L’ancien président français Nicolas Sarkozy jugé pour corruption, une première

France

Pour la première fois dans l’histoire de l’après-guerre, un ancien président français est jugé pour corruption : Nicolas Sarkozy comparaît lundi dans l’affaire dite des «écoutes» aux côtés d’un ami avocat et d’un ancien haut magistrat.

Nicolas Sarkozy, 65 ans, s’est dit «combatif» dans la perspective du procès où seront jugés aussi l’avocat Thierry Herzog et le juge à la retraite Gilbert Azibert. Pour l’ex-président qui clame son innocence, cette affaire est «un scandale qui restera dans les annales». Retiré de la politique depuis sa défaite à la primaire de la droite fin 2016, M. Sarkozy encourt dix ans de prison et un million d’euros d’amende pour corruption et trafic d’influence, comme ses coprévenus – jugés en outre pour violation du secret professionnel. La tenue du procès, prévu pour durer trois semaines, dépendra de l’épidémie de Covid-19 qui a perturbé les audiences d’autres affaires à Paris ces dernières semaines, et à une demande de renvoi pour raisons médicales, déposée par le juge Azibert, 73 ans.
L’affaire des «écoutes» trouve son origine dans un autre dossier judiciaire qui menace Nicolas Sarkozy : les soupçons de financement libyen de sa campagne présidentielle de 2007. Dans ce cadre, les juges avaient décidé, en septembre 2013, de placer l’ancien président sur écoute, et découvert, début 2014, qu’il utilisait une ligne secrète, sous le pseudonyme «Paul Bismuth», pour communiquer avec son avocat Thierry Herzog. Selon l’accusation, certaines de leurs conversations ont révélé l’existence d’un pacte de corruption: Nicolas Sarkozy a, par l’intermédiaire de Me Herzog, envisagé d’apporter un «coup de pouce» à M. Azibert pour l’aider à obtenir un poste dans la Principauté de Monaco qu’il convoitait, mais qu’il n’a jamais obtenu. En contrepartie, selon le parquet, ce haut magistrat a fourni des informations, couvertes par le secret, sur une procédure engagée en Cassation par M. Sarkozy en marge d’un autre dossier (affaire Bettencourt), et a tenté d’influer sur ses collègues. Après avoir bénéficié d’un non-lieu dans l’affaire Bettencourt fin 2013, Nicolas Sarkozy avait en effet saisi la Cour de cassation pour faire annuler la saisie de ses agendas présidentiels, susceptibles d’intéresser la justice dans d’autres procédures. Dans les discussions fleuries avec son avocat, socle de l’accusation, l’ex-président s’engageait à intervenir en faveur du juge Azibert. «Moi, je le fais monter», «je l’aiderai», dit-il ainsi à Me Herzog.
Peu après, il déclare qu’il a renoncé à faire «la démarche» auprès des autorités monégasques. Pour les enquêteurs, ce revirement pourrait venir de la découverte, par les deux hommes, que leurs téléphones officieux étaient sur écoute. Dans un réquisitoire sévère en octobre 2017, le PNF (Parquet national financier) a comparé les méthodes de Nicolas Sarkozy à celles d’«un délinquant chevronné». Les trois prévenus contestent tout «pacte de corruption». «M. Azibert n’a rien obtenu, je n’ai pas fait de démarche et j’ai été débouté par la Cour de cassation» concernant les agendas, a argué l’ancien président dès 2014. «Je m’expliquerai devant le tribunal parce que moi, j’ai toujours fait face à mes obligations», a-t-il réaffirmé récemment sur la chaîne française BFMTV, jurant: «Je ne suis pas un pourri».
Nicolas Sarkozy n’a eu de cesse de dénoncer une instrumentalisation politique de la justice, multipliant les recours. Sans succès. La validation des écoutes, en mars 2016, par la plus haute juridiction judiciaire avait constitué une défaite majeure pour l’ancien président, qui estimait que la retranscription d’échanges entre un avocat et son client était illégale. Cette question sera à nouveau âprement discutée lors du procès. Un autre procès attend Nicolas Sarkozy au printemps: celui de l’affaire Bygmalion sur ses frais de campagne pour l’élection présidentielle de 2012 qu’il avait perdue aux profits du socialiste François Hollande.
AFP