Les portraits des dirigeants déridés avec le temps

Selon une étude scientifique

Une étude publiée dans Nature s’est penchée sur près de 2 000 peintures de grands de ce monde réalisées entre 1506 et 2016. Et certains signes du visage ne trompent pas.

Devant un tableau dans un musée, vous vous êtes peut-être déjà demandé pourquoi les dirigeants et autres nobles affichaient une mine sérieuse, voire menaçante, alors que notre réflexe contemporain est plutôt de sourire sur les photos. Hé bien cela n’a rien d’anodin, comme l’expliquent les résultats d’une étude menée par des chercheurs en sciences cognitives du CNRS, de l’ENS-PL, de l’Inserm et de Sciences Po et publiés, mardi 22 septembre. Les scientifiques se sont penchés sur des œuvres du 14e au 21e siècle – pas moins de 1 962 portraits anglais de la National Portrait Gallery de Londres, peints entre 1506 et 2016, et 4 106 portraits de la Web Gallery of Art, couvrant 19 pays d’Europe occidentale entre 1360 et 1918 – et y ont analysé les expressions faciales des hommes et femmes représentés, dans le cadre de cette étude.
L’algorithme qui a passé en revue tous ces visages met en évidence une augmentation des expressions «de confiance et de sympathie» au fur et à mesure que l’époque avance. Comprenez que les visages se sont déridés, les sourcils sont moins froncés et les bouches esquissent davantage de sourires à partir de 1800. «Dans l’histoire de la monarchie anglaise, il suffit de comparer les portraits d’Elisabeth I et Elisabeth II pour le constater. La deuxième est plus souriante que la première», illustre Lou Safra, enseignante-chercheuse à Sciences Po impliquée dans l’étude, interrogée par Le Figaro. En se faisant tirer le portrait, les grands de ce monde ont, selon les époques, voulu manifester leur pouvoir et inspirer la crainte ou, au contraire, se donner un air sympathique et digne de confiance. «À travers leurs sources, les historiens avaient déjà perçu un glissement vers plus de confiance envers autrui au fil du temps.
Cependant, ces changements restaient difficiles à documenter quantitativement», poursuit le communiqué du CNRS. Cette étude, intitulée «Quand la peinture révèle l’augmentation de la confiance sociale», suggère en fait une augmentation du sentiment de confiance envers autrui dans la société, qui suit de près l’accroissement du niveau de vie. Les chercheurs ont d’ailleurs aussi appliqué leur algorithme à la Selfiecity, une base de données regroupant 2 277 autoportraits photographiques postés sur les réseaux sociaux de six villes à travers le monde. Là encore, «la confiance inspirée par les visages était effectivement corrélée à la confiance et à la coopération interpersonnelles préalablement mesurées au travers d’enquêtes internationales.» Désormais, cette étude sur l’évolution de la confiance et ses signes dans la culture va se poursuivre sur la base d’autres sources, comme les textes littéraires ou la production musicale.
L. W.