L’Algérie veut se protéger des appétits européens !

Le goût d’inachevé de la réunion sur l’Accord d’association avec l’Europe

Incontestablement, l’Algérie veut revoir l’Accord d’association avec l’Union européenne. La raison pour laquelle, elle a demandé, en septembre dernier, de reporter l’entrée en vigueur de la zone de libre-échange avec l’Union européenne (ZLE), prévue pour le 1er septembre 2020, sous prétexte qu’il ne sert pas l’intérêt économique national.

En attendant de trouver un terrain d’entente avec Bruxelles sur les termes de l’accord, l’Algérie se tourne vers la zone de libre-échange continentale africaine (Zlecaf) qui devra être opérationnelle bientôt. D’ailleurs, elle n’a pas hésité à adhérer au consensus et à la détermination africaine de développer le commerce intra-africain le plus tôt possible. Une ambition qu’elle ne partage pas avec les partenaires européens concernant l’entrée en vigueur de la ZLE. Un projet à la traine depuis des années. En 2017, les autorités algériennes avaient exprimé leur volonté d’avancer une coopération concrète avec l’Union européenne à travers la création d’une zone de libre-échange, qui doit reposer sur le principe de «gagnant-gagnant». Aujourd’hui, l’Algérie est convaincue de l’impératif de revoir certains points de l’Accord d’association avec l’UE afin de mettre son intérêt en avant. «En tant que négociateurs algériens, nous sommes assez conscients des manquements en matière de l’application de l’accord d’association notamment dans son aspect commercial.
L’essentiel qu’il y a une volonté de dialogue de part et d’autre et il est évident que quand il y a déséquilibre nous intervenons pour le corriger», a déclaré le ministre des Affaires étrangères, Sabri Boukadoum, en marge des travaux de la 12ème session du Conseil d’association Algérie-UE par visioconférence, hier. Il a réitéré, à cet effet, la disposition de l’Algérie à poursuivre les négociations jusqu’à trouver un compromis sur un principe équilibré «gagnant-gagnant» et non «gagnant-perdant». L’Accord d’Association a été signé avec l’Union européenne et revu à maintes reprises en raison des réserves émises particulièrement par les opérateurs économiques qui ont critiqué plusieurs aspects notamment commerciaux de cet accord. Ils se sont sentis exclus des négociations. Ils n’ont jamais été consultés ou impliqués dans ce projet. Une position qui a ralenti et retardé la création effective de la zone de libre-échange avec l’UE. L’Algérie n’a jamais démantelé les derniers droits de douane prévus initialement en 2017 avant d’être repoussés au 1er septembre écoulé.
Malgré cette indécision, l’UE tient à la création d’une zone de libre-échange avec l’Algérie afin de garder son influence sur la région MENA et l’Afrique, ce qui ne sert pas sur le plan commercial les intérêts de l’Algérie qui s’apprête à amorcer sa transition économique et s’affranchir de la rente pétrolière et de sa dépendance à l’étranger. «Le message de l’Algérie est bien reçu par la partie européenne», a observé M. Boukadoum, estimant que «tous les partenaires européens (France, Italie-Hongrie, Portugal Allemagne…) ayant séjourné récemment en Algérie sont conscients de ce déséquilibre, et ils ont abordé cet accord en prélude de la réunion d’aujourd’hui». Le chef de la diplomatie algérienne a reconnu l’existence d’un déséquilibre qui devrait être corrigé, selon lui, grâce à l’adhésion des partenaires aux négociations. «L’Algérie et l’Union européenne vont continuer dans la mise en œuvre de l’accord d’association qui ne concerne pas que l’aspect commercial mais d’autres aspects globaux», a-t-il précisé.
D’autres segments devront faire l’objet d’une véritable et profonde réévaluation pour soutenir davantage l’investissement direct étranger en Algérie. Un point important soulevé par le ministre de l’Industrie Ferhat Ait Ali, qui a émis certaines réserves sur «certains segments», a-t-il indiqué, exprimant toutefois son optimisme de parvenir à reconsidérer ces «segments». «Nos réserves ont été d’ores et déjà prises en considération par nos partenaires européens. D’autres vont l’être. Nous sommes en concertation avec l’UE pour remédier à toutes ces lacunes», a expliqué M. Ait Ali, ajoutant que «tout accord est sujet à un ajustement».
Un point de vue que partage le ministre délégué chargé du Commerce extérieur, Aissa Bekai, qui a affirmé que les deux parties se penchent pour la 12ème réunion sur les solutions devant «sauvegarder la balance commerciale qui est en défaveur de l’Algérie». Cette session a été co-présidée par le ministre des Affaires étrangères, Sabri Boukadoum, avec le Haut représentant de l’UE pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, Joseph Borell. Le sort de l’Accord d’association avec l’UE sera peut-être scellé bientôt, si les deux parties parviennent à trouver un consensus. L’Europe a toujours considéré que cet accord est vital pour l’Algérie dont le commerce extérieur dépend à 60% du vieux continent.
Samira Takharboucht