Une ligne de fracture entre de vieux enjeux économiques et de nouveaux calculs géopolitiques

Reprise de la guerre au Sahara occidental

Selon Strategika51, après le Nagorno Karabagh, les conflits reprennent en Afrique. En Éthiopie, la guerre du Tigré (Tigray) menace de déborder sur la province voisine de l’Amhara, mais également sur l’Érythrée au risque de rallumer les feux d’une guerre régionale. Au Sahara occidental, le Maroc et le Front Polisario reviennent à la case départ et reprennent le chemin de la guerre.

L’Organisation de l’Union Africaine (UA) semble aux abonnés absents et son inertie totale au Sahel, en Afrique australe, dans la Corne de l’Afrique et en Libye met en doute, non seulement sa crédibilité mais sa raison d’être. Au Sahara occidental, le Polisario a toujours décrié les agissements de la Minurso, dont le staff a toujours été dominé par des officiers égyptiens jugés trop favorables aux thèses marocaines. Dans les faits, des membres de la Minurso sont impliqués dans la corruption, le pillage d’objets et de sites archéologiques non répertoriés et le trafic de drogues. Des éléments du Polisario et beaucoup de militaires marocains sont également impliqués dans divers circuits de corruption. La crise autour du point de contrôle de Guerguerat sis à l’extrême Sud du Sahara occidental a d’ailleurs pour enjeux l’extension du trafic de stupéfiants jusqu’en Libye via le Sahel.
La Libye est considérée comme un véritable eldorado pour le hashish marocain dont la diffusion se heurte à la fermeture des frontières avec l’Algérie. La Libye est également un point de redistribution de la drogue marocaine vers la Tunisie, l’Égypte et l’Europe via l’immigration clandestine en Méditerranée. Cet enjeu est vital au Maroc dont l’économie, gonflée par les aides des pays du Golfe souffre de la crise du tourisme mondial et d’une dette avoisinant 91 % du P.I.B marocain. D’où l’importance vitale pour le Maroc d’ouvrir une route commerciale avec la Mauritanie à travers la zone démilitarisée (tampon). Ce que le Polisario considère comme une violation de l’accord de cessez-le-feu de 1991 et une première tentative d’occupation de ce que le Polisario considère comme une « Zone Libre » ou «territoires libérés ». C’est donc le retour des hostilités.
Cependant, mener une guerre ou une guérilla dans l’un des environnements les plus extrêmes de la planète n’est pas à la portée des belligérants qui souffrent de carences systémiques graves. Le Maroc ne peut que continuer à diffuser des communiqués de victoire destinés à une partie de l’opinion interne tout en incriminant l’Algérie, tandis que le Polisario ne dispose d’aucune véritable force susceptible de changer le statu quo et surtout effectuer des brèches le long des 2.700 kilomètres du mur de défense marocain, lui même défendu par des millions de mines antipersonnels. De son côté, l’Algérie ne répond jamais aux accusations marocaines et se contente de réitérer que la question du Sahara occidental est un conflit de décolonisation opposant le Maroc au Polisario et dont la gestion incombe uniquement à l’Organisation des Nations unies.
En réalité, l’Algérie se soucie beaucoup moins du Maroc, pays avec lequel il existe des contacts et des réseaux souterrains que de l’hostilité concertée des pays du Golfe et principalement le royaume d’Arabie Saoudite, les Émirats arabes unis, le Qatar, le Koweït et le Bahreïn, en y voyant un prélude à un ciblage d’une amplitude dépassant de loin ce que Alger qualifie de «gamineries du Sahara occidental ». D’un point de vue stratégique, les pays du Golfe financent déjà une sorte d’encerclement géopolitique de l’Algérie dans un contexte n’ayant rien à voir avec le Sahara occidental ou les relations avec le Maroc, et c’est cela qui inquiète le plus l’armée algérienne. Fait significatif, une des chaînes TV publiques algériennes a diffusé pour la première fois l’essai d’un missile balistique tactique Sol-Sol 9K720 Iskander E (SS-26 Stone) par l’armée algérienne. Un message clair aux forces soutenues et financées par les Émirats arabes unis et les autres pays du CCG (Conseil de Coopération du Golfe) en Libye.
Mohamed El Ouahed