Un diagnostic serein de la situation géostratégique et socio-économique

Plan de relance économique 2000/2025

A un mauvais diagnostic résulte forcément de mauvaises solutions. Aussi, s’impose un bilan serein de la situation actuelle et des solutions adéquates pour faire face à la crise qui secoue pas seulement l’Algérie mais le monde. (Voir notre interview à la télévision américaine Al Hurra 11-8-2020).

Le principe de la finance islamique est que les investissements doivent être adossés à des actifs réels, le banquier ne devant pas être seulement prêteur mais co-investisseur du projet financé, ses revenus correspondant à une quote-part des résultats issus du projet financé, permettent d’atténuer le risque selon le principe du partage des pertes et profit. Sa réussite implique des conditions : une visibilité, la maîtrise de l’inflation, la stabilité de la cotation du dinar par rapport aux devises euro et dollar notamment et surtout de la confiance Etat-citoyens (voir notre interview mensuel financier Le Capital.fr-Tv France 24 avec l’AFP du 13 août 2020).

1.6- Cinquièmement sur le niveau des réserves de change. Selon le Fonds monétaire international (FMI), rapporté le 26 septembre par le site spécialisé, Oil Price, l’Algérie a besoin d’un prix du baril de pétrole estimé à 157,2 dollars pour équilibrer son budget. La précédente projection du FMI pour 2020 prévoyait un prix d’équilibre à 92,3 dollars et cela suite à la crise Covid-19, pour 2021, un prix d’équilibre à 109,3 dollars, rappelant que selon les prévisions du FMI pour les années précédentes, le prix d’équilibre du baril pour l’Algérie était estimé de 104,6 dollars en 2019, à 101,4 dollars en 2018 et à 91,4 en 2017.
Cela a un impact sur l’évolution des réserves de change qui ont évolué ainsi :
– 1999 : 4,4 milliards de dollars,
– 2005 : 56,2 milliards de dollars,
– 2008 : 143,1 milliards de dollars,
– 2009 : 147,2 milliards de dollars,
– 2010 : 162,2 milliards de dollars,
– 2011 : 175,6 milliards de dollars,
– 2012 : 190,6 milliards de dollars,
– 2013 : 194,0 milliards de dollars,
– 2017 : 97,33 milliards de dollars,
– 2018 : 79,88 milliards de dollars,
– 2019 (avril) : 72,60 milliards de dollars fin 2019 : 62 milliards de dollars,
– fin 2020, avant l’épidémie du coronavirus, les prévisions de la Loi de finances complémentaire sont de 44,2 milliards de dollars contre 51,6 prévu dans la loi initiale.

Le FMI pour prévoit 33,8 milliards de dollars fin 2020, le trésor français 36 milliards et fin 2021, début 2022, entre 12/13 milliards de dollars. Alors que dans la Loi de finances préliminaire, le niveau des réserves de change devrait reculer fin 2020 pour atteindre 44,2 milliards de dollars contre une prévision initiale de 51,6 milliards de dollars. Mais tout dépendra à la fois des importations ne pouvant pas tout restreindre, quitte à étouffer tout l’appareil productif, produire plus au niveau interne fonction de la balance devises pour éviter l’expérience malheureuse des usines de montage de voitures et bon nombre d’autres projets «fictifs», lutter contre les surfacturations et une meilleure gestion interne, sous réserve de ces conditions, les réserves de change pourraient être clôturées fin 2021 début 2022 entre 21/22 milliards de dollars. A court terme, si le cours moyen 2020 est d’environ 40 dollars en termes réel et le cours du gaz naturel supérieur à 5 dollars le MBTU qui a chuté de plus de 75% entre 2008/2020 (moins de 2 dollars le MBTU en juillet 2020), procurant selon le bilan de Sonatrach de 2019, environ 33% de ses recettes brutes, devant soustraire les coûts et la part des associés, et le manque à gagner de la réduction de la production décidée par l’Opep pour l’Algérie d’environ 3 milliards de dollars en moyenne annuelle, au cours moyen de 40 dollars, les recettes fin 2020 devraient clôturer entre 21/22 milliards de dollars.

1.7- Sixièmement l’impact sur le taux d’inflation qui influe sur le pouvoir d’achat compressé en Algérie par les transferts sociaux généralisées et non ciblés qui dépasse les 9% du PIB, dont l’indice se calcule par rapport à la période précédente. Ainsi un taux d’inflation faible en T1 par rapport à un taux d’inflation élevé par rapport à To donne cumulé un taux d’inflation élevé et se pose la question de l’évolution du salaire réel par rapport à ce taux cumulé.
Le taux officiel été selon le site international financier Index Mundi de 1999 à fin 2019 de 89,5% évoluant ainsi :
– 1999, 4,2%
– 2000, 2,0%
– 2001, 3,0%
– 2002, 3,0%
– 2003, 3,5%
– 2004 -3,1%
– 2005, 1,9%
– 2006, 3,0%
– 2007, 3,5%
– 2008, 4,5%
– 2009, 5,7%,
– 2010, 5,0%
– 2011, 4,5%
– 2012, 8,9% (après les augmentations de salaires)
– 2013, 3,9%
– 2014, 2,9%
– 2015, 4,2%
– 2016, 5,9%
– 2017, 5,6%
– 2018, 5,6%
– 2019, 5,6%.
Pour l’Algérie, s’impose une révision de l’indice pour tenir compte de l’évolution des besoins nouveaux, où l’immatériel tend à prendre une proportion croissante et devant impérativement analyser les liens entre croissance, répartition du revenu national et modèle de consommation par couches sociales, un indice global ayant peu de signification.

1.8- Septièmement, l’impact sur la cotation du dinar où la valeur d’une monnaie dépend avant tout du niveau de la production et de la productivité interne et la capacité d’un pays à pénétrer le marché international et où l’évolution du cours officiel du dinar est fortement corrélé aux réserves de change via les recettes d’hydrocarbures à plus de 70%.
Pour la période 1970 à 1999 nous avons la cotation suivante avec une cotation administrative jusqu’à fin 1992 :
– 1970, : 4,94 dinars un dollar,
– 1990 : 12,02 dinars un dollar,
– 1991 18,05 dinars un dollar,
– 1994 : 36,32 dinars un dollar,
– 1995 : 47,68 dinars un dollar
– 1999 : 66,64 dinars un dollar.
Pour la période de 2001 à fin juillet 2020, nous avons la cotation suivante :
– 2001 : 77,26 dinars un dollar 69,20 dinars un euro :
– 2005, 73,36 dinars un dollar, 91,32 dinars un euro :
– 2010, 74,31 dinars un dollar et 103,49 dinars un euro :
– 2015, 100,46 dinars un dollar et 111,44 dinars un euro :
– 2016 : 100,46 dinars un dollar et 111,44 dinars un euro :
– 2017 : 110,96 dinars un dollar et 125,31 dinars un euro :
– 2018 : 116,62 dinars un dollar et 137,69 dinars un euro :
– 2019 : 119,36 dinars un dollar et 133,71 dinars un euro :
– 17 août 2020 : 128,25 dinars un dollar et 151,99 dinars un euro (cours Forex).
Tout dérapage du dinar par rapport au dollar et à l’euro permet d’augmenter artificiellement la fiscalité hydrocarbures (reconversion des exportation hydrocarbures en dinars) et la fiscalité ordinaire (via les importations tant en dollars qu’en euros convertis en dinar dévalué), cette dernière accentuant l’inflation (équipements, matières premières, biens finaux, montant accentué par la taxe à la douane s’appliquant à la valeur dinar, étant supportée en fin de parcours, par le consommateur comme un impôt indirect, l’entreprise ne pouvant supporter ces mesures que si elle améliore sa productivité. Pour suppléer au déficit budgétaire, le recours à la planche à billets après l’épuisement du Fonds de stabilisation du pétrole (FRR) pour financer le déficit budgétaire, la Banque centrale a recouru à ce mécanisme de mi-novembre 2017 à avril 2019, ayant mobilisé 55 milliards de dollars, soit l’équivalent de 32% du PIB de 2018.
Ce financement, outre l’effet inflationniste, comme au Venezuela, favorise contrairement à certains discours, la baisse des réserves de change puisque en mettant à la disposition de certaines entreprises des dinars, (70% des matières premières et des équipements des entreprises publiques et privées étant importées, le taux d’intégration ne dépassant pas 15/20%), ces dernières se porteront importatrices en devises en biens et services. En cas de baisse drastique des réserves de change à 10/12 milliards de dollars, qui tiennent la cotation du dinar algérien à plus de 70%, la Banque d’Algérie sera contrainte de dévaluer le dinar officiel à environ 200/220 dinars un euro avec une envolée du cours sur le marché parallèle, la cotation actuelle sur ce marché n’étant pas significative du fait de l’épidémie du coronavirus qui limite la demande, étant difficile de combler l’écart avec le marché parallèle, l’allocation de devises tant pour les opérateurs privés que pour les ménages étant dérisoire.

2.- Actions en faveur des réformes
2.1- Le plus grand obstacle au développement c’est la bureaucratie centrale et locale néfaste qui enfante la corruption. La majorité des rapports internationaux, donnent des résultats mitigés, sur le climat des affaires en Algérie où le pouvoir bureaucratique décourage les véritables investisseurs, le cadre macro-économique étant stabilisé artificiellement par la rente des hydrocarbures (note interview le Monde.fr /AFP 10/8/2020). Comme le montrent certaines enquêtes de l’ONS, l’économie algérienne est une économie rentière exportant 98% d’hydrocarbures à l’état brut ou semi brut avec les dérivées et important 75/85% des besoins des entreprises, dont le taux d’intégration, privé et public ne dépasse pas 25/15%. Environ 83% du tissu économique étant représenté par le commerce et les services de très faibles dimensions, le taux de croissance officiel hors hydrocarbures étant artificiel, 80% du PIB via la dépense publique l’étant grâce aux hydrocarbures. Selon les données officielles, plus de 90% des entreprises privées algériennes sont de types familiaux sans aucun management stratégique, et que 85% d’entreprises publiques et privées ne maîtrisent pas les nouvelles technologies et la majorité des segments privés et publics vivent grâce aux marchés publics octroyés par l’Etat.
Par ailleurs, l’économie est dominée par la sphère informelle notamment marchande elle même liée à la logique rentière, ce qui explique le peu de transactions au niveau de la Bourse d’Alger. Car pour avoir une cotation significative, l’ensemble des titres de capital de la bourse d’Alger doit représenter une part significative du produit intérieur brut, les volumes de transactions observés étant actuellement insuffisants. Les opérateurs privés susceptibles de se lancer dans cette activité, ne pourront le faire que lorsque le nombre de sociétés et le volume traité seront suffisants pour seulement couvrir leurs frais. Sur le plan technique, en l’état actuel de leurs comptes, très peu d’entreprises connaissent exactement l’évaluation de leurs actifs selon les normes du marché. Il se trouve que les comptes des entreprises publiques algériennes de la plus importante à la plus simple sont dans un état qui ne passerait pas la diligence des audits les plus élémentaires.
Même une grande société comme Sonatrach ou de grandes banques publiques ne sont pas cotées en bourse, ne pouvant donc pas évaluer leur efficience, contrairement aux grandes sociétés internationales. Pour cela, Sonatrach par exemple, a besoin d’un nouveau management stratégique à l’instar de la majorité des entreprises algériennes, avec des comptes clairs afin de déterminer les coûts par section. L’opacité de la gestion de la majorité des entreprises qui se limitent à livrer des comptes globaux consolidés voile l’essentiel. Pour Sonatrach, il s’agit de distinguer si le surplus engrangé est du essentiellement à des facteurs exogènes, donc à l’évolution du prix au niveau international ou à une bonne gestion interne.
(A suivre)
Professeur des universités, expert international, Dr Abderrahmane Mebtoul