Amnesty International exige du Maroc l’abandon des poursuites contre le journaliste Ibrahim Amrikli

El-Ayoun occupée

L’ONG Amnesty International a exigé, pour la seconde fois en moins d’un mois, des autorités d’occupation marocaines l’abandon immédiat des poursuites «injustifiées» à l’encontre du journaliste Ibrahim Amrikli.

«Les autorités marocaines doivent immédiatement abandonner les poursuites injustifiées lancées contre le journaliste citoyen Ibrahim Amrikli», a souligné l’ONG dans un communiqué, estimant que «les circonstances de l’arrestation d’Ibrahim Amrikli, de son interrogatoire et de sa mise en accusation semblent indiquer qu’il a été pris pour cible en raison de son travail de journaliste engagé et de militant en faveur des droits humains». Membre de la Fondation Nushatta créée en 2013, une organisation de jeunesse sahraouie qui effectue un suivi de la situation des droits humains dans le Sahara occidental, Ibrahim Amrikli a couvert des manifestations et a également travaillé sur des documentaires, tels qu’un reportage consacré à la mine de phosphate Bou Craa, dans le Sahara occidental, a rappelé Amnesty International. Le procureur près le tribunal de première instance à El-Ayoun occupée a accusé, le 17 mai dernier, le journaliste sahraoui Amrikli d’avoir enfreint la réglementation relative à l’état d’urgence sanitaire, en vertu du décret-loi sur l’urgence sanitaire adopté en mars 2020, et «d’outrage à fonctionnaires publics», au titre de l’article 263 du code pénal. Lors de sa 1re audience tenue le 7 septembre, le tribunal de première instance d’El-Ayoun a décidé de renvoyer le procès au 28 du même mois, soit lundi prochain. Amnesty a indiqué qu’Ibrahim a été arrêté par quatre policiers dans la ville d’El-Ayoun occupée, qui l’ont conduit de force à monter dans un véhicule de police, sous prétexte d’avoir violé l’état d’urgence imposé du fait de la propagation du Coronavirus.

Le journaliste a été arrêté «alors qu’il avait sur lui une autorisation de circuler» et «avait subi même de mauvais traitements lors de sa mise en détention au siège de la police». Le rapport d’Amnesty International a également évoqué le cas d’arrestation du journaliste sahraoui Essabi Yahdih, fondateur de l’organe médiatique Algargarat, le 1 juillet 2020 dans la ville d’El-Ayoun occupée, affirmant qu’il avait lui aussi été arrêté en raison de ses activités médiatiques. L’occupant marocain se livre, de façon systématique, à divers types de harcèlement à l’encontre de journalistes sahraouis, impose un blocus sur toute la région et interdit même aux délégations de s’y rendre. Amnesty répond au Maroc, lui rappelle son sinistre bilan des droits de l’Homme L’ONG Amnesty International a réagi samedi à la campagne de diffamation orchestrée à son encontre par le gouvernement marocain, lui rappelant dans la foulée son sinistre bilan des droits de l’Homme.

«Les attaques des autorités marocaines contre la crédibilité d’Amnesty International et la campagne de dénigrement orchestrée contre le bureau d’Amnesty à Rabat montrent à quel point elles (les autorités) sont devenues intolérantes à l’égard de l’examen et des critiques légitimes de leur bilan en matière de droits humains», déplore l’ONG. Les attaques contre Amnesty se sont accentuées depuis la publication le 22 juin dernier d’une enquête sur le piratage du téléphone d’Omar Radi, journaliste et fervent détracteur du bilan des droits humains au Maroc. L’ONG a découvert que le téléphone d’Omar Radi avait été la cible de plusieurs attaques au moyen d’une nouvelle technique sophistiquée permettant d’installer de façon invisible Pegasus, logiciel espion produit par la firme israélienne NSO Group. «Les preuves techniques extraites du téléphone d’Omar Radi indiquent clairement que Pegasus a été installé avec une forme particulière d’attaque numérique identifiée comme une injection réseau», affirme l’ONG.

Acculé au mur, le gouvernement marocain s’agite pour repousser ces accusations confirmées. Des sources gouvernementales qui se sont confiées à des médias marocains évoquent une prochaine fermeture du bureau d’Amnesty à Rabat, lui rappelant au passage la suspension de leur coopération. L’ONG dit avoir été faussement accusée par le gouvernement marocain. Ce dernier a prétendu qu’Amnesty lui a refusé un droit de réponse aux conclusions du rapport. Obstruction aux activités d’Amnesty Dans son communiqué, l’ONG révèle qu’elle a informé les autorités marocaines du contenu de l’enquête le 9 juin, soit deux semaines avant sa publication, via une lettre officielle envoyée par e-mail à cinq fonctionnaires du ministère des Droits de l’homme. Dans la même lettre, Amnesty a invité le gouvernement à fournir des commentaires à inclure dans le rapport. Sa demande est restée lettre morte. Et rappelle dans la foulée que «ce n’est pas la première fois que des efforts sont déployés pour saper le travail d’Amnesty» au Maroc, soulignant que ces attaques «coïncident avec une répression croissante» dans le pays.

«Des dizaines de militants des droits de l’homme, de journalistes indépendants et de manifestants sont actuellement en prison», dénonce l’Organisation avant de déplorer une obstruction aux activités de son bureau à Rabat. Ce n’est pas la première fois que les activités d’Amnesty International sont entravées au Maroc. En juin 2015, deux enquêteurs d’Amnesty International qui documentaient la situation des migrants et des réfugiés ont été expulsés du pays malgré l’assurance du gouvernement que l’organisation pourrait mener des missions sur simple notification. «Les autorités marocaines ont un lourd passé dans l’instauration de mesures punitives pour détourner l’attention de leur sombre bilan en matière de droits humains», précise l’ONG. Ce faisant, ils confirment précisément ce que les enquêteurs d’Amnesty International ont révélé au cours de ces derniers mois : la tolérance zéro du gouvernement vis-à-vis de la liberté d’expression», commente Heba Morayef, directrice d’Amnesty pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord.
R.I