Concrétiser sur le terrain une nouvelle gouvernance

L’objectif stratégique de la révision constitutionnelle

A l’ère de l’internet où le monde est devenu une grande maison de verre, la Cité ne peut plus être gérée comme par le passé. La bonne gouvernance fondée sur la moralisation doit être la priorité des gouvernants en ce XXIe siècle.

Pour le cas Algérie, il ne faut pas être utopique, sans moralisation surtout des dirigeants qui doivent donner l’exemple, et la stabilité politique, l’on ne peut parler de développement entre 2020/2025, tout le reste étant des slogans politiques auxquels la population algérienne ne croit plus. 1-Typologie de la bonne gouvernance Le terme «corporate governance», qu’on peut traduire par gouvernance d’entreprises, va ensuite être utilisé dans les milieux d’affaires américains tout au long des années 1980. Par la suite, la notion de «urban governance» s’est généralisée dans l’étude du pouvoir local et fait son apparition à la fin des années 80 dans un autre champ, celui des relations internationales. Selon la Banque mondiale, la gouvernance est définie comme étant l’ensemble des traditions et institutions par lesquelles le pouvoir s’exerce dans un pays avec pour objectif le bien de tous.

Elle comprend les procédés par lesquels les titulaires du pouvoir sont choisis, contrôlés et remplacés, la capacité du gouvernement à gérer efficacement les ressources et à appliquer des politiques solides et enfin le respect des citoyens et de l’Etat envers les institutions régissant les interactions économiques et sociales intervenants entre eux. Selon les Nations unies, la bonne gouvernance comprend les éléments suivants : la participation : donner à tous, hommes et femmes, la possibilité de participer au processus décisionnel ; la transparence : découlant de la libre circulation de l’information ; la sensibilité : des institutions et des processus vis-à-vis des intervenants ; le consensus : des intérêts différents sont conciliés afin d’arriver à un vaste consensus sur ce qui constitue l’intérêt général ; l’équité : tous, hommes et femmes, ont des possibilités d’améliorer et de conserver leur bien-être ; l’efficacité et l’efficience : les processus et les institutions produisent des résultats qui satisfont aux besoins tout en faisant le meilleur usage possible des ressources ; la responsabilité : des décideurs du gouvernement, du secteur privé et des organisations de la société civile ; une vision stratégique : des leaders et du public sur la bonne gouvernance et le développement humain et sur ce qui est nécessaire pour réaliser un tel développement et très récemment la prise en compte de la préoccupation, environnementale reprise par des institutions libérales comme la Banque mondiale et l’organisation mondiale du commerce.

Il est utile de préciser que le pas décisif de la recherche sur la bonne gouvernance date des années 1990 en réaction à la vision, jugée techniciste, du New Public Management où a été posée cette question : la bonne gouvernance est-elle une conséquence de la pratique de la démocratie et l’Etat de droit ou sa cause ? Autrement dit, la liberté, la démocratie et l’Etat de droit, pris comme option politique peuvent-elles engendrer la bonne gouvernance, c’est-à-dire la bonne gestion des affaires publiques ? Car il serait erroné d’affirmer que la bonne gouvernance serait l’assimilation à la quantification de la croissance du PIB/PNB vision mécanique dépassée par les institutions internationales elles-mêmes. Ainsi, des auteurs comme Pierre Calame ont mis en relief à juste titre que la crise de l’État ne connaît pas seulement une crise interne touchant à ses fonctions et à sa structure, mais concerne davantage la capacité de l’État à asseoir sa légitimité ainsi qu’à formuler des politiques publiques en phase avec les besoins socio-économiques.

Les travaux de Aglietta et Boyer sur la régulation, le Prix Nobel en Sciences économiques d’Elinor Ostrom pour son analyse sur les biens communs, les apports de Ronald Coase et de Williamson pour leur analyse de la gouvernance économique, qui approfondissent celle du fondateur de la Nouvelle Economie Institutionnelle (NEI), ayant comme chef de file, Douglass North, ont démontré que les institutions ont un rôle très important dans la société, déterminent la structure fondamentale des échanges humains, qu’elles soient politiques, sociales ou économiques. Elles constituent un des facteurs déterminants de la croissance économique de long terme, le terme d’institution désignant les règles formelles et informelles qui régissent les interactions humaines», et aussi comme les règles du jeu qui façonnent les comportements humains dans une société. D’où l’importance des institutions pour comprendre la coopération sociale, comment contrôler la coopération des différents agents économiques et faire respecter le contrat de coopération. Parce qu’il est coûteux de coopérer sur le marché, il est souvent plus économique de coopérer au sein d’une organisation.

2- Les mesures de la bonne gouvernance L’importance de la bonne gouvernance, macro et micro-gouvernance étant inextricablement liées, pose toute la problématique de la construction d’un Etat de droit et de l’efficacité des institutions, sur des bases démocratiques tenant compte des anthropologies culturelles de chaque nation. Ainsi, pour les mesures de la bonne gouvernance, sur le plan politique et institutionnel on distingue : la voix citoyenne et responsabilité qui mesurent la manière dont les citoyens d’un pays participent à la sélection de leurs gouvernants, ainsi que la liberté d’expression, d’association et de presse ; la stabilité politique et absence de violence qui mesure la perception de la probabilité d’une déstabilisation ou d’un renversement de gouvernement par des moyens inconstitutionnels ou violents, y compris le terrorisme ; l’efficacité des pouvoirs publics qui mesure la qualité des services publics, les performances de la fonction publique et son niveau d’indépendance vis-à-vis des pressions politiques ; la qualité de la réglementation qui mesure la capacité des pouvoirs publics à élaborer et appliquer de bonnes politiques et réglementations favorables au développement du secteur privé ; l’Etat de droit qui mesure le degré de confiance qu’ont les citoyens dans les règles conçues par la société et la manière dont ils s’y conforment et en particulier, le respect des contrats, les compétences de la police et des tribunaux, ainsi que la perception de la criminalité et de la violence ; la lutte contre la corruption qui mesure l’utilisation des pouvoirs publics à des fins d’enrichissement personnel, y compris la grande et la petite corruption, ainsi que «la prise en otage» de l’Etat par les élites et les intérêts privés.

La version des indicateurs de gouvernance dans le monde, établie par les experts internationaux montre que certains pays progressent rapidement dans le domaine de la gouvernance, notamment en Afrique, ce qui montre qu’un certain degré d’«afro-optimisme» serait de mise, selon Daniel Kaufmann, tout en reconnaissant que les données font aussi apparaître des différences sensibles entre les pays, voire entre voisins au sein de chaque continent. Les progrès sont en rapport avec les réformes dans les pays où les dirigeants politiques, les décideurs, la société civile et le secteur privé considèrent la bonne gouvernance et la lutte contre la corruption comme des facteurs indispensables à une croissance durable et partagée. Mais en dépit des acquis en matière de gouvernance dans certains pays, d’autres, en nombre égal, ont vu leurs performances se dégrader sur plusieurs aspects de la gouvernance. D’autres, plus nombreux encore, n’ont montré aucun changement significatif au cours de ces dernières années.

Les Indicateurs donnent à penser que là où des réformes sont engagées, la gouvernance peut être améliorée rapidement. Ainsi par exemple, selon plusieurs rapports de la BM, existent des liens dialectiques entre extension de la bureaucratie, extension de la sphère informelle et corruption. Cela n’est pas propre à l’Afrique puisque les dizaines, voire les centaines de milliards de dollars chaque année, de trafics d’arme, de prostitution ou la drogue relèvent de réseaux informels au niveau mondial. Ainsi, selon les rapports de Transparenty International qui présentent dans le détail les nombreux risques de corruption auxquels sont confrontées les entreprises, la corruption augmente les coûts des projets d’au moins 10/20% du fait des pots-de-vin versés à des politiciens et à des fonctionnaires d’État, où au final, c’est le citoyen qui en fait les frais. En conclusion, reconnaissons avec objectivité, en évitant le dénigrement gratuit que le projet de révision constitutionnelle soumis au référendum le 1er novembre 2020 constitue une avancée par rapport à l’ancienne Constitution. Tant sur le plan politique, social qu’économique.

Le grand problème et cela date depuis l’indépendance politique c’est l’application sur le terrain des lois d’où l’importance d’un renouveau du personnel politique dans la mesure où tout projet politique est porté par des forces sociales. Par ailleurs, il s’agira au lendemain du 1er novembre 2020, de dresser sans complaisance le bilan en tenant compte de plusieurs indicateurs : le nombre de votants par rapport aux inscrits, nombre qui doit être redressé par le nombre de la population en âge de voter et qui ne s’est pas inscrite ; le nombre de bulletins nuls ; le nombre de votants OUI et NON rapporté à la fois au nombre de votants et le nombre de OUI et NON rapporté aux inscrits et en prenant en compte les bulletins nuls. Espérons un sursaut national pour améliorer la gouvernance tant centrale que locale sans laquelle aucun développement n’est possible. Face à ces mutations, force est de constater qu’il reste beaucoup à faire pour que les responsables algériens s’adaptent aux arcanes de la nouvelle économie, où se dessinent d’importants bouleversements géostratégiques mondiaux, croyant que l’on combat les problèmes à partir de commissions, de circulaires ou de lois, ignorant tant les mutations mondiales que la morphologie sociale interne, en perpétuelle évolution. Pourtant, l’Algérie recèle d’importantes potentialités pour relever les défis du nouveau monde, en plein bouleversement, surtout les compétences humaines, richesse bien plus importante que toutes les réserves d’hydrocarbures, sous réserve de l’amélioration de la gouvernance et la valorisation du savoir, fondement du développement du XXIe siècle. Professeur des universités, expert international,
Dr Abderrahmane Mebtoul