Le RCEP : un événement majeur de portée mondiale passé sous silence

Le Grand Maghreb économique

Dans ce monde chahuté par la pandémie du Covid-19 et les conflits régionaux marqués consacrant l’émergence des nouveaux acteurs internationaux qui tentent de remplacer les anciennes puissances dominantes, un évènement majeur passé sous les radars journalistiques s’est produit : la signature de l’accord de Partenariat régional économique global (le RCEP).

Quinze pays d’Asie (Indonésie, Thaïlande, Singapour, Malaisie, Philippines, Vietnam, Birmanie, Cambodge, Laos, Brunei mais aussi la Chine, le Japon, la Corée du Sud, l’Australie et la Nouvelle-Zélande) ont signé, le 15 novembre 2020, un accord commercial extraordinaire. Le Partenariat régional économique global (RCEP) devient l’accord commercial le plus important du monde en termes de produit intérieur brut et concernera plus de deux milliards d’habitants. La création de cette gigantesque zone de libre-échange semble aller à contrecourant des tendances protectionnistes illustrées par la politique commerciale agressive de certains leaders mondiaux, incarnées par la fameuse devise américaine : American First. La constitution de grands pôles régionaux économiques : une guerre économique impitoyable qui s’annonce.
C’est le fruit d’une longue réflexion menée par les Chinois qui sont à l’initiative de ce processus. Cette stratégie de création d’une zone de libre-échange qui se traduira par une ouverture du commerce entre les pays membres annoncent un bouleversement des rapports de forces entre les puissances économiques régionales : ce nouvel acteur augure d’une bataille économique et commerciale impitoyable. Les plus faibles ne survivront pas. La libéralisation du commerce mondial tant promue par l’Organisation mondiale du commerce dans les années 80 semble prendre un nouveau tournant. De grands acteurs mondiaux vont se partager le marché mondial dans des situations d’oligopoles. Seules les forces de frappe économiques puissantes réussiront à imposer leurs normes, leurs produits et à terme leurs prix mais surtout à protéger leur marché intérieur.
C’est un mouvement de fond. Ne pas s’inscrire dans un cadre régional intégré équivaudra à rendre les armes sans avoir livrer bataille : trop petit pour se défendre. Quelle place dans ce monde qui se dessine pour les pays du Maghreb ? S’unir ou périr. Les pays du Maghreb ont opté jusqu’à présent pour le bilatéralisme sans aucune concertation entre eux. Chaque pays s’en remet à sa diplomatie politico-économique avec plus ou moins de succès. C’est une vision à court terme qui ignore les réalités à venir. Les pays du Maghreb ne pourront que subir les bouleversements économiques mondiaux, au détriment de leurs systèmes économiques considérablement affaiblis par la crise pandémique mondiale. Leurs économies, mises à mal, cachent de véritables de potentielles crises sociales à venir (comme dans beaucoup de pays dans le monde).
Seules l’intégration de ces pays membres dans un système maghrébin intégré économiquement pourra répondre aux défis à venir. Les opposants au Grand Maghreb économique (GME) se situent tant à l’intérieur des pays membres qu’à l’extérieur. Le GME obligera une certaine partie des tenants du système à renoncer à leur rente de situation (au profit du plus grand nombre) et préfèrent voir s’écrouler leur pays plutôt que de renoncer à leur prébende. Mais surtout des pays occidentaux refusent de voir émerger une telle possibilité, préférant diviser les pays entre eux pour avoir des interlocuteurs économiques faibles. Le statu quo leur convient parfaitement : une population en majorité pauvre et donc bon marché, une zone géographique d’importation de leurs produits, des richesses naturelles exploitées à leur profit.

Plaidoyer pour un Grand Maghreb économique
Il est frappant de se rendre compte que les peuples des différents pays du Maghreb se considèrent comme sincèrement frères. Ce sentiment d’appartenance à une même communauté de destin trouve son origine dans plusieurs facteurs : une aire géographique semblable, une culture commune, une religion partagée, une jeunesse désireuse de maîtriser son avenir, des économies complémentaires, des gisements d’emplois énormes pour répondre à une population jeune et active. La liste est illimitée. D’autre part, ce GME pourra s’appuyer sur une diaspora qui partage cet engouement.
Il n’est d’ailleurs qu’à observer les mariages mixtes (entre Maghrébins) qui sont devenus tellement communs qu’ils ne suscitent aucun débat. Enfin, une intégration économique permettra de créer des intérêts partagés et permettra par enchantement (ou par intérêts communs) de dépasser les divergences sur certains sujets sensibles, instrumentalisés par l’extérieur. Nous sommes dans une période charnière qui nous oblige : l’union ou la déflagration. L’Association Le Grand Maghreb se tient prêt à accompagner ce mouvement. L’Histoire ne nous laisse pas le choix.
Abdelmajid Guessoum
« Secrétaire Général de l’Association Le Grand Maghreb »