Militante afro-américaine oubliée

«Noire», l’histoire de Claudette Colvin

C’était avant Rosa Parks, Claudette Colvin, jeune fille noire de 15 ans, refuse de céder sa place dans le bus à une femme blanche. Nous sommes en Alabama, le 2 mars 1955. Tania de Montaigne s’est emparée de cette histoire oubliée et la raconte au théâtre dans une mise en scène de Stéphane Foenkinos.

Tania de Montaigne commence à nous immerger dans l’Amérique de l’époque. Seule sur scène, s’adressant au public armée de son talent de conteuse et secondée par quelques images de l’Alabama et des films de l’époque, elle nous transporte en 1955 au cœur de Montgomery. C’est la première fois que Tania de Montaigne monte sur scène. À l’origine de la pièce, un ouvrage qu’elle publie chez Grasset en 2015, Noire. La vie méconnue de Claudette Colvin. Il est le fruit d’une enquête de deux ans pour raconter le parcours de la militante afro-américaine pour les droits civiques. Il remportera le prix Simone-Veil.

«Vous voici arrivé en Alabama»
Puis c’est la rencontre avec Stéphane Foenkinos. Le metteur en scène adapte le texte pour le théâtre et convainc l’autrice de jouer le rôle de la narratrice. Elle s’adresse directement au public, le regardant droit dans les yeux. «Vous voici arrivé en Alabama. Vous êtes donc un nègre de Montgomery qui attend le bus. Les Noirs sont au fond et les Blancs en avant… Lorsque Claudette sort de sa rêverie, elle s’aperçoit qu’une femme blanche attend devant elle sans un mot. Claudette ne bouge pas.» Claudette Colvin a aujourd’hui 80 ans. À l’époque, elle en avait 15, l’âge de la rébellion contre l’injustice. Elle va payer cher son refus de laisser sa place dans le bus à une Blanche. Prison, déscolarisation… Neuf mois plus tard, dans cette même ville de Montgomery, Rosa Parks aura le même geste et deviendra l’égérie de la lutte des Noirs, Claudette Colvin, elle, tombera dans l’oubli.

Raconter simplement, sans pathos
Tania de Montaigne, elle-même de mère martiniquaise et de père congolais qu’elle rencontre sur le tard, répare cet oubli. Elle raconte son histoire simplement, sans pathos, et en restitue toute la complexité. Le récit est ponctué de chansons de jazz de l’époque. À l’heure de George Floyd et d’autres jeunes Noirs qui succombent encore à l’oppression policière américaine, le récit de Tania de Montaigne, beau et fort à la fois, prend malheureusement encore tout son sens aujourd’hui.
M. M.