«Merci de venir au cinéma !»

Festival de San Sebastian

Après Venise au début du mois, le festival international du film de San Sebastian est le deuxième festival de premier rang à braver les vents contraires de la pandémie de Covid-19 et à proposer au public, malgré les difficultés pratiques et financières que cela suppose, de se joindre à cette fête du cinéma.

Comme l’a fortement rappelé la réalisatrice espagnole Isabel Coixet, il faut prendre le brouillard à bras-le-corps. Un hommage a été rendu à Isabel Coixet, en présence du ministre de la Culture Manuel Rodriguez Uribes. La réalisatrice catalane a été couronnée du Prix national du cinéma 2020, en marge du festival. Dans un discours fort, Isabel Coixet, qui s’est frottée à tous les genres du documentaire (on lui doit notamment un entretien avec le juge Baltasar Garzon) à la fiction et a embrassé l’espace de l’Alaska à Barcelone en passant par Berlin, New York et Tokyo, a voulu encourager les jeunes (futurs) cinéastes à braver leurs propres peurs et les difficultés qui les attendent. Les 30 000 euros de son prix leur sont d’ailleurs destinés. « Nous vivons dans une ère d’incertitude comme l’histoire de l’humanité en a peu connu, a ajouté Isabel Coixet. Faute de certitudes, embrasse le brouillard. Pas le choix».
Des incertitudes notamment liées à la pandémie qui a mis en panne le cinéma, a rappelé lors de l’ouverture du festival, José Luis Rebordinos, masqué comme tous les intervenants. En raison des règles sanitaires (rappelées dans les trois langues du festival à chaque séance : basque, castillan et anglais), le nombre de spectateurs a été réduit à peu près de moitié selon les salles et les réservations sont obligatoires. Une organisation matérielle et informatique complexe et coûteuse qu’il a fallu mettre en place pour que la fête se tienne. Une fête à laquelle moins de convives – cinéastes et équipes de films – sont invités : les restrictions imposées par certains pays aux personnes voyageant en Espagne ont été parfois dissuasives et les réalisateurs par exemple en provenance d’Amérique latine, où la pandémie sévit durement, sont moins nombreux à avoir fait le voyage.

Moins de films mais un public fidèle
Moins de films ont été sélectionnés (64 en moins qu’en 2019 soit un tiers), il y a aussi moins de projections et moins de ces espaces de rencontres et de convivialité qui font l’un des charmes du festival de San Sebastian où le public peut toucher les étoiles comme les rencontres d’Horizontes latinos ou le fameux tapis rouge du Kursaal. Plusieurs conférences de presse se tiennent online et les réseaux sociaux tournent à plein régime. Mais le public est fidèle et friand de cinéma puisque dès le premier jour de la mise en vente des billets, 90% ont été vendus. Le fait que cette édition puisse se tenir témoigne du combat mené pour que le cinéma occupe l’espace qui lui revient et qu’il mérite, assure José Luis Rebordinos. À ses côtés pour l’inauguration du festival, Thierry Frémeaux, directeur du festival de Cannes, dont dix-sept films sont présentés à Cannes comme ADN de Maïwenn, Eté 85 de François Ozon ou True mothers de Naomi Kawase.
Tous deux étaient déjà à Venise début septembre, aux côtés d’autres directeurs de grands festivals pour rassurer sur l’avenir du cinéma. Et aussi sur l’avenir du cinéma en salles face aux plateformes qui ont connu un grand succès pendant le confinement (un message martelé par José Luis Rebordinos). Le festival est un lieu où les distributeurs font leur marché, une arène aussi, parfois comme l’a rappelé Isabel Coixet qui a raconté combien son premier film avait été étrillé par la critique lors de sa première participation au festival de San Sebastian, il y a trente ans, et les torrents de larmes qu’elle avait alors versés. Mais les festivals sont aussi et avant tout des lieux de rencontres, de culture et d’éducation.
En ouverture du festival, un hommage a été rendu à José « Pepe» Riba, disparu au printempsdernier, grand « passeur» de cinéma hispanique et hispano-américain en France, découvreur de talents et créateur des rencontres Espagnolas en Paris et du festival Différent – L’autre cinéma espagnol, qui accueillit Isabel Coixet en 2017. Une soirée lui est consacrée le 5 octobre à Paris avec la projection, en avant-première en France du film Une vie secrète (La trichera infinita) de Aitor Arregi, Jon Garaño et Jose Mari Goenaga, multiprimé l’an passé à San Sebastian. Autre projection prévue, celle d’un film hommage réalisé par la jeune réalisatrice mexicaine Lila Avilès que José Riba avait beaucoup aidée à ses débuts. Lila Avilès est aussi une habituée du festival de San Sebastian. Des histoires d’amitiés, de fidélités, de transmission pour braver les brouillards et que vive le cinéma.
I. L. G.