Début d’une élection présidentielle dans un climat de crispation

Guinée

Ce premier scrutin d’une série de cinq élections présidentielles en Afrique de l’Ouest avant la fin de 2020 se déroule dans un climat de crispation qui fait redouter des troubles.

C’est un premier tour à haut risque. Près de 5,5 millions de Guinéens sont appelés à choisir leur prochain président, dimanche 18 octobre, premier rendez-vous sous tension d’un calendrier électoral ouest-africain chargé. Cette élection ouverte à 8 heures (heure locale), la première d’une série de cinq présidentielles en Afrique de l’Ouest avant la fin de l’année 2020, se déroule dans un climat de crispation qui fait redouter des troubles, surtout autour de l’annonce des résultats, dans un pays accoutumé à ce que les antagonismes politiques fassent couler le sang. Douze candidats et candidates sont en lice pour diriger ce pays de 12,5 millions d’habitants, parmi les plus pauvres du monde malgré ses immenses ressources naturelles. L’issue devrait se jouer entre le sortant Alpha Condé, 82 ans, et son adversaire de longue date, Cellou Dalein Diallo, 68 ans. L’un sanguin, l’autre policé, ils s’étaient affrontés en 2010, premières élections jugées démocratiques après des décennies de régimes autoritaires, puis en 2015. M. Condé l’avait emporté les deux fois. M. Condé, quatrième président seulement qu’ait connu la Guinée indépendante (outre deux présidents par intérim), revendique d’avoir redressé un pays qu’il avait trouvé en ruine et d’avoir fait avancer les droits humains. Il promet d’en faire « la deuxième puissance «économique» africaine après le Nigeria ». M. Diallo propose de « tourner la page cauchemardesque de dix ans de mensonges », fustigeant répression policière, corruption, chômage des jeunes et pauvreté. Il dit le sortant incapable de continuer à gouverner à cause de son âge. Le scrutin de 2020 n’échappe pas aux tensions des précédents. Pendant des mois, l’opposition s’est mobilisée contre la perspective d’un troisième mandat de M. Condé. La contestation a été durement réprimée. Des dizaines de civils ont été tués. Gouvernement et opposition se rejettent la responsabilité de ces morts.

«Lendemains tumultueux»
Le nombre de mandats présidentiels est limité à deux. Mais, pour M. Condé, la Constitution qu’il a fait adopter en mars pour, dit-il, moderniser le pays remet son compteur à zéro. L’opposition a remis en cause la légitimité de cette Constitution. Mais M. Diallo a décidé de participer à la présidentielle, faisant valoir que pour gouverner il fallait passer par les urnes. Menée à coups de grands meetings fiévreux, la campagne a été ponctuée d’invectives, d’incidents et d’obstructions, et de heurts qui ont fait plusieurs blessés entre militants. L’importance des appartenances ethniques ajoute à la volatilité de la situation. Le doute est répandu que l’un ou l’autre des principaux candidats reconnaisse sa défaite sans se battre jusqu’au bout. «Alpha Condé, qui a fait tout ce chemin, qui a modifié la Constitution, est-ce qu’il serait allé jusque-là pour perdre l’élection», demande Kabinet Fofana, président de l’Association de sciences politiques. Et « Cellou Dalein Diallo, qui a perdu deux élections, qui n’est plus représenté à l’Assemblée, est-ce qu’il viendrait juste pour accompagner Alpha Condé ? » Cela « peut nous amener à penser qu’on connaîtra des lendemains électoraux assez tumultueux », estime-t-il. «Nous ne jetterons pas de cailloux, nous ne casserons pas de véhicules», a dit le premier ministre, Ibrahima Kassory Fofana, au nom de milliers de supporteurs de M. Condé réunis vendredi pour son dernier meeting.
R.I/Agence