«Voilà pourquoi Makhloufi m’a bloqué en sélection»

Mouloud Iboud (JSK)

Mouloud Iboud. Signe particulier : joueur international. Il commença à taper sur le cuir dès l’âge de 17 ans. Il cocha toutes les catégories : junior, senior et international. Enfant, il s’illustre déjà lors des tournois avec le club de son quartier où il fut remarqué par l’entraîneur de la JS Kabylie au cours des demi-finales d’un tournoi inter quartiers de la ville de Tizi-Ouzou.

Ses qualités techniques et physiques hors-normes, son aisance technique sur le terrain, le faisait passer pour le meilleur de son époque. Il a évolué toute sa carrière au poste de défenseur. Il a marqué de son talent ses 18 années de vie footballistique au sein du club le plus titré du pays, en l’occurrence la JSK. Il se sépare de la balle ronde à 31 ans. Au compteur 470 matches. Brassard de premier capitaine d’équipe collé au bras gauche, il gagne 10 titres en tant que joueur, dont 3 titres en tant qu’entraîneur adjoint et deux titres en tant que vice-président de club. Sa fougue et ses débuts réussis lui permettent d’être sélectionné. Il soulève la Coupe d’Algérie face au NA Hussein Dey en 1977. Quelques dates clés et quelques faits d’armes ont été rappelés dans l’interview qui suit. Vous découvrirez, les milles et une facette de ses joies et déceptions. Il y a cette Coupe d’Algérie remportée par la JSK en 77 puis des titres, en passant avec ceux remportés lors des compétitions africaines, et notamment ses distinctions personnelles de meilleur joueur de la saison. Depuis la fin de sa carrière, il reste très proche du milieu du football. Aujourd’hui, il est le porte-parole de son club de toujours, la JSK.

La Nouvelle République : la JSK célèbre sa 74e année de création. Quels souvenirs gardez-vous de vos premières sorties dans le monde du football national, notamment le jour où vous avez endossé le maillot de la JSK ?
Mouloud Iboud : J’en ai été d’autant plus fier d’évoluer durant 18 ans au sein de l’un des clubs le plus titré du championnat national. J’ai commencé ma carrière footballistique en 1964 et au regard de mes performances, j’ai gravi les échelons pour évoluer en junior en 70, avant que l’entraîneur Edmond Lemaître ne me fasse gravir en catégorie senior, puis joueur international tout en étant sous le contrôle de l’entraîneur Také Makri. La seconde étape de ma vie footballistique était marquée par la confiance portée en moi par les dirigeants qui me confient le brassard de capitaine d’équipe. Une période durant laquelle nous avons gagné sept fois le championnat d’Algérie dont le premier titre a été remporté lors de la saison 72/73 – 73/74 deux années successives. 76-77 on décroche le doublé, coupe et championnat. En 79, 80, 81 et 83, j’ai totalisé sept titres de champions auxquels s’ajoutent une Coupe d’Algérie, une Coupe d’Afrique et une Supercoupe d’Afrique, un championnat et un double en 86. En tant qu’entraîneur, j’ai eu l’honneur d’assister Stefan Ziwotko et Khalef, en qualité d’entraîneur adjoint.

Vous comptez cinq sélections en équipe nationale de 1973 à 1975. Qu’est-ce que cela vous rappelle ?
Enormément de choses positives. International à 21 ans, j’avais comme entraîneur Také Makri. Ce fut pour moi un moment historique. Une occasion pour me frotter à des joueurs de renoms, à l’image de Lalmas, Hadefi, Bentahar, Benferhat, Fendi, Ouchene, Dali, Garmouh, Fergani, Krokro, Fendi et bien d’autres grandes figures du football national. En 1975, soit juste avant les Jeux méditerranéens, cette équipe est mise à l’écart. Les hautes autorités du pays décident de nommer l’international Rachid Makhloufi, lequel à son tour prend la décision de sélectionner cette équipe militaire qui était au Centre militaire d’éducation physique et sportif de Beni-Messous, pour la préparer aux JM. C’est ce groupe composé, entre autres, du gardien Cerbah, Meguelti, Ali Messaoud, Draoui, Naim, Safsafi… qui avait disputé à Alger la finale des JM 75, ce fameux match de football contre la France le 6 septembre 1975.

Vous faisiez aussi partie de cette équipe ?
Non justement. Ce fut ma grande déception. Je vous explique. Etant le plus jeune de cette équipe composée d’anciens internationaux de football, Rachid Makhloufi avait décidé, avec Mohamed Soukhane, de me convoquer, sauf qu’il y avait une condition à laquelle je devais me plier, à savoir accomplir mon devoir national. Mais comme je suis un fils de chahid, la loi m’exempt du service national. Malgré cet exempt, Makhloufi insista pour que je rejoigne la caserne, dans le cas contraire, je serais tout simplement écarté comme tout le monde de l’équipe nationale. Et tant qu’il serait à la tête de l’équipe nationale, pas question pour moi d’espérer de faire partie de son équipe. Voilà pourquoi je n’ai pas fait une grande carrière internationale alors que j’évoluais dans un club le plus titré, non seulement, mais aussi capitaine d’équipe depuis huit ans d’une équipe qui a dominé plus de deux décennies le championnat national. Écarté pour avoir refusé de rejoindre la caserne militaire. En plus, ce n’était pas un refus mais exempt conformément aux textes en vigueur. Si ce n’était pas ce blocage de la part de Makhloufi, j’aurai amplement eu ma place en équipe nationale de 82. Cela ne m’a pas empêché de me consacrer entièrement à mon club, la JSK.

Étiez-vous un joueur différent en cette période ?
Non pas du tout. Je suis un joueur comme tous les autres. Je suis comme je suis, ça plait ou pas, ce n’est pas mon problème. Je sais que l’apparence peut influer dans le foot, mais ça s’est toujours bien passé. Il y a, comme souligné tout à l’heure, le brassard qui est une marque de confiance.

Etre le premier capitaine de l’équipe, une lourde responsabilité ?
Capitaine d’équipe, c’est être le lien entre les joueurs et la direction. Cela me donne l’impression d’avoir plus de responsabilité. Je me dis que je dois encore assumer cette responsabilité. Vous savez, quand vous ne prenez pas de risques, il n’y a pas de spontanéité.

C’est important pour vous d’être aujourd’hui le porte-parole du club le plus titré ?
Je pense qu’être le porte-parole du club n’est pas une chose aisée. Etre à l’écoute des différentes parties et les interpréter dans le sens compris des supporters est une mission de confiance. Le porte-parole joue un rôle majeur dans toutes les opérations de communication, surtout dans les situations critiques. Ce n’est pas facile, croyez-moi.

Le football professionnel pour vous ?
J’étais l’un des premiers à avoir remis en cause l’option des 32 clubs professionnels, parce que j’estime qu’il fallait commencer par étape. D’abord par un cahier des charges que les clubs auront à respecter. Malheureusement, au lieu de procéder de la même manière que les pays voisins, à savoir le Maroc et la Tunisie qui ont réussi à construire un professionnalisme avec 3, 4 ou encore 5 clubs. On n’a voulu faire plaisir à tout le monde. Comment réussir lorsque nous avons que 3 ou 4 clubs qui répondent aux exigences du professionnalisme, alors que les autres clubs pataugent dans des problèmes qui s’illustrent par l’absence d’infrastructures sportives indispensables pour leur réussite. Des clubs ne disposant ni de vestiaires, ni de transport, une insuffisance d’argent criarde pour payer leurs joueurs. On a créé des clubs des SPA avec un capital de 1 million de DA qui est celui des clubs qui représente la moitié des salaires des joueurs. Aujourd’hui, le temps nous a donné raison. Nous sommes dans une cacophonie totale, ce qui me pousse à m’interroger pour savoir si nous sommes professionnels ou amateurs. Enfin, on ne peut pas transférer les dirigeants qui étaient dans les clubs amateurs pour devenir des gestionnaires professionnels, cela est exclu.

C’est bientôt le coup d’envoi du championnat, une saison, dit-on, se réclamant différente des précédentes…
Elle sera la plus pénible depuis 62. Avec 16 clubs, on a du mal à terminer la saison. Que sera celle à 20 clubs, qui se déroulera en pleine pandémie, avec des infrastructures sportives qui ne sont toujours pas disponibles pour accueillir toutes les rencontres du championnat national. Ajouter à cela les 10 matches de l’équipe nationale, les 10 matches des clubs engagés en Coupe d’Afrique, un programme qui serait perturbé par les fêtes religieuses, les prochaines législatives… En deux mots, je dis, si on commence, on ne terminera pas la saison. Maintenant, s’il y a une personne qui peut me démontrer le contraire, je serai heureux.

L’Algérie garde-t-elle, selon vous, toutes ses chances d’aller le plus loin possible lors de la prochaine CAN et la Coupe du monde ?
C’est l’une des plus belles chances qu’a notre équipe nationale. Avoir un excellent sélectionneur, Algérien, de cette dimension et joueur professionnel à la fois. C’est une chance historique que nous avons. Son optimisme écrase l’esprit pessimisme qui nous étouffe lorsque s’agit des Verts. La dernière sortie de la Coupe d’Afrique réussie prouve que la suite sera aussi pleine d’engagement, c’est ce qui nous met déjà en confiance. Nous pouvons que lui reconnaître ce qu’il apporte au pays du football.

Pour conclure, quel est le club européen que vous portez dans votre coeur ?
Le Barça.

L’équipe que vous souteniez lorsque vous étiez jeune footballeur ?
L’USMA de 63.

L’entraîneur qui vous a le plus marqué ?
Le Polonais Zivotco et Mahieddine Khalef.
Propos recueillis par H. Hichem