Jean Giono, l’homme qui aimait les arbres

Littérature

À l’occasion du 50e anniversaire de la mort de Jean Giono, le 9 octobre, l’œuvre «L’Homme qui plantait des arbres» est la plus universelle de l’écrivain français. Un manifeste écologiste avant l’heure.

C’est l’histoire d’un berger provençal et solitaire qui, en plantant des arbres dans un désert de pierres, accomplit l’œuvre de sa vie. «Il avait jugé que ce pays mourrait par manque d’arbres», écrit Jean Giono dans L’Homme qui plantait des arbres, son texte le plus populaire, devenu, bien après sa mort, un manifeste écologiste, un modèle de développement durable. En plantant des glands, le fruit du chêne, le berger Elzéard Bouffier redonne vie à un paysage aride. Les arbres grandissent, forment une forêt. C’est le cycle de la vie qui reprend. Les animaux reviennent, les sources d’eau rejaillissent, jusqu’au retour des hommes et de la prospérité dans des villages jadis abandonnés. Une œuvre prémonitoire, à l’heure où la conscience écologiste gagne les esprits, et où des marques de prêt-à-porter, adeptes du greenwashing, promettent la plantation d’un arbre pour l’achat d’une paire de baskets… Publié en 1954, L’Homme qui plantait des arbres est une fable écolo avant l’heure. Une lecture pourtant contestée par plusieurs spécialistes de l’écrivain provençal. «Tout le monde est libre de considérer L’Homme qui plantait des arbres comme un manifeste écologiste. Mais ce n’était pas du tout l’intention de Giono», estime ainsi Jacques Mény, le président de l’Association des amis de Jean Giono.

Des forêts «Giono» dans le monde entier
«Il y a un amour de l’arbre chez Giono», explique Jacques Mény à l’ombre du grand kaki qui domine le jardin de la maison de Giono, et qui devenait la pièce à vivre de toute la famille dès le retour des beaux jours. La demeure est sans prétention, sur les hauteurs de Manosque, sa ville natale, où il est mort il y a tout juste 50 ans, dans le département des Alpes de Haute-Provence, pas très loin du décor de sa nouvelle située «dans cette vieille région des Alpes qui pénètre en Provence.» Giono dit avoir écrit ce court texte d’une quinzaine de pages «dans le but de faire aimer à planter des arbres (ce qui est depuis toujours une de mes idées les plus chères).» Un vœu exaucé bien des années plus tard. L’Homme qui plantait des arbres, traduit dans une quinzaine de langues, a fait le tour du monde, inspirant la plantation de forêts «Giono» en Inde, au Kenya ou au Canada.

«Giono ne savait planter que des mots»
«Toute son œuvre est porteuse de valeurs qui prennent aujourd’hui une actualité extraordinaire, analyse le président de l’Association des amis de Jean Giono. On se dit “Ah, mais Giono l’avait déjà dit !”. Il l’avait dit à partir de remarques qui partaient de la sensualité de son rapport au monde.» Le personnage d’Elzéard Bouffier, dont longtemps l’écrivain a laissé planer le doute sur son existence réelle, a été inspiré par le propre père de l’écrivain, qui aimait planter des glands dans la terre. «Mais lui-même ne savait pas planter une graine !», s’amuse Jacques Mény, qui rappelle le rapport sensuel que Giono entretenait avec les arbres : le bruit des feuilles du hêtre dans le vent, l’écorce du bouleau caressée… «Elzéard Bouffier qui couvre d’une forêt gigantesque ce plateau désertique, conclut Jacques Mény, c’est une figure de Giono romancier qui plante ses mots sur la page.» Les feuilles d’un livre sont comme les feuilles d’un arbre. Ces arbres dont on fait des livres. Et dont Giono a fait une œuvre universelle, qui se termine ainsi : «Quand je fais le compte de tout ce qu’il a fallu de constance dans la grandeur d’âme et d’acharnement dans la générosité pour obtenir ce résultat, je suis pris d’un immense respect pour ce vieux paysan sans culture qui a su mener à bien cette œuvre digne de Dieu.»
F. G.