Orientalistes de tous les temps

Peinture

Malgré eux, ils sont allés chercher ailleurs ce qu’ils n’avaient pas chez eux : les sensations fortes, de nouvelles colorations à leurs écrits originaux, des sources d’inspiration qui les sortent des sentiers battus.

Et que de générations d’orientalistes se sont succédé, chacune ayant fait l’effort d’apporter un plus d’innovation dans l’évolution de ce mouvement littéraire intéressant à plus d’un titre. La plupart des hommes de plume venus d’Europe, beaucoup ont fait le voyage en Orient. Ce fut le cas de Lamartine qui s’est intéressé à notre religion ainsi qu’à notre prophète (QLSSSL) à qui il a consacré un livre. Beaucoup d’orientalistes s’habillaient comme les Arabes des pays d’Orient et étaient même arrivés à parler la langue arabe.

Le plus grand nombre d’orientalistes européens étaient d’origine helvétique
La Suisse est un petit pays par sa superficie mais grand par des hommes de plume. Au 19e siècle, il y eut un engouement pour l’Orient comme source d’inspiration. Ce fut le cas de Jean Burckhardt, né à Lausanne en 1784 et mort au Caire en 1817, qui découvrit Petra et Abou Simbel, selon Roger Francillon qui nous rapporte ces informations, l’auteur suisse voyageait en Orient sous le pseudonyme de Cheikh Ibrahim. Il paraît qu’il s’était converti à l’Islam. Ce chercheur en civilisation arabo musulmane n’a pas été un cas isolé. Et de la même génération, on cite Jean Pierre Louis Humbert (1792-1951), pasteur et philologue, professeur honoraire de langue arabe et l’auteur d’une anthologie arabe.
Les spécialistes en littérature orientaliste ont fait un travail d’investigation d’une exhaustivité parfaite qui nous a révélé que les Suisses ont été nombreux à aller se ressourcer en Orient, à l’exemple du couple Valérie de Gasparin. Agénot, dont le voyage a été fructueux puisqu’il s’est traduit par la mise en forme d’un journal en tonnes (la Grèce, l’Egypte et la Numidie, le désert et la Syrie). Ce qui dénote une élaboration de texte assez copieuse pour contenir un grand nombre de notations que Francillon a considérées comme pittoresques et de réflexions sur le monde arabe. Il y a lieu de se méfier de ces journalistes écrivains d’antan qui avaient des objectifs bien plus malsains qu’on ne le pense, comme par exemple de narrer l’histoire et la vie des musulmans pour les ridiculiser aux yeux des citoyens européens, qui avaient soif de détente et de moqueries, jusque dans les pratiques religieuses.
V alérie se promenait avec la bible exhibée partout où elle avait le loisir de passer. Voici quelques propos d’elle : «J’étais subjuguée. A l’aspect de ce culte insensé, ma première émotion n’a pas été une émotion de pitié, d’horreur, mais d’admiration. La réflexion m’est venue pourtant, et tandis que ces mélodies féeriques séduisaient mon oreille, j’avais l’âme écrasée par ce que je voyais. Il faut se dire que c’est en l’honneur de Dieu que ces hommes se livrent à de si effrayantes folies, pour comprendre le sentiment d’humiliation qui pénètre le cœur en face d’une telle scène ! Oh ! je voudrais amener là, les philosophes qui s’extasient sur la sagesse humaine».
De nombreux voyageurs écrivains recherchaient l’émerveillement teinté de volonté de dénigrer des peuples. Robert de Traz, rédacteur de la «Voile latine» s’est beaucoup intéressé à l’Algérie, selon un commentaire de Ramuz, il aurait trouvé le Sud attrayant en traversant par train la route Biskra-Annaba, intéressé par la vie et l’œuvre de Saint Augustin. Il trouve le littoral comme la zone montagneuse très verdoyant mais décevant. «Les gorges sont plus terribles que celles du Trient en Valais», dit-il.

Des orientalistes dévoués à une tâche noble
Cela n’a pas été le cas de Fromentin et Delacroix, peintres portraitistes, paysagistes aux couleurs vives et des écrivains de renommée mais qui ont beaucoup servi la colonisation. D’autres ont été plus compréhensifs dans leurs peintures comme Lamartine, Rimbaud. Et que de maîtres de la langue ont mis leur plume au service d’une cause louable comme celle de traduire fidèlement des œuvres qui ont acquis l’envergure de l’universalité comme Ibn Khaldoun, El Djahid, des auteurs égyptiens. Le Français André Miguel s’est occupé de la traduction de Kalila oua Dimna d’Ibn el Mouqafâa, œuvre monumentale constituée de fables en prose dont le contenu est largement représentatif de la sagesse populaire des peuples du Moyen-Orient.
Galland au 18e siècle a fait connaître à l’Occident en les traduisant fidèlement en français, les contes des «Mille et une nuits» qui ont fait l’objet d’une traduction plus récente réalisée par l’Algérien Bencheikh. Voici un tour d’horizon trop bref sur un sujet bien plus vaste qu’on ne le pense, mais nous voulons terminer sur notre réalité pour dire que cet orientalisme qui continue d’alimenter des passions a été bien marqué par des soi-disant amoureux de l’Orient, et qui en réalité n’ont cherché que leur profit exclusif en composant d’immenses tableaux en polychrome et teintés de fortes doses d’exotisme, qui leur ont permis d’atteindre l’universalité.
Abed Boumediene