En particulier le mot «culture» qui ne doit pas signifier n’importe quoi

Les mots doivent garder leur vertu

Les mots sont avant tout des signes à sens variable selon le contexte d’emploi ; quant à la culture, c’est un concept dont le sens dépend du niveau de connaissances des classes sociales ou des sociétés.

Pour les mots, on va se limiter aux substantifs, aux verbes et adjectifs qualificatifs, chacune de ces catégories ayant un rôle spécifique. Un nom peut avoir plusieurs sens suivant les déterminations. Le nom pièce, en lui-même n’a pas de sens si on l’employait seul, mais il a un sens exact s’il est accompagné d’un déterminant, on aurait alors : pièce de théâtre, pièce de monnaie, pièce d’identité etc. Il en est de même du verbe s’il n’est pas contextualisé ; ainsi «frapper» signifie généralement : donner des coups s’il est employé seul, mais il est ambigu et pour lui donner du sens, il doit être accompagné d’un complément déterminatif ; ainsi en arabe du Coran, il signifie successivement : parcourir des distances, donner des exemples. Dans d’autres langues, il signifie autre chose, lorsqu’on dit «frapper une monnaie», frapper une marchandise d’un impôt, frapper à toutes les portes etc. Ce qu’on appelle le champ sémantique d’un mot, c’est l’ensemble des contextes d’emploi de ce mot. Quant au mot «culture», il a ses acceptions propres s’il n’est pas confondu avec «niveau de connaissances ou savoir» alors qu’il a un sens bien plus profond, et celui qui l’a défini comme ce qui reste lorsqu’on a tout oublié est bien proche de la vérité. Qu’est-ce qui reste lorsqu’on tout oublié renvoie à quelqu’un qui a fait des études dans le passé et qui n’a gardé dans sa mémoire que l’essentiel : les qualités naturelles qu’il a développées, au et à mesure de son apprentissage, comme l’art de raisonner juste ou la logique, l’intelligence, les capacités de mémorisation, l’attention ou les facultés de concentration, la réflexion, l’imagination. La culture pour Malek Bennabi est une ambiance dans laquelle se meut l’individu et elle est la synthèse générale de quatre synthèses partielles : l’éthique, l’esthétique, la logique pragmatique et la technique.

Les mots, éléments constitutifs de la phrase et avec chacun un rôle spécifique
Les mots sont des signes d’un code, le code linguistique qui comme tout autre code sert à communiquer. Mais il faut savoir coder pour que le message soit cohérent et puisse être décodé par le récepteur. A l’intérieur de la phrase, le mot est dans un axe paradigmatique et fait partie d’un syntagme. Les mots : nom, verbe, adjectif, adverbe, conjonctions, locutions conjonctives locutions prépositives, prépositions ont chacun un rôle syntaxique et un rôle sémantique. Prenons un exemple de mot simple, la préposition «à», le plus petit qui soit mais qui a dans la phrase des rôles syntaxiques et sémantiques importants, et selon les cas. Avec un exemple de la vie courante, on comprendrait mieux ; soit la phrase simple : «Une histoire à dormir debout, sinon, elle pleure à fendre l’âme» où le «à» sert de mot de liaison, mais il fait partie d’une locution adverbiale et il a une valeur de conséquence dans ce cas. En arabe et dans toutes les langues du monde, c’est pareil. On emploie un mot pour apporter du sens et pour produire un sens exact, on utilise un mot approprié en construisant une phrase correct à condition qu’il en soit de même pour les autres mots devant être associés pour exprimer une idée exacte. Un adjectif qualificatif peut prêter à confusion selon qu’il est antéposé ou postposé, exemple l’adjectif «grand» dans un «homme grand» et «un grand homme» n’a pas le même sens. Pour les noms, le sens varie selon les contextes. Ainsi dans l’exemple : le cœur a ses raisons que la raison ignore, est-ce que le nom «raison a le même sens. A vous d’en juger. Autre exemple significatif, ces vers d’un grand poète adulé partout et au fil des génération : «Et le char vaporeux de la reine des ombres/ monte et blanchit les bords de l’horizon», des exemples de mots employés métaphoriquement tel le mot «char» et «reine» des ombres, qui sont des métaphores qui désignent toutes les deux la lune qui après une belle journée et sous un ciel étoilé inonde tout l’espace visible de son beau clair de lune. Certains écrivains romanciers, pour rendre leur style très poétique, emploient des métaphores. C’est le cas de Kateb Yacine, prenez son roman «Le Polygone étoilé», vous allez vous en rendre compte vous-même du nombre considérable de métaphore qui rendent la lecture agréable. J’ouvre au hasard son roman cité plus haut, à la page 20, je trouve cette belle phrase : «Il faut un silence à faire pleurer un crapaud, un clair de lune bien étalé, que tu puisses marcher, sans écraser une âme curieuse». Il en est de même des verbes dont quelques uns ont une infinité de sens, comme le verbe prendre : prendre la fuite, prendre un médicament, prendre l’autobus, prendre une douche, prendre un café, prendre la température et ça continue, il a la vertu d’indiquer plus d’une centaine d’action de la vie quotidienne. On ne peut pas dénombrer le nombre d’emploi possible d’un verbe. Par exemple, le verbe blanchir, c’est rendre blanc une maison, un mur en le badigeonnant avec de la chaux ou en le peignant. On lui connaît d’autres types contextes d’emploi de sens métaphorique : blanchir une personne pour signifier qu’on lui a pardonné ses fautes, blanchit les bords de l’horizon, employé dans les deux vers d’un grand poète (voir ci-dessus) pour dire que la lune en se levant illumine les bords de l’horizon par le clair de lune. Et n’oublions pas les adverbes qui peuvent aussi jouer des rôles importants en modifiant le sens du verbe et de toute la phrase.

Etant donné son importance, le mot culture doit garder tout son sens
Il est tellement ambigu qu’il fait l’objet de plusieurs définitions toutes aussi valables car émanant de spécialistes de la langue, mais ne donnant pas satisfaction à ceux qui cherchent à mieux cerner le mot. Une grande figure de l’anthropologie américaine, Margaret Mead définit la culture comme l’ensemble des formes acquises de comportement qu’un groupe d’individus unis par la tradition commune, transmettent à leurs enfants. Mais pour le grand homme de culture, André Malraux, la culture est quelque chose qui ne se transmet dans une célèbre citation où il dit que : «La culture ne s’hérite pas, elle se conquiert». On a trouvé chez un penseur, cette définition de l’homme de culture : « Un homme de culture est celui qui a une formation et un savoir étendu à un ensemble de domaines précis de connaissances. Cette définition est-elle pleinement satisfaisante, on n’en sommes pas convaincus car d’autres hommes de lettres affirment le contraire à l’exemple de Montaigne pour qui : «Mieux vaut une tête bien faite qu’une tête bien pleine.» Pour Aimé Césaire : la culture, c’est tout ce que les hommes ont imaginé pour façonner le monde, pour s’accommoder du monde et pour le rendre digne. Cette définition est presque celle de la civilisation. Cet ensemble de définitions sur la culture qui ne nous satisfait pas, ne doit pas être représentatif de l’ensemble des définitions des grands hommes et femmes de culture du monde. Tout cela pour dire qu’il est difficile de donner une définition exhaustive du mot «culture». Mais soyons humbles et restons prés des hommes de science qui pensent que «la culture est ce qui reste lorsqu’on a tout oublié», et qu’est-ce qui reste lorsqu’on a tout oublié, faisant allusion à ceux qui ont fait des études secondaires multidisciplinaires : mathématiques, physique, chimie, histoire, géographie, littérature, philosophie ; il reste la faculté de raisonner juste après avoir beaucoup raisonné sur les problèmes de mathématiques et sur l’ensemble des autres problèmes des sciences exactes, il reste encore la réflexion, l’imagination, l’intelligence, la concentration ou l’attention, la mémoire qui, exercées tout au long de la scolarité au point de devenir performantes, vont constituer autant de fondements d’une culture véritable. Dans la classe terminale au lycée qui est la classe de perfectionnement, on doit pouvoir traiter les sujets de réflexion avec aisance parce qu’on suppose avoir acquis les éléments de base qui permettent de réfléchir, raisonner, comprendre le sujet, organiser les idées en fonction du plan, rédiger pour réaliser une dissertation correcte, participer à une discussion où on doit savoir argumenter pour convaincre. Ainsi, on a inculqué la culture du travail bien fait, parce qu’on a le souci de réussir honnêtement et par son travail personnel. La culture de l’effort s’acquiert très tôt chez les individus qui ont conscience de la nécessité d’être digne et honnête. C’est ainsi qu’on devient cultivé étant donné qu’on a appris à se débrouiller seul.
Boumediene Abed