Retour sur la sanglante Bataille de la Mitidja

Histoire

Conduite par l’un des kalifas de l’Emir Abdelkader, Ibn Salem, la bataille de la Mitidja, qui a eu lieu en ces jours de décembre de l’année 1839, dans la ville de l’Oued El Alleugue (Nord de Blida actuellement), fait partie de ces batailles qui ont semé la panique dans les rangs du colonisateur français, qui a accusé une perte de pas moins de 108 soldats et officiers, avant d’être acculés à se replier derrière les murs de la ville d’Alger.

Selon Dr Bouzifi Ouahiba, professeur à l’université d’Alger 3 et chercheuse en Histoire de l’Algérie, «cette bataille fait suite à l’expédition française menée par le Duc d’Orléans, au mois d’octobre 1839, à partir de Constantine vers Alger, via Sétif», annonçant par là «la pénétration des zones de l’Emir Abdelkader telles que fixées par le Traité de la Tafna», et poussant ce dernier à adresser un avertissement au gouverneur général de l’époque, le maréchal Valée. L’Emir Abdelkader, qui s’est rendu compte que ce mouvement des Français (vers d’autres régions algériennes), sans son accord, était, en fait, une déclaration de guerre, a pris la décision de riposter, en annonçant une attaque contre l’Oued El Alleugue, dans la Mitidja, a indiqué la chercheuse. Ce fut donc la bataille de la Mitidja, conduite par le Kalifa Ibn Salem contre les camps français dans cette plaine, dont ils incendièrent les vergers et les habitations, et s’accaparèrent de tous les biens des occupants (bétail et nourriture), en tuant pas moins de 108 soldats et officiers, selon les faits rapportés dans «L’Histoire politique en Algérie, du début jusqu’à 1962» d’Amar Bekhouche. Les soldats de l’Emir Abdelkader menèrent, quotidiennement, de nombreuses attaques, jusqu’à atteindre les vergers d’Alger, en s’accaparant de biens considérables, selon le même livre, rapportant que ces batailles ont «alarmé le maréchal Valée, qui est rentré de son château vers l’intérieur du pays, en se faisant accompagner par toute sa suite, au moment où les Algériens revinrent vers Médéa, où l’Emir les attendait, en ramenant avec eux tout le butin». Le général Desmichels avait informé son gouvernement des détails de cette bataille, qui avait à l’époque suscité un grand trouble en France, en divisant le régime en place en trois groupes d’opinion. Le premier revendiquant un retour à une politique de colonisation limitée, au moment où le second appelait à un retrait de l’Algérie, tandis que le 3e groupe voulait une colonisation totale, selon «L’Histoire contemporaine de l’Algérie 1830/1989» de Bachir Mellah. Après cette bataille et plusieurs autres dans diverses parties du pays, l’Emir Abdelkader sembla prendre un important ascendant sur le colonisateur, notamment suite au ralliement de la Kabylie et d’autres régions de l’Est du pays, allant même jusqu’à donner l’impression qu’il allait confiner la présence de la France à Constantine et quelques zones du littoral, tout en l’empêchant (France coloniale) de rallier Constantine à Alger, qui était son but principal. Le colonisateur français protesta contre cette extension de l’Emir vers l’Est, en la considérant comme une violation du Traité de la Tafna. Ils décidèrent donc de relancer les hostilités. Ce fut le début des revers de l’Emir Abdelkader, notamment après l’adoption par la France de la politique de la terre brûlée, dont le but, selon le Maréchal Bugeaud n’est pas de «courir après les Algériens, ce qui est fort inutile, il est d’empêcher les Algériens de semer, récolter, pâturer, de jouir de leurs champs», disait-il. Grâce à cette politique, l’ennemi français a réussi à prendre la capitale de l’Emir «Takedamt» en 1841, avant la chute de Zmala, capitale ambulante de l’Emir en 1843. L’Emir Abdelkader alla se réfugier chez le sultan du Maroc au mois d’octobre de la même année. Celui-ci l’a d’abord soutenu, avant de le «lâcher», suite au bombardement des villes de Tanger et Saouira par la flotte française. Sous la pression de la France, le sultan marocain chassa l’Emir Abdelkader, en s’engageant même auprès d’elle à l’arrêter. Un fait ayant poussé l’Emir à rentrer en Algérie, en septembre 1845, pour tenter de réorganiser la résistance.
R. C.