«La mainmise des lobbies» sur le marché du médicament mise en cause

Plus de 300 médicaments en pénuries dans les pharmacies

La situation sanitaire globale du pays continue de s’aggraver. L’impact de l’épidémie du nouveau Coronavirus ne se résume pas uniquement à l’ampleur de sa progression, mais aussi à celui des effets collatéraux qu’elle cause à tous les autres secteurs, particulièrement, pharmaceutique. Un secteur en souffrance depuis des années.

De plus en plus de médicaments sont en pénurie, ce qui crée une tension «insupportable» sur certains médicaments essentiels qui n’ont pas de solution de substitution, à priori. La polémique sur la rupture de «Lovenox», par exemple, dans les pharmacies enfle et relance le débat sur les raisons de cette pression relative aux problèmes d’approvisionnement de médicaments. Le laxisme et l’absence de rigueur des pouvoirs publics pointés du doigt. Cette défaillance a profité aux «lobbies» qui ont colonisé le marché du médicament et exercent des pressions sur les pharmaciens. C’est ce qu’a déclaré, hier, sur les ondes de la radio nationale, M. Ouali Samir, le porte-parole des Pharmaciens algériens agréés, qui a évoqué, également, des pénuries de plus de 300 médicaments dans les pharmacies. Pour répondre à l’attente des soignants et des malades, l’Etat projette «prochainement d’importer une quantité importante de Lovenox», a-t-il souligné, estimant, toutefois, que ceci ne résoudra pas la sempiternelle problématique des pénuries de médicaments sur certains types essentiels dont la demande est de plus en plus croissante, notamment, depuis le début de la crise sanitaire liée au nouveau Coronavirus.
Cette problématique est mise, sans cesse, en lumière depuis le début de la pandémie de la Covid-19, en évoquant le problème récurrent des tensions d’approvisionnement ces dernières années. Pourtant, la facture d’importation des médicaments reste en forte hausse, en dépit des promesses des pouvoirs publics de soutenir l’industrie pharmaceutique nationale. Aujourd’hui, les pharmacies comptent plus de 300 médicaments en pénurie, ce qui met à rude épreuve les professionnels soignants et les malades qui sont les premières victimes à supporter directement les conséquences de ces pénuries. Pour M. Ouali, le laxisme de l’Etat et la montée en puissance des lobbyings de l’industrie pharmaceutique sont à l’origine de ces pénuries et de l’anarchie qui règne dans ce domaine. «L’Etat n’arrive pas à affronter et à mettre hors d’état de nuire cette mafia qui pollue le secteur des médicaments», a-t-il souligné, estimant que l’Etat devrait sévir et durcir le contrôle des opérations d’approvisionnements en médicaments.
«La régulation du marché de l’importation du médicament est urgente et nécessaire», a-t-il indiqué, expliquant que «les pénuries concernent particulièrement les médicaments importés». A qui profiteraient ces pénuries de médicaments ? s’est interrogé M. Ouali, estimant qu’ailleurs que les laboratoires pharmaceutiques apportent des solutions et les pouvoirs publics mesurent, de leurs côtés, la hauteur des enjeux sanitaires. Il s’est référé, dans ce sens, à la conjoncture sanitaire sensible et alarmante que traverse le pays, expliquant que «la propagation de la pandémie de Coronavirus et la demande mondiale croissante pour certains types de médicaments ont engendré un déséquilibre sur le marché pharmaceutique mondial, notamment, après l’interdiction et la limitation des exportations en raison du confinement».
Exaspéré par la situation «inadmissible» du marché des médicaments, M. Ouali s’est dit outré par l’attitude de certains distributeurs qui négocient avec des pharmaciens pour les approvisionner. Il a pointé, explicitement, «les lobbies» d’être responsables de toutes les pressions que subissent les établissements sanitaires et les malades à cause du manque de médicaments. «Ces tensions sont engendrées par les lobbies», a-t-il affirmé. Il a déploré, par ailleurs, l’inaction des pouvoirs publics, précisant que «le syndicat des pharmaciens accrédités établit et envoie des rapports hebdomadaires au ministère de l’Industrie pharmaceutique, dans lesquels il identifie les médicaments qui sont en rupture et les médicaments». Répondant à la question sur la rupture du médicament «Lovenox», M. Ouali a renvoyé cette pénurie à la hausse de la demande de cet anticoagulant, utilisé dans le traitement des malades de Covid-19, affirmant, à cet égard, que «le ministre de l’Industrie pharmaceutique a promis lors de sa rencontre avec le syndicat la semaine dernière de résoudre ce problème».
Samira Takharboucht