«Les défis de l’après-référendum : redonner confiance avec une nouvelle gouvernance et un nouveau personnel politique»

Eviter à l’Algérie le retour au FMI

Le résultat très modestement positif du vote au référendum sur la révision constitutionnelle, a démontré une fois encore, le manque de confiance des citoyens, et donc la nécessité d’un aggiornamento politique d’envergure. Un impératif qui vaut aussi sur le plan économique, si l’on veut éviter à l’Algérie de retomber à court terme sous les Fourches Caudines du FMI.

Le nombre de voix exprimées a été de 5 023 385, dont 3 355 518 OUI (soit 13,70% des inscrits) et 1 676 867 NON (soit 6,85% des inscrits) qui s’ajoutent aux 633 885 bulletins nuls (407 en litige), soit au total 9,44%. III – Baisse drastique des réserves de change et dépréciation inflationniste du dinar algérien Comme conséquence à la fois de la baise du produit intérieur brut et de la croissance démographique galopante (44 millions d’habitants en 2020 et plus de 50 en 2030), nous assistons à un accroissement du taux de chômage : 2017, 11,6% ; 2018, 13,1%. Selon le FMI, le taux de chômage devrait atteindre 14,1% en 2020 et 14,3% en 2021, il faudra créer annuellement entre 350 000 et 400 000 emplois nouveaux par an. La structure de l’emploi fait ressortir un secteur tertiaire dominé par le commerce, les services et l’administration, avec un nombre de retraités en mai 2020 de 3266 000 personnes pour lequel la caisse de retraite connaît un déficit structurel.
Il s’ensuit une baisse drastique des réserves de change, qui sont passées de 194 milliards de dollars au 1er janvier 2014, à 62 Md$ à la fin de 2019, les prévisions de la Loi de finances complémentaire donnant 44,2 milliards de dollars. Pour la fin de 2020, le FMI prévoit 33,8 milliards de dollars, le Trésor français 36 milliards et pour la fin de 2021, le début de 2022, entre 12 et 15 milliards de dollars. Prenant à contre-pied les prévisions internationales, le PLF-2021 prévoit des réserves de change à la fin de 2021 à 46,8 milliards de dollars, assurant les importations et les services durant 16 mois, et ce, à la suite de l’amélioration prévue dans le déficit de la balance des paiements qui devrait atteindre -3,6 Md$ en 2021, avec des seuils de réserves de change de 47,53 milliards de dollars en 2022 et 50,02 Md$ en 2023. Mais, comment cela serait-il réalisable, vu tant la conjoncture internationale qu’interne défavorable, avec une bureaucratie paralysante où la majorité des secteurs productifs, hormis l’agriculture, sont en hibernation ? Comme la cotation du dinar est corrélée aux réserves à plus de 70% où la valeur d’une monnaie dépend avant tout du niveau de la production, le dinar officiel était coté, le 2 novembre 2020, à 129,51 dinars un dollar et 150,54 dinars un euro (source Banque d’Algérie).
Concernant les cours de change du dinar algérien (DA), le projet de Loi de finances en 2021 prévoit une dépréciation par rapport au dollar américain (USD), 142,20 DA/USD en 2021, 149,31 DA/USD en 2022 et 156,78 DA/USD en 2023. En considérant l’écart actuel de 18% euro/dollar, un euro officiel vaudrait 182 dinars en 2023, et sur le marché parallèle avec un écart d’environ 50%, nous aurons 280 dinars pour un euro. Cette dépréciation a pour objectif de combler le déficit budgétaire et accélère le processus inflationniste. IV – L’urgence de lutter contre la bureaucratie et la corruption pour éviter le retour au FMI En conclusion, cette situation rend urgente la lutte contre la bureaucratie et la corruption. Il faut dorénavant tenir un langage de vérité et c’est aux dirigeants de ressembler à leur peuple et non au peuple de ressembler à ses dirigeants, ces derniers devant changer de discours et surtout de comportement. Aussi, l’urgence après le 1er novembre 2020, sera le redressement de l’économie nationale.
Cela suppose une autre gouvernance et un renouveau du personnel politique et économique pour redonner la confiance sans laquelle aucun développement n’est possible (cf. notre interview au Monde.fr/AFP Paris du 10/8/2020). Faute de quoi le retour au FMI courant 2022 est inévitable, les lois économiques étant insensibles aux slogans politiques, ce qu’aucun patriote ne souhaite. Par ailleurs, la future politique socio-économique devra tenir compte des nouvelles mutations mondiales axées sur la transition numérique et énergétique, de la demande de révision par l’Algérie de certaines clauses de l’Accord d’association avec l’Europe, pour un partenariat gagnant-gagnant, des tensions géostratégiques en Méditerranée, au Sahel et en Libye. D’où l’urgence d’une nouvelle gouvernance, d’un changement profond de la politique économique, d’approfondir les réformes internes institutionnelles et micro économiques, portées par de nouvelles forces sociales. Un grand défi pour l’Algérie de demain, défi à sa portée du fait de ses importantes potentialités. (Suite et fin) Professeur des universités,
Expert international Dr Abderrahmane Mebtoul