La Covid-19 : chronique d’un crack social annoncé

Association Le Grand Maghreb

La pandémie de la Covid-19 a mis à l’arrêt l’économie mondiale. Elle a débuté en Chine en décembre 2019, soit 1 an aujourd’hui. Les premières et les deuxièmes vagues ont figé des secteurs entiers de l’activité humaine. L’impensable s’est produit. Ce choc pandémique a tétanisé l’hôtellerie, la restauration, le tourisme, les petits commerces, le monde culturel et sportif, etc. Il est de coutume de dire que «dans chaque crise il y a des perdants et des gagnants».

Cette crise ne ressemble à nul autre. Il est à craindre que le nombre de perdants soit immensément élevé. La France n’échappera pas malheureusement à cette catastrophe annoncée. La Covid-19 a ouvert grand la trappe à pauvreté, alors qu’en Allemagne le PIB (Produit Intérieur Brut) reculerait de 4 %, ce qui est en soi énorme, le PIB en France diminuerait de 12 %. Pour mettre en œuvre tous les dispositifs d’aides publiques, l’Etat a décidé de s’endetter à long terme (donc en empruntant de l’argent dont le pays ne dispose pas) afin éviter l’effondrement de l’économie. Mais aujourd’hui, la violence de cette crise frappe de plein fouet les populations les plus fragiles. En France, de plus en plus de personnes ont faim. Elles n’ont plus les moyens de se nourrir et pire de nourrir leurs enfants. Il n’est pas anodin le choix de la France de procéder à la réouverture des écoles. Il s’agit d’une mesure de santé publique non seulement pour éviter le décrochage scolaire mais surtout les autorités ont pris conscience que le repas à l’école constitue le seul repas pour un nombre considérable d’enfants défavorisés. C’est effrayant.
L’Association Le Grand Maghreb à l’initiative d’une entraide humanitaire sans précédent Consciente dès le départ des risques systémiques potentiellement dévastateurs sur le niveau de vie des personnes les plus vulnérables, ALGM a mobilisé bon nombre d’acteurs afin de distribuer gratuitement des colis alimentaires de première nécessité lors de la première vague Face à l’afflux d’une demande criante de personnes dans le besoin, ALGM a décidé de changer de stratégie ne distribuant directement à des associations, soit plus d’une centaine d’associations afin d’irriguer tout le territoire. Ce dispositif de solidarité qui a duré plusieurs mois, qui coexistait avec d’autres dispositifs, révèle un moment si particulier : de la résilience, de l’entraide humanitaire, de la compassion pour les plus démunis. Une chaîne de solidarité sans précèdent s’est créée. Nous sommes entrés dans un monde hyper-fragilisé : le tissu associatif actif comme dernier rempart contre la faim, la bienveillance comme facteur de résilience.
Le réveil après la Covid-19 sera immensément douloureux, catalyseur de la précarité. Paradoxalement, le taux des prélèvements obligatoires est l’un des plus élevé au monde (soit 45 % en 2018), ce qui signifierait le plus distributif et pourtant, la pauvreté et les écarts de richesse se creusent, et ceci malgré les amortisseurs sociaux. Par ailleurs, les risques de faillite, les dépôts de bilans en cascade ne présagent rien de bon. Les périodes de confinement successifs accompagnées de mesures compensatoires mises en place par l’Etat repoussent provisoirement les chocs économiques à venir. Des pans entiers de l’économie (secteurs de l’hôtellerie, de la restauration, du tourisme, culturels etc.) vont connaitre la disparition de ces agents économiques qui produisaient de la richesse.
Les effets induits sur leurs sous-traitants qui ne survivront pas vont impacter des régions entières. Un effet de ciseaux redoutable. Il s’agit d’une crise plus aggravante pour les plus pauvres et les mesures de confinement ont mis à mal les liens de solidarité qui faisaient le lien social, qui faisaient société. Au sortir de la pandémie mondiale, la note risque d’être salée. Le recours à l’endettement va mécaniquement peser sur les finances publiques. Alors que le chômage va augmenter de manière structurelle, les dispositifs d’aides exceptionnels sont conjoncturels et seront amenés à disparaitre. Augmentation de la pauvreté, décrochage des classes moyennes, diminution des aides publiques : l’avenir ne présage rien de bon pour les plus exposés. L’impact insoupçonné de cette crise sur les populations les plus fragiles, notamment immigrées et sur les relations avec leurs pays d’origine. Alors que le taux de pauvreté en France est de 14% actuellement, ce taux dans la population d’origine immigrée est de 30 %.
Elle est donc l’une des plus exposées aux chocs économiques et sociaux à venir. Les étudiants étrangers, suite aux mesures de confinement, se sont retrouvés dans l’isolement les plus total. L’Association Le Grand Maghreb est venu en aide à des étudiants algériens qui ne pouvaient plus se nourrir durant cette période si particulière. Or, ces populations immigrées ou d’origine immigrée sont souvent des soutiens économiques et/ou financiers à l’égard de leurs familles restées dans leurs pays d’origine. Elles constituent une source de revenus considérable pour ces pays. Or ce soutien financier risque de s’amoindrir considérablement. Et pour certains villages, elles permettaient de subvenir aux besoins primaires de leur famille… Le bouleversement de ces relations appelle à la réflexion et à l’anticipation. Quelle zone de croissance économique pourra amortir ce choc à venir ?

La crise du Covid, une opportunité à saisir
L’intégration économique du Grand Maghreb doit supplanter les divergences diplomatiques dans l’intérêt des peuples frères : le politique suivra l’économie Plus que jamais, l’idée du Grand Maghreb prend tout son sens et se révèle plus pertinent aujourd’hui. Malgré les contingences du moment et les évènements internationaux, la fraternité entre les peuples maghrébins reste la pierre angulaire de cette région. La constitution d’une zone économique intégrée entre les pays du Maghreb représente de nombreux avantages sans les rendre tributaire du bon vouloir des pays tiers qui les soumets à une dépendance piégeuse.
Une menace de retournement des alliances équivaudrait à une exposition permanente à l’instabilité. Les divergences et les hostilités entre pays ne disparaitront pas tant que l’intégration économie ne sera pas mise en place. La France et l’Allemagne ont décidé de supplanter leur rivalité par l’intégration économique. Les peuples ont adhéré. Les pays du Maghreb doivent s’inspirer de cet exemple. L’instabilité internationale, la destruction de certains Etats pour leurs richesses ne sauraient faire oublier un acteur essentiel aujourd’hui : la volonté des peuples. Le peuple maghrébin est un peuple d’entrepreneurs, imaginatif, dynamique. Libérons cette énergie maghrébine qui ne demande qu’à créer de la richesse. Les intérêts économiques croisés tariront les divergences politiques.
Brahim Mabrouki Président de l’Association Le Grand Maghreb