Loukachenko met en scène un dialogue avec l’opposition sur fond de répression

Biélorussie :

De façon inattendue, le président, dont la réélection est contestée, s’est entretenu avec des opposants samedi, tout en accentuant la répression des manifestations. La rencontre, soigneusement mise en scène, a pris tout le monde par surprise.

Le président biélorusse, Alexandre Loukachenko, confronté à un mouvement de protestation sans précédent depuis sa réélection jugée frauduleuse, le 9 août, s’est entretenu pendant quatre heures et demie, samedi 10 octobre, avec onze membres de l’opposition emprisonnés. Une première. L’entretien s’est déroulé dans la prison des services spéciaux (KGB), à Minsk, autour d’une grande table ovale décorée d’une gerbe de fleurs, comme le montre la photo officielle. Le décorum laissait croire qu’il s’agissait là de négociations politiques « classiques », si ce n’était la différence de statut des participants : un dictateur face à ses prisonniers. Parmi les opposants présents figurait son ancien rival à la présidentielle, Viktor Babariko, placé en détention en juin afin de l’empêcher de se présenter. Plusieurs membres du «Conseil de coordination » de l’opposition, créé le 14 août pour constituer une instance de dialogue avec le pouvoir, étaient également présents. «L’objectif du président était d’écouter les opinions de tous », affirme son entourage. Pressé par les manifestants, l’Union européenne et la Russie d’ouvrir un dialogue pour sortir de la crise, Alexandre Loukachenko s’est donc posé, le temps d’une réunion, en président ouvert à la discussion, face à des opposants qu’il qualifiait la veille encore de simples «criminels» et qu’il a lui-même fait incarcérer. Rien n’a filtré sur le contenu de cette rencontre, hormis cette mise en garde de l’autocrate à ses interlocuteurs : «La Constitution ne s’écrira pas dans la rue». Alexandre Loukachenko faisait référence à son projet de réforme constitutionnelle, qui vise à transférer plus de pouvoir au Parlement. Il mise dessus pour sortir de la crise, alors que des dizaines de milliers de manifestants défilent chaque week-end depuis plus de deux mois pour réclamer son départ et la tenue de nouvelles élections. Cette rencontre surprise est interprétée comme un signe de faiblesse de la part d’Alexandre Loukachenko. «Cela montre que nous sommes sur la bonne voie», et que le président est «forcé de s’asseoir pour dialoguer avec ceux qu’il a mis derrière les barreaux», a réagi, depuis Varsovie, Pavel Latouchko, membre du présidium (instance dirigeante) du Conseil de coordination, dont presque tous les membres sont aujourd’hui en prison ou en exil.
R.I