sommes plus dans les années 1971 et 1972.
Au cours des années 1990, l’influence de l’Opep avec le primat de l’Arabie Saoudite, sur les prix des cours décline pour trois raisons : des divergences internes et la violation des quotas de production par certains de ses membres, l’échec d’extension de sa zone d’influence aux nouveaux producteurs (Russie, Mexique, Norvège, Royaume-Uni, Colombie, etc.) et l’influence des marchés de Londres et de New York qui orientent notablement les cours. Par ailleurs soixante ans après sa fondation, l’Opep doit relever trois défis majeurs qui perdurent depuis les années 1990 : premièrement, la résolution des nouveaux conflits internes, la fracture entre membres pro et anti-américains exacerbe ces conflits. L’Arabie Saoudite, alliée traditionnelle des États-Unis, est confrontée à l’Iran et au Venezuela, deux des pays les plus ouvertement anti-américains dans le monde, qui contestent son influence sur l’organisation. Au-delà des divergences idéologiques, existent donc deux tendances entre les pays pour qui l’Opep doit avant tout être l’animateur d’un marché de matières premières et ceux désireux d’en faire une arme plus politique.
Deuxièmement, la montée en puissance de la Russie où avec plus de 11,3 millions de barils par jour, produit autant que l’Iran, le Nigeria, le Venezuela, l’Algérie et l’Équateur réunis, s’étant engagée depuis fin 2016, aux côtés de l’Opep à plafonner sa production afin de faire remonter les cours du pétrole. Troisièmement, la production croissante d’hydrocarbures non conventionnels aux USA qui en font le premier producteur mondial en 2019 avec plus de 12 millions de barils par jour qui a réduit l’influence de l’Opep, bien que ses réserves d’hydrocarbures annoncées comme les premières au monde, mais tout dépendra du vecteur prix et des coûts pouvant avoir d’importantes réserves mais non rentables économiquement.
(A suivre)
A. M.