«Il est important de disposer d’une politique sportive»

Mustapha Larfaoui (président d’honneur de la FINA) :

Personnalité sportive émérite, non seulement, mais aussi ambassadeur incontournable du sport national et international, Mustapha Larfaoui a exercé 5 mandats, score unique dans les annales du sport mondial, couronnés de succès reconnus par le Comité international olympique et les hautes instances sportives internationales.

Ceux qui l’ont plébiscité se retrouvent en lui. Aussi, son capital-confiance est-il estimé un peu partout dans le monde du sport. Il évoque pour notre journal, ce que fut sa vie dans ce monde sportif qu’il a côtoyé durant bien des années.

La Nouvelle République : Monsieur Larfaoui, vous avez eu une vie professionnelle riche en émotions… de la santé au sport ?
Mustapha Larfaoui : Vous évoquez la santé et le sport qui font partie d’une même entité. Je remercie Dieu de m’avoir donné la santé pour me permettre d’accomplir la mission dont je fus chargé par mon pays, au lendemain de l’Indépendance, par l’intermédiaire de feu Abdoun Mahmoud, mon maître, celui qui m’a appris ce qu’était un dirigeant sportif, lui qui l’a été de nombreuses années au Mouloudia Club d’Alger où j’ai pratiqué sous sa direction.

Vous avez été un artisan de la Ligue algéroise de natation, et ce, juste après l’Indépendance ?
Oui, après avoir créé la Ligue algéroise de natation et inciter d’anciens nageurs constantinois et oranais à créer leur Ligue respective. Nous avons entamé en 1963, la création de la Fédération algérienne de natation. Durant la même année, l’idée de créer une Union maghrébine de natation a germé, ce qui fut fait et les 1ers championnats maghrébins se sont déroulés en 1964 à Tunis. La présidence était tournante en fonction du lieu de déroulement des championnats.

En 1963, l’Algérie avait bien participé à deux évènements sportifs internationaux…
Effectivement, en 1963, l’Algérie a participé à deux évènements sportifs internationaux : avril, les Jeux de l’Amitié à Dakar et en novembre, les GANEFO «Games of New Emerging Forces» (Jeux des Nouvelles Forces Montantes) à Djakarta (Indonésie), à l’initiative du président de la République Soekarno. Ces jeux revêtaient un caractère politique et l’Algérie, malgré l’interdiction de la participation par le CIO et des fédérations internationales, y a pris part au nom de la JFLN. C’est à Dakar, que j’ai eu l’idée de créer une Confédération africaine de natation. Mais nous n’étions que huit pays. L’idée a continué à faire son chemin et la Confédération a été créée en 1970 au Caire.

Et de 1970 à 1974 ?
J’en ai été le 1er vice-président jusqu’en 1974 puis président de 1974 à 2012, réélu tous les quatre ans et une seule fois avec un concurrent du Nigeria, qui n’a obtenu que sa voix. Je l’ai fait admettre comme membre du bureau sans problème, et il s’est avéré un excellent collaborateur que j’ai fait admettre également comme membre du bureau de la FINA.

Les documents en notre possession évoquent la naissance d’une Association des confédérations sportives africaines en 1982. Quels étaient ses objectifs ?
L’idée de réunir en association les Confédérations sportives africaines a fait son apparition (avait pour but de) et nous avons créé l’Union des Confédérations sportives africaines (UCSA) en 1983 et non en 1982. Le président élu en a été Tessema (Ethiopie), président de la CAF, Lamine Diack 1er vice-président et j’en étais le 2e. Tessema décède en 1985 et Diack a assuré l’intérim jusqu’à la fin du mandat en 1987. Diack m’a fait part de sa candidature à la présidence, ce que je trouvais normal, mais une forte pression s’exerçait sur moi par les présidents des autres confédérations pour que je me porte candidat. L’insistance a prévalu et j’acceptais d’être candidat contre Diack, ancien ministre, ancien maire de Dakar, mais sans aucune conviction.

Et ce fut…
Ma grande surprise, j’ai été élu avec une grande majorité. J’ai été réélu tous les quatre ans, sans concurrent, jusqu’en 2011. A la demande des collègues, j’envisageais de rester à ce poste lorsque j’apprends qu’un Algérien s’était porté candidat. Je décide alors de me retirer pour ne pas ouvrir la voie à des critiques sur mon pays qui a deux candidats. C’est alors qu’un autre candidat (Egypte) me demande de lui confirmer mon retrait, ce qui fut fait. Et c’est lui qui a réussi et qui m’a succédé. Quatre ans après, un autre Egyptien s’est porté candidat contre lui et a réussi.

Au niveau de la Fédération internationale de natation, vous étiez candidat ?
En effet, au niveau de la FINA, j’ai été candidat, élu en qualité de membre du bureau exécutif en 1972 à Munich, réélu vice-président en 1976 à Montréal. Pour moi, c’était le sommet. Réélu en tant que tel jusqu’en 1988. En 1986, à Madrid, lors des championnats du monde, le président en exercice, Robert Helmick (USA) m’invita à un dîner et me demanda mon avis sur le futur candidat à la présidence. Je lui ai proposé de continuer et que sa politique s’est avérée positive pour les pays en développement. Il me rétorqua que le mandat du président ne pouvait être supérieur à un terme de quatre ans. Je lui ai promis de faire changer cet article, ce qui était possible pour moi. Il refusa, compte tenu de sa position d’avocat, de président du Comité olympique des USA et de vice-président du CIO. Je lui ai alors demandé de me proposer un nom tout en lui signalant que le candidat européen qui s’est déjà annoncé n’a pas mon appui. Il me propose alors de lui succéder, chose qui n’a jamais effleuré mon esprit l’espace d’une seconde.

Quelle fut votre réponse ?
Ma réponse fut : sois sérieux. Il insista et finit par me convaincre. J’ai émis la réserve de la consultation de mes responsables surtout que cette fonction est bénévole et que j’avais une famille aux besoins de laquelle je devais subvenir. L’accord ayant été acquis, je me portais candidat avec le représentant de l’Europe.

Vous étiez optimiste pour ce vote ? La preuve, les résultats, les votes… :
130 contre 30. Je fus agréablement surpris par ces résultats et c’était une grande victoire : 1er Arabe et 1er Africain à occuper un poste de président de Fédération sportive internationale, et de plus, en natation. La voie a été ouverte.
A suivre
Propos recueillis par H. Hichem