La littérature, c’est le règne de la singularité

Les œuvres littéraires sont comme les visages et les empreintes digitales, il n’y en a pas deux identiques

En effet, ce qui caractérise deux œuvres romanesques, deux pièces de théâtre, ou deux poèmes d’auteurs différents, c’est leurs différences de leur écriture et du point de vue contenu.
Deux œuvres romanesques appartenant au même genre littéraire écrites par deux auteurs différents, qui traitent du même thème ne peuvent être identiques et ce, même si les deux auteurs sont de même niveau de langue et qui ont des similitudes sur le plan du style, on peut relever à la lecture des écarts parfois flagrants sur la forme et le fond.

La différence est un facteur de richesse pour la littérature d’un pays et du monde. Les écrivains doivent s’évertuer à développer cette différence, l’originalité n’en sera que bénéfique pour les hommes de lettres ainsi que pour la littérature et les lecteurs, et c’est cette différence que l’on développe à l’école, elle seule est créatrice d’émulation qui, sur le plan scolaire, pousse chaque élève d’une classe à faire mieux que les autres. Les écrivains eux même font du mieux qu’ils peuvent pour améliorer leur écriture en s’ouvrant la voie du succès dans la production littéraire. C’est par le travail singulier que la plupart ont réussi à atteindre le stade de la consécration par les prix littéraires, le bon accueil de leurs œuvres par un public élargi. Ces succès procurent des encouragements à produire de belles œuvres et pourquoi pas des bestsellers qui leur donneront la possibilité d’être traduits dans les langues les plus importantes dans le monde et de se voir reconnu à l’échelle mondiale.
Etre connu mondialement est un atout important, c’est être célèbre, avoir atteint pleinement le stade de la singularité et cela favorise la vente de ses livres. Les œuvres littéraires sont comme les visages et les empreintes digitales Cela veut dire qu’aucune d’elles ne ressemble aux autres, elles sont toutes singulièrement écrites et que chaque auteur dans son coin a fait l’effort de réaliser un travail personnalisé avec un style particulier, des idées totalement différentes, une manière de raconter, de présenter ou de décrire les faits et objets totalement différentes. Pour mieux comprendre le phénomène, il faut comparer deux ou trois romans traitant des mêmes thèmes, écrits par des écrivains de talent, la différence saute aux yeux. Il y a dans « La Terre et le sang » de Mohamed Feraoun et « Germinal » de Emile Zola, une partie largement consacré au travail du mineur dans les entrailles de la terre impeccablement narrée par les deux écrivains, chacun à sa façon mais différemment. Mouloud Feraoun évoque avec émotion le travail de mineurs de nos émigrés qui se débattent dans les pires difficultés pour survivre et faire vivre leurs familles laissées au bled. C’est une vie de chien que leur réservent les responsables français et c’est à prendre ou à laisser. Les nôtres n’avaient pas le choix et ils acceptaient, malgré eux le travail avec tous les risques que cela laisse supposer.
Il s’agit des mines de charbon où de jour en jour vous noircissez le corps et les poumons, travail de galérien qui use au fil du temps. L’auteur du travail de mineurs, d’après les témoignages de ses compatriotes émigrés, lorsqu’ils reviennent au village passer leur mois de détente, s’enrichit d’informations utiles pour une meilleure mise en forme du livre qu’il leur a consacré : « La Terre et le Sang ». Emile Zola raconte la vie de toute la classe des mineurs à la manière des écrivains du mouvement naturaliste dont il fut un membre actif. Ce qui lui a permis de raconter avec tous les détails possibles et imaginables la vie des familles, l’exploitation de la grande bourgeoisie industrielle qui exploite sans vergogne la masse ouvrière composées de toutes les catégories sociales : hommes valides, enfants, vieux, hommes et femmes ; il n’y avait pas de lois interdisant de faire travailler enfants et vieux. C’est ce système d’exploitation que dénonçait Zola qui rentrait au fond de la mine pour voir les conditions de travail des ouvriers mineurs et dans les foyers de mineurs pour mieux se rendre compte de leurs conditions de vie misérables. Aussi dans sa manière de narrer, l’auteur emploie tout le vocabulaire technique de la mine, contrairement à Feraoun qui donne un petit aperçu du travail des mineurs en insistant sur leurs conditions de vie en terre étrangère. Pour ramasser un peu d’argent, les ouvriers mineurs s’organisent de manière à vivre à trois ou à quatre avec les gens du pays, pour faire la popote ensemble et vivre dans la même chambre et pendant les onze mois de travail.
Deux romans très bien écrits traitant différemment du même thème, dont les auteurs sont de pays différents. Les deux romanciers sont pleins de talents, même s’ils sont de cultures différentes. Hors du champ de la singularité Il y a des œuvres qui étonnent non pas par leur originalité, mais par le titre qu’ils portent. Par exemple, « Le Cid » de Corneille, œuvres du théâtre classique dont le contenu a peut-être de lointains rapports avec quelque domaine de littérature arabe, parce que le titre « Le Cid » vient de « Ased», lion en arabe. Racine a lui aussi écrit une pièce de théâtre qu’il a intitulé « Esther » venant de « Soutra » signifiant voile en arabe. Et partout où l’on va, on retrouve les mêmes différences. Il n’y a que les plagiaires et les usurpateurs qui sont les auteurs de romans semblables aux œuvres plagiées. Il s’agit de gens qui osent recopier mot à mot des œuvres écrites par d’autres dans une autre langue et qu’ils présentent comme étant la leur. Il existe des pseudos –écrivains dans leur langue et qui se disent auteurs d’œuvres qu’ils n’ont fait que traduire des autres langues, sans jamais donner le nom de l’auteur qu’ils ont traduits. Ce n’est pas du plagiat, c’est de l’usurpation. Ceux- là sont hors du champ de la singularité. La littérature, c’est le règne de la singularité On va essayer de parler uniquement d’œuvres qui méritent le titre d’œuvres singulières. Comme telle, nous pouvons citer « Le collier de la colombe » d’Ibn Hazem », d’origine andalouse qui a écrit une œuvre à caractère sentimental qui a probablement donné à d’autres auteurs l’idée de s’en inspirer. Par exemple « Le fou d’Elsa » du grand écrivain français, Aragon, très connu surtout pour sa poésie singulière. Aragon s’inspira du fond littéraire andalou pour écrire
« Le Fou d’Elsa » qui, comme son titre l’indique est un livre purement sentimental, où les actions se passent à Cordoue (Andalousie). Comme œuvre originale, assez connue dans le monde, c’est le recueil de contes orientaux « Les Mille et une nuits » traduits par Galland vers 1700, qui ont eu un grand succès et qui de nos jours ont fait l’objet d’une nouvelle traduction, par le professeur Bencheikh. Ces contes n’ont pas cessé de susciter de la curiosité, des penseurs étrangers qui y voient un travail singulier par le fait qu’ils aient été racontés par la fille d’un vizir appelée Shéhérazade. Celle-ci aurait demandé d’épouser le roi qui a juré de passer une nuit avec une nouvelle épouse pour la tuer le lendemain matin, et cela pendant deux ans. La fille avait un but, faire passer au roi cette envie de tuer les femmes, c’est un peu par pitié pour les femmes qui se font tuer. Et cette fille de vizir épousa ce roi. Durant la première, elle lui raconta un conte qui lui plut, il la laissa pour le lendemain et la deuxième nuit, elle en fit autant, le roi fut émerveillé, il lui donna un deuxième sursis et cela avait continué pendant mille et une nuits, et à la mille et unième nuit, le roi se sentit guéri de cette envie sanguinaire. Il fut enfin guéri. Les contes ont servi en quelque sorte de thérapie. Et ces contes merveilleux donnent beaucoup à apprendre.
C’est des contes populaires uniques et il n’y en a eu jamais d’autres après. Mais ils sont différents des autres contes populaires algériens et dans le monde par la singularité. Taous Amrouche a publié des contes de sa grand-mère, mais des contes du terroir algérien. Ils sont singulièrement beaux et comparables aux autres contes populaires comme ceux de Charles Perrault ou de Grimm. Une étude scientifique d’un écrivain russe, a trouvé que ces contes populaires avaient tous les mêmes caractéristiques : le même nombre de personnages: 7, et le même nombre de fonctions : 31, et le même nombre d’actions dont la première est l’interdiction, la deuxième est la transgression, la troisième, c’est l’agression. Par exemple, on interdit au héros de s’éloigner, celui-ci transgresse l’interdiction, il s’éloigne, il est alors agressé, puis on vient à son secours, imaginez la suite en vous servant des différentes étapes d’un conte populaire, et pas n’importe lequel. Et ne confondez pas les contes d’auteur. Le petit prince de Saint- Exupéry, c’est un chef d’œuvre destiné aux petits enfants, les bons maîtres en ont fait un bon support pédagogique pour des séances d’élocution et de rédaction qui ont été fructueuses. Il y a aussi les contes de Voltaire, merveilleusement appréciés comme contes d’auteur mais qui n’ont rien de commun avec les contes populaires.
Boumediene Abed