Pour un discours de vérité pour le redressement de l’économie nationale : ni sinistrose, ni autosatisfaction

Face à la crise économique mondiale et les tensions internes en Algérie

La crise mondiale avec l’épidémie du coronavirus touche tous les pays du monde et pas seulement l’Algérie mono exportatrice. Le cours des hydrocarbures représentant avec les dérives 98% des recettes en devises, le 8 novembre 2020, le cours du pétrole en bourse du Wit est coté à 37,46 dollars, le Brent à 39,70 et le prix de cession du gaz sur le marché libre à 3,35 dollars le MBTU, baisse de plus de 70% par rapport à 2008/2010, sans compter les pertes de parts du marché notamment en Europe, principal client.

Or, les dernières données de l’ONS du 7 novembre 2020 sont inquiétantes et cette baisse, du fait de la faiblesse des exportations hors hydrocarbures, en plus du retard dans les réformes structurelles internes, impacte l’économie algérienne et influe sur le taux de croissance, le taux de chômage et le niveau des réserves de change qui tiennent la cotation du dinar à plus de 70% (notre interview Monde.fr/AFP Paris 10/08/2020).

1- Les données de l’ONS du 7 décembre 2020 contredisent tant la Loi de finances complémentaires 2020 que les prévisions optimistes de la PLF 2021. Selon l’ONS, durant les six premiers mois, le volume des exportations algériennes a baissé de 35,9% pour totaliser 1 365,0 milliards de DA, soit un cours de 128 dinars un dollar 10,66 milliards de dollars contre 2 129,8 milliards de DA à la même période 18,04 milliards de dollars de l’année 2019, dont 98% avec les dérives proviennent de Sonatrach. Quant aux importations, elles ont atteint 2 128,4 milliards de DA durant les six premiers mois de l’année en cours, 18,03 milliards de dollars contre 2 660,0 milliards de DA, soit 22,24 milliards de dollars à la même période en 2019. Ces évolutions ont conduit à un creusement du déficit commercial qui est passé de (-530,2 milliards de DA) 4,5 milliards de dollars 6,5 milliards de dollars au 1er semestre 2019 à (-763,4 milliards de DA) à la même période de l’année en cours, 6,5 milliards de dollars, montant auquel il faut ajouter les services.
Or, paradoxalement sans spécifier les secteurs dynamisant pour 2021 facteur d’économies de dévises, ou les actions concrètes contre les surfacturations, la Loi de finances 2021 prévoit une baisse des importations de 14,4% de la valeur courante par rapport à la clôture 2020, pour atteindre 28,21 milliards de dollars. 27,39 milliards de dollars en 2022 puis 27,01 milliards de dollars en 2023, et une croissance économique nationale de 3,98 % en 2021, après un recul de 4,6%, suivant les estimations de clôture de l’exercice 2020. Cela rend urgent le retour à la croissance fondée sur une nouvelle gouvernance (meilleure gestion, la lutte contre la corruption) et la rationalisation des choix budgétaires où entre le budget de fonctionnement et d’équipement pour les Lois de finances 2020/2021, nous avons besoin d’un cours supérieur à 100 dollars le baril. Faute de quoi le retour au FMI courant 2022 est inévitable, les lois économiques étant insensibles aux slogans politiques, ce qu’aucun patriote ne souhaite. Les tensions budgétaires seront vivaces entre 2021/2022. La réalisation de la Loi de finances 2021 sera fonction des réformes, qui demandera, minimum, entre 4/5 ans, la compression des importations ayant des limites, le taux d’intégration ne dépassant pas 15/20%, plus de 97% des entreprises tant des unités personnelles ou des petites SARL peu innovantes et peu concurrentielles.

2- C’est que la demande d’hydrocarbures dont est tributaire l’économie algérienne dépend fortement du retour à la croissance de l’économie mondiale fortement impactée par la seconde vague de l’épidémie du coronavirus et dont le rapport de l’OCDE du 7 novembre 2020 ne prévoit un retour à la croissance pas avant début 2023. Comme je l’ai démontré récemment dans l’interview donnée à l’American Herald Tribune – USA -le 23 avril 2020 «Prof. Abderrahmane Mebtoul : We Have Witnessed a Veritable Planetary Hecatomb and the World Will Never be the Same Again», l’impact de l’épidémie du coronavirus sur l’économie mondiale sera de longue durée. Selon le rapport de l’OPEP d’octobre 2020, la demande mondiale de pétrole fin 2020 devrait reculer plus fortement qu’anticipé jusqu’à présent, de 9,5 Mb/j, pour atteindre 90,2 Mb/j en raison de la crise sanitaire et économique liée à la pandémie de Covid-19 et concernant la demande mondiale pour 2021 revues en baisse, de 0,4 Mb/j par rapport cette demande devrait en 2021 s’établir à 96,9 Mb/j, loi des prévisions avant la crise de plus de 100 millions de barils/jour.
L’élection américaine est déterminante car la victoire des démocrates ont une autre vision de la politique énergétique, avec le retour des USA aux accords de Paris COP21 et le développement d’énergies alternatives aux fossiles classiques. Les recettes de Sonatrach auxquelles il faudrait retirer les coûts et les parts des associés pour avoir le profit net, contre d’environ 34 milliards de dollars en 2019 devrait s’établir fin 2020 entre 19/20 milliards de dollars au vu des dernières statistiques de l’ONS du 7 novembre 2020 et dans l’hypothèse d’un cours moyen de 35/37 dollars le second semestre 2020 et devant tenir compte de la baisse des exportations en volume physique.

3- C’est que le taux de croissance du produit intérieur brut (PIB) à prix courants se calcule par rapport à la période précédente, un taux de croissance élevé en T1 par rapport à un taux de croissance faible en TO donne globalement un taux faible. Pour 2019, le taux de croissance a été de 0,8% pour le gouvernement 0,7% pour le FMI. Pour les prévisions 2020, le Fonds monétaire international (FMI) dans son rapport sur les perspectives économiques mondiales publié le 13 octobre 2020 a révisé à la baisse ses prévisions de croissance de l’économie algérienne à -5,5% en 2020, contre -5,2% anticipée en avril, 2020 tablant un taux de croissance de 3,2% en 2021, contre 6,2% dans son rapport d’avril 2020, soit la moitié de ce qui était prévu et ce sous réserve de la maîtrise de l’épidémie du coronavirus qui impacte la croissance de l’économie mondiale.
Le projet de Loi de finances 2021 est plus optimiste prévoyant une croissance économique nationale de 3,98 % en 2021, après un recul de 4,6%, suivant les estimations de clôture de l’exercice 2020. Dès lors, le déficit budgétaire devrait atteindre -1 976,9 milliards de dinars, soit -10,4% du Produit intérieur brut (PIB) et la balance des paiements enregistre un solde négatif de -18,8 milliards. Pour le FMI dans son rapport d’octobre 2020, la baisse de l’activité économique de l’Algérie devrait se poursuivre en 2020, le déficit du compte courant se creusant en s’établissant à -16,6% du PIB en 2021. Pour le gouvernement dans le PLF2021, les comptes extérieurs de l’Etat devront atteindre un solde global négatif de -3,60 milliards de dollars, soit une amélioration ressentie par rapport à 2019 (-16,93 milliards de dollars) et à 2020 (-12,3 milliards de dollars par rapport à la clôture 2020), le déficit budgétaire du compte courant devrait enregistrer une baisse de -10,6% par rapport au Produit intérieur brut (PIB) à la clôture 2020, puis à -2,7% en 2021 avec une moyenne de -0,6% de PIB durant la période 2021-2023.
Ces résultats optimistes difficilement réalisables seront fonction d’un cours de pétrole supérieur à 40 dollars et d’une baisse drastique des importations de biens et services entre 2010/2019 entre 10/11 milliards de dollars par an qui s’ajoute aux importations de biens. Cela un impact sur le taux de chômage, mais devant tenir compte de la pression démographique. En 2020, la population dépasse 44 millions d’habitants, avec une prévision pour 2030 de plus de 50 millions d’habitants. La population active fin 2020 dépasse 12,80 millions et il faut créer annuellement entre 350 000 et 400 000 emplois nouveaux par an. La structure de l’emploi fait ressortir un secteur tertiaire dominé par le commerce, les services et l’administration) avec un nombre de retraités en mai 2020 de 3 266 000 personnes où la caisse de retraite connaît un déficit structurel. Comme conséquence, nous assistons à un accroissement du taux de chômage où pour le FMI, il devrait atteindre 14,1% en 2020 et 14,3% en 2021.

– Cette situation influe le niveau des réserves de change 2020/2011. Selon le FMI, l’Algérie a besoin d’un baril de plus de 135 dollars en 2021 et selon le site spécialisé, Oil Price, 157,2 dollars pour équilibrer son budget. Le prix du baril fixé par la Loi de finances 2020 de 30 dollars, prix fiscal et 35 dollars prix marché, le PLF2021 40 dollars, n’est qu’un artifice comptable. Selon les prévisions du FMI pour les années précédentes, le prix d’équilibre du baril pour l’Algérie était estimé de 104,6 dollars en 2019, à 101,4 dollars en 2018 et à 91,4 en 2017. Il s’ensuit une baisse drastique des réserves de change qui ont évolué ainsi : – 2013 : 194,0 milliards de dollars, – 2018 : 79,88 milliards de dollars – fin 2019 : 62 milliards de dollars, – fin 2020, les prévisions de la Loi de finances complémentaire étant de 44,2 milliards de dollars contre 51,6 prévu dans la loi initiale. Le FMI prévoit 33,8 milliards de dollars fin 2020, le trésor français 36 milliards et fin 2021, début 2022, entre 12/13 milliards de dollars.
Prenant à contre pied les prévisions internationales, le PLF2021 prévoit des réserves de change fin 2021 à 46,8 milliards de dollars en 2021, assurant les importations et les services durant 16 mois et ce suite, toujours selon les prévisions optimistes non étayées par les faits tangibles, à l’amélioration prévue dans le déficit de la balance des paiements qui devrait atteindre -3,6 MDS en 2021 et avec des seuils de réserves de change de 47,53 milliards de dollars en 2022 et 50,02 MDS en 2023. Comment cela sera-t-il réalisable vu tant la conjoncture internationale défavorable qu’interne où la majorité des secteurs productifs, hormis l’agriculture, sont en hibernation ? Comme la cotation du dinar est corrélée aux réserves de plus de 70% où la valeur d’une monnaie dépend avant tout du niveau de la production et de la productivité, le dinar officiel est coté le 2 novembre 2020, le cours achat est de 129,51 dinars un dollar et 150,54 dinars un euro (source Banque d’Algérie).
Concernant les cours de change du dinar algérien (DA), le projet de Loi de finances en 2021 prévoit une dépréciation par rapport au dollar américain (USD), où la moyenne annuelle devra atteindre 142,20 DA/USD en 2021, 149,31 DA/USD en 2022 et 156,78 DA/USD en 2023. En prenant l’écart actuel de 18% euro/dollar, un euro officiel vaudrait en 2023, 182 dinars un euro et sur le marché parallèle, avec un écart d’environ, 50% nous aurons 280 dinars un euro.
(A suivre)
Professeur des universités, expert international Dr Abderrahmane Mebtoul