Les entreprises publiques «prises à leur propre piège»

Le P-dg de l’Eniem pointe la BEA de sa mise en échec

Lourdement endettées à cause de la mauvaise gestion et de la corruption, les entreprises publiques du pays sont à l’agonie, et ce, malgré des milliards de dinars injectés dans leur trésorerie en vue de leur restructuration, qui n’a pas donné de résultat.

Un objectif qui n’a jamais été atteint. La contrainte de leur rentabilité et leur mise en échec sont problématiques et mettent l’Etat dans une situation embarrassante et complexe en raison du cumul des déficits publics et les échecs des stratégies de leur remise à niveau. L’Entreprise nationale des industries de l’électroménager (Eniem) n’est, malheureusement, pas la seule société à en pâtir de cette double crise sanitaire liée au Covid-19 et financière. Le problème est antérieur à la conjoncture exceptionnelle que vit le pays aujourd’hui. Les économistes craignent d’ailleurs l’effet domino sur les entreprises privées en raison des obstacles bancaires et financiers. Touchées de plein fouet par la crise sanitaire et financière à cause du dérapage constant de la monnaie nationale et la chute des revenus en devises et surtout le repli des mouvements financiers, les banques ne sont plus tentées par les entreprises publiques.
Le secteur financier algérien traverse une crise sans précédent et exige une réforme profonde du régime financier. Un processus de longue haleine qu’un seul scandale dans le secteur suffit à le détruire. Ce qui explique, les déboires auxquelles font face aujourd’hui, les entreprises économiques publiques, victimes depuis des années de mauvaise gestion et de corruption qui ont dépouillé les banques publiques qui ont toujours eu un rôle majeur d’appui économique au développement des entreprises économiques. Cette mauvaise gouvernance a impacté négativement le secteur économique et les instruments financiers qui se trouvent dans l’incapacité de venir en aide aux entreprises en difficultés financières. L’Eniem n’est qu’un exemple parmi d’autres du dysfonctionnement de la politique publique garante du bon fonctionnement des administrations et sociétés publiques et surtout de renflouer leur trésorerie en cas de crise.
Au fil du temps, les activités et les investissements dans le secteur public ne répondent pas aux attentes du marchés ni des objectifs des prévisionnels financiers. En décroissance permanente, plusieurs groupes publics industriels butent sur le terrain pour de multiples raisons : manque de matière première, de main d’œuvre qualifiée et surtout de financement. Les rares entreprises publiques qui n’ont pas été privatisées à l’instar de l’Eniem sont devenues budgétivores et affichent un déséquilibre croissant dans ses comptes. Après les efforts réalisés par les pouvoirs publics pour venir en aide à l’Eniem afin de promouvoir sa stabilité financière et sauver son activité, le constat semble plus inquiétant. Il s’avère que cette entreprise qui collectionne depuis des années les problèmes à tous les niveaux n’a aucune stratégie de recherche en vue d’évaluer les avantages et inconvénients de son plan de restructuration.
Une politique qui lui permet, surtout, de mettre l’accent sur les avantages et les inconvénients de chaque expérience en soulignant les points négatifs à restructurer afin de redynamiser son activité, dans un marché quasiment vierge après l’instauration des licences d’importation. Par voie de conséquence, l’entreprise publique d’électroménager risque de subir les actions que décidera l’Etat suite aux résultats de l’enquête menée par le ministère de l’Industrie afin de tenter de découvrir les raisons du dysfonctionnement de l’entreprise avant de décider de les prendre en charge. Au premier d’entre les causes, l’Etat doit approuver le plan stratégique à l’entreprise et fixer de nouveaux objectifs.

Le P-dg de l’Eniem accuse la BEA de la déchéance de son entreprise
Le ministre de l’Industrie, Ferhat Ait Ali a estimé que «c’est illogique de soutenir une entreprise publique qui n’est pas rentable», remettant en question la gestion de l’Eniem qui n’arrive pas à s’en sortir, malgré le soutien de l’Etat qui a débloqué au mois de février dernier un crédit de 1,2 milliard de dinars pour permettre à l’entreprise après un mois d’inactivité de reprendre sa dynamique. Au bout de dix mois, l’Eniem plonge à nouveau et entre dans une période creuse et du chômage. Un mauvais élève qui n’apprend pas de ses erreurs ? Les jugements portés à la méthode de gestion de cette entreprise en déprime ont fait sortir son P-dg, Djillali Mouazer, de son silence.
Lors de son passage à la chaîne d’Ennahar, avant-hier, il a mis en cause la Banque extérieur d’Algérie (BEA) de précipiter la crise financière de l’Eniem car elle «n’avait accordé à son entreprise que six milliards de dinars de crédit à long et à court terme, alors que son administration a remis une garantie de 60 milliards de dinars à la banque». «La banque et l’État ne nous ont pas accordé un crédit.
Ils nous ont donné uniquement l’autorisation», a précisé M. Mouazer, expliquant que son entreprise subit d’importantes pressions depuis le mois de mai. «Nous avons des délais de paiement de 9 mois, on devait donc payer en mars 2021, mais la banque a commencé à nous débiter dès le mois de mai». Un cas ambiguë et complexe de cette entreprise publique relance le débat sur les intentions du gouvernement concernant leur gestion et leur sauvegarde.
Samira Takharboucht