Le culte des grottes

Patrimoine archéologique

Des générations les ont visitées et elles en ont gardé des souvenirs inoubliables tant l’intérieur des grottes est à la fois merveilleux et mystérieux.

Lorsqu’on y entre, on a du mal à s’en détacher, le changement étant brutal et vous captive. Extérieurement rien n’indique qu’à un endroit il y a une grotte. C’est d’abord un paysage de plaine ou de montagne comme partout ailleurs, avec ses éléments naturels. Puis, on vous indique, les plaques et les flèches sont là pour vous guider vers une entrée. Comme à Beni Add, dans la région de Tlemcen, vous ne vous rendez compte que lorsque vous franchissez la porte. Une fois dedans, notre attention a été captée par ces colonnes montantes et descendantes.

Stalactites et stalagmites
Il s’agit de ces colonnes montantes et descendantes qui impressionnent véritablement, surtout qu’elles sont d’inégales longueurs et d’épaisseurs différentes. Elles sont l’œuvre de la nature : depuis l’aube de l’humanité, elles se sont formées par l’eau calcaire tombant goutte à goutte, chaque jour et de manière régulière. Ce goutte à goutte qui tombe pendant des millénaires, forme des masses de calcaire. Ce sont ces stalagmites de forme conique qui montent, assez larges à la base et terminées en pointe. Quant aux stalactites, elles sont accrochées à la voûte de la grotte ; elles font le mouvement inverse, en lâchant des gouttes d’eau dont le calcaire va continuer l’œuvre de constitution.
Ceci est vrai pour toutes les grandes grottes. Quand on rentre dans la caverne des Beni Add située sur les monts de Tlemcen, on a l’impression de voir s’éveiller des êtres mystérieusement invisibles dans la solitude et le silence. D’ailleurs, lorsque des lumières fines se diffusent à partir de lucarnes naturelles creusées dans la roche, ou de lampes allumées en quelque occasion de rites solennels, on voit se dessiner des formes humaines, personnes vues de profil. La semi obscurité crée des illusions d’optique. Beni Add est très spacieuse et pleine de colonnes, elle s’étale jusqu’au Maroc.
Lorsqu’on y fait toute cette distance pour renter dans ce pays voisin, il faut se munir d’une bonne lampe pour ne pas tomber dans un trou profond. Peut-être que la route est jonchée d’obstacles. Avec la fermeture des frontières, elle doit être fermée. Mais, il n’y a aucun témoin et aucune équipe de chercheurs ne peut renseigner sur une grotte dont l’exploration en profondeur peut s’avérer exaltante et riche d’enseignements. Mais les grottes immenses sont merveilleuses et sacrées. Par moments, on a l’impression que son silence imperturbable porte un air de mystère et de mysticisme. C’est pourquoi, c’est un lieu propice à la prière, à la méditation, aux sacrifices en l’honneur des êtres invisibles qui l’habitent.

Sidi Boumediene, père spirituel d’Ibn El-Arabi et de l’Emir Abdelkader, un habitué de la grotte des Beni Add
Un jour d’hiver, nous nous sommes rendus à cette grotte, mais on ne l’a pas visitée comme on aurait voulu, sous le prétexte que ce jour-là une équipe de techniciens est venue réaliser un film sur Sidi Boumediene récitant le Coran à haute voix, sur la base d’un scénario ayant pour objectif de recréer tout son itinéraire. Comme venait-il à Beni Add ? Régulièrement, pendant le ramadhan, chaque semaine ou à l’occasion d’une fête religieuse ou d’un événement. Aimait-il être seul ou en compagnie de ses fidèles amis ou adeptes de soufisme ? Pourquoi cette grotte ? Peut-être parce qu’il l’aimait et que c’est un sous terrain façonné par la nature et qui pouvait conduire jusqu’au Maroc.
Il est fort probable qu’elle ait répondu à des critères de choix. Il y allait pour être seul avec Dieu, lui qui était un fervent croyant et qui devait avoir des visions pour sa pureté comme Ibn El Arabi. Peut-être a-t-il choisi cette grotte aux dimensions incommensurables pour l’écho que lui renvoient les parois rocheuses à chaque fois qu’il fait entendre sa voix. La grotte lui offre également en tant qu’homme pieux toutes les conditions d’une parfaite méditation sur l’au-delà. Bien avant de s’établir à Tlemcen, Sidi Boumediene a dû visiter d’autres villes ayant une grotte à proximité comme Béjaïa. Tlemcen est sa préférée peut-être parce qu’elle est voisine du Maroc, pays par lequel les Andalous refoulés par la Requista espagnole, sont accueillis avant de se disperser dans tout le Maghreb. Sa vie est celle des maîtres, des Shuyukh, des hommes fidèles au pacte qu’ils avaient conclu avec Dieu.
Leur spiritualité incarnait aux yeux de tous le tassawuf, le soufisme, dans son aspect le plus noble et le plus authentique qui se caractérise par des qualités : la simplicité, l’humilité, l’abnégation. Culte de l’invisible Jadis, par ignorance, les gens croyaient beaucoup en des êtres surnaturels, originaires. Ce sont probablement là des croyances superstitieuses en des êtres invisibles qui agissent sans nous en bien ou en mal.
On les appelle communément des génies relevant de cheikhs vénérés auxquels on fait des sacrifices. Ces croyances sont des survivances de religions polythéistes. De tous temps, il y a des chouyoukh cherchant à tromper en tendant la main. Mais il y a eu des awliya, chuyukh attachés à la religion musulmane qui se sont sacrifiés en donnant aux autres, aidant à surmonter des difficultés, à réparer des injustices. Il y a un maître, unique, maître des cieux, de la terre, des cavernes, de l’univers, c’est Dieu Tout- Puissant.
Abed Boumediene