«Il y a urgence à doter nos clubs de bases d’entraînement»

Ali Fergani

Ali Fergani, ancien footballeur international algérien, est devenu ensuite entraîneur de la sélection algérienne. Capitaine de l’Equipe nationale lors de la Coupe du monde 82, il compte 64 sélections et cinq buts en équipe nationale entre 1973 et 1986. En club, il évolue au NA Hussein Dey puis à la JS Kabylie où il occupa également le poste d’entraîneur, et avec qui il remporte la Coupe d’Afrique des clubs champions. Après sa retraite sportive, il est nommé entraîneur-adjoint de la sélection algérienne avec Abdelhamid Kermali, avec qui il remporte la Coupe d’Afrique des nations 1990.

Il revient dans cette interview, qu’il a bien voulue nous accorder, sur les différentes étapes qui ont marqué sa vie footballistique, notamment celles relatives à sa participation aux différentes Coupes d’Afrique des nations.

La Nouvelle République : 1970, c’est l’année où vous avez grandi avec le NAHD, votre club formateur, diriez-vous. Vous avez rejoint la JSK où vous avez comptabilisé cinq championnats d’Algérie, une Coupe d’Afrique et une participation à la Coupe du monde 82. C’est certainement un riche palmarès pour vous ?
Ali Fergani :
Oui, l’un des palmarès les plus riches, avec toute modestie, et je suis fier d’avoir appartenu à ces deux grands clubs. N’oublions pas que le NAHD où je suis né, a été l’un des clubs qui a le plus formé de joueurs de très haut niveau. Pour preuve, lors du match contre l’Allemagne en Coupe du monde 1982, quatre joueurs, et non des moindres, étaient formés au Milaha. Il s’agit de Guendouz, Merzekane, Madjer et Fergani. Concernant la JSK, elle est comme le grand Barcelone. Elle représente une identité d’une région entière. A l’époque du Jumbo Jet, nous écrasions tout sur notre passage, nous étions en communion parfaite avec notre nombreux public. En plus, nous représentions dignement notre pays. Ce fut des moments inoubliables, que ce soit avec le NAHD ou la JSK.

Dites- nous, à la vitesse où passe le temps, nous sommes tentés de dire que la CAN-2022 est pour demain. Comment la voyez-vous avec Belmadi ?
Il est clair que l’on va se qualifier, je pense, aisément. Ceci dit, ce ne sera pas une partie de plaisir car notre équipe sera attendue de pied ferme par des adversaires qui ont des joueurs de qualité et ils feront tout pour essayer de nous déloger de cette première place. Mais quand on voit l’évolution de notre Equipe nationale, et si elle continue dans ce sens, il faudra se lever très tôt pour nous déloger.

La CAN-1980 jouée au Nigeria, c’était hier. Que vous rappelle cette première sortie de l’EN ?
Trois souvenirs me reviennent. Le premier, c’est le match de poule contre le grand, le très grand Ghana qui s’est terminé par un score vierge, et qui pourtant a été qualifié, par les spécialistes, comme étant l’un des meilleurs matches de toutes les Coupes d’Afrique. Le deuxième est le match des demi-finales contre la grande Egypte qui nous menait à la mi-temps 2-0. Nous avons égalisé en seconde mi-temps et nous les avons éliminés aux penalties. Un véritable exploit pour notre pays qui retrouvait la Coupe d’Afrique après une absence de plusieurs années (10 ans). Troisièmement, c’est la fameuse finale contre le Nigeria contre qui il était impossible de gagner dans la conjoncture de l’époque. Figurez-vous que le président nigérian Shagari qui était sur la sellette était en possession d’une ‘Ferfala’ (un objet que l’on tournoie et qui fait un bruit impressionnant) et que en finale, la Coupe devait leur revenir, avec un arbitre conciliant. Maintenant, il faut reconnaître aussi que le Nigeria avait aussi une bonne équipe. Mais ils n’étaient pas imbattables chez eux, car quelques mois plus tard, avec un arbitre européen, nous les avons battus 2-0 chez eux pour nous qualifier au Mondial-82.

Il y a eu en 1982, une CAN qui bousculait le Mondial. Que gardez-vous ? Diriez-vous qu’elle était une occasion pour préparer le Mondial ?
C’était une préparation à la Coupe du monde bien qu’elle était trop proche. Ceci dit, on s’est fait éliminé en 1/2 finale contre le Ghana qui a remporte le trophée. Je suis un peu responsable de cette défaite car je me suis fait expulser 5′ avant la fin de ce match. Ensuite le Ghana a égalisé et marqué le 3e but en prolongation. A ma décharge, j’ai joué cette 1/2 finale, malade, c’est bien simple, dès notre rentrée au pays, je me suis fait opéré. Le vainqueur de cette demi-finale était le favori pour remporter le trophée.

L’Algérie n’a réussi qu’une seule fois sa CAN, hormis celle de 2019. Qu’est-ce qui expliquent ces éliminations ?
Nous méritions de remporter, au moins deux fois, la Coupe d’Afrique. La 1re fois c’était en 1982 en Libye, comme je l’ai expliqué précédemment, et la 2e fois en Côte d’Ivoire où nous sommes restés invaincus. En demi-finale, nous avons rencontré le grand Cameroun. On a fini 0-0, après prolongation, puis nous nous sommes inclinés 5-4 aux tirs au but. Il était clair que le vainqueur de cette demi-finale allait remporter le trophée, ce qui fut le cas.

Quelles sont pour vous, les aubaines des hommes de Belmadi pour décrocher la troisième étoile. Et selon vous, quelle sont les chances des Verts au Mondial du Qatar ?
Pour la CAN, nos chances sont intactes, bien que notre équipe nationale sera attendue de pied ferme par nos adversaires, car nous sommes les champions et nous devenons l’équipe à abattre. Mais je pense que nous pouvons encore aller loin. Concernant la Coupe du monde, ce ne sera pas une partie de plaisir, mais attendons d’abord de nous qualifier au tour final. Ceci dit, Djamel Belmadi est en train d’élargir son groupe et notre équipe est toujours en train de progresser, comme l’a montré le dernier match contre le Mexique qui a failli perdre alors qu’on était en infériorité numérique pendant plus de 30′.

En 1996, pour la CAN jouée en Afrique du Sud, une édition dédiée à Nelson Mandela, c’était vous qui étiez sélectionneur. Vous aviez une équipe composée que de joueurs locaux, pourquoi ?
Et bien c’est clair. A l’époque, les joueurs professionnels n’étaient pas obligés de répondre à une convocation en équipe nationale, ils n’étaient donc pas protégés par la FIFA. Il fallait l’accord des clubs, ce que nous n’avons pas obtenu pour les joueurs pros que nous souhaitions avoir. Ceci dit, Saïb qui était à Auxerre et Kaci Said Kamel au Zamalek nous ont rejoint, alors que Tasfaout n’a pu le faire car il était blessé. Je pense tout de même que ce fût une participation honorable car nous nous sommes qualifiés au 1/4 de finale, pour se faire éliminer, difficilement, par le futur vainqueur, le pays organisateur de Feu Mandela. Un bon souvenir avec mon ami, Abdelouahab Mourad, Allah Erahmou.

Vous disiez dans une interview que ‘la réforme sportive a apporté de la stabilité. Mais il n’y a pas que de bonnes choses dans la réforme’. Quelles étaient les bonnes et les mauvaises choses qui avaient caractérisé cette réforme ?
Je ne vais pas trop m’étaler sur cette réforme, car ce serait trop long. Pour les bonnes choses, je citerai la stabilité financière-jeunes pris en charge, stabilité technique, toutes les équipes ou presque sur le même pied d’égalité? etc. Pour les mauvaise choses : élimination des anciens dirigeants emblématiques des clubs, pas d’acquisitions de base d’entraînement, changement du nom des clubs, etc.

L’Équipe nationale continue de susciter l’admiration de tous, y compris de vous. Diriez-vous que le championnat national est encore faible pour former des joueurs pouvant rejoindre les Verts ?
Forcément nos clubs ne s’intéressent plus à la formation comme dans les années 80. Ceci dit, il y a urgence à doter nos clubs de bases d’entraînement, pour créer une base de vie du club, où nous trouverons un centre de formation, des terrains pour les seniors et les jeunes, un ou des terrains couverts, salle de musculation, salles de soins et tout ce qui se fait en Europe et surtout chez nos voisins marocains et tunisiens. Relancer le sport scolaire… etc. Le chemin est encore long, mais nous avons une richesse inestimable chez nos jeunes, que ce soit ceux d’Algérie ou ceux nés et formés en France et en Europe. Notre vivier jeunes de grande qualité est énorme et dans tous les domaines, pas uniquement sportif.

Un dernier mot
Salutations et bonne continuation à notre chère Équipe nationale.
Propos recueillis par Hichem H.

Demain, Omar Betrouni évoque à son tour la CAN d’hier et celle de demain.