Un nouveau personnel politique afin de redonner confiance

Les grands défis de l’Algérie de demain 2020/2025

Le référendum pour la révision de la Constitution qui a eu lieur le 1er novembre 2020, s’est tenu dans un contexte national et international défavorable : maladie du président de la République, épidémie du Coronavirus, une faiblesse dans le système de communication et le marasme économique et social qui n’est pas propre à l’Algérie.

Le taux de participation a été, il faut le reconnaître mitigé avec 23,7%, -5 586 259 d’électeurs sur un total d’inscrits de 23 568 012. Le résultat officiel annoncé donne 66,80% de OUI, soit par rapport aux inscrits13,75% , 33,20% de NON avec 633 885 bulletins nuls et ce, malgré que tout le gouvernement ait investi le terrain. Cela démontre le manque de confiance dont il faudra en tirer les conséquences. Cependant, le grand défi à venir consiste en le redressement de l’économie nationale en léthargie car la puissance d’une nation et sa prospérité sociale se mesurent à son économie. La crise mondiale avec l’épidémie du coronavirus touche tous les pays du monde et pas seulement l’Algérie mono exportatrice. En plus du bas cours des hydrocarbures représentant avec les dérivés 98% des recettes en devises, le 2 novembre 2020 13h GMT, le cours du pétrole en bourse du Wit étant coté à 34,77 dollars, le Brent à 37,03 et le prix de cession du gaz sur le marché libre est coté 3,35 dollars le MBTU, baisse de plus de 70% par rapport à 2008/2010, sans compter les pertes de parts du marché notamment en Europe, principal client et du retard dans les réformes internes qui impacte l’économie algérienne. Cela rend urgent le retour à la croissance fondée sur une nouvelle gouvernance (meilleure gestion, la lutte contre la corruption) et la rationalisation des choix budgétaires où entre le budget de fonctionnement et d’équipement pour les Lois de finances 2020/2021, nous avons besoin d’un cours supérieur à 100 dollars le baril. Faute de quoi le retour au FMI courant 2022 est inévitable, les lois économiques étant insensibles aux slogans politiques, ce qu’aucun patriote ne souhaite.

1- La demande d’hydrocarbures dépend fortement du retour à la croissance de l’économies mondiale fortement impactée par la seconde vague de l’épidémie du coronavirus. Comme je l’ai démontré récemment dans l’interview donnée à l’American Herald Tribune USA le 23 avril 2020 «Prof. Abderrahmane Mebtoul : We Have Witnessed a Veritable Planetary Hecatomb and the World Will Never be the Same Again», l’impact de l’épidémie du coronavirus sur l’économie mondiale sera de longue durée. Selon le rapport de l’OPEP d’octobre 2020, la demande mondiale de pétrole fin 2020 devrait reculer plus fortement qu’anticipé jusqu’à présent de 9,5 Mb/j, pour atteindre 90,2 Mb/j en raison de la crise sanitaire et économique liée à la pandémie de Covid-19 et concernant la demande mondiale pour 2021 revues en baisse, de 0,4 Mb/j par rapport à cette demande devrait en 2021 s’établir à 96,9 Mb/j, loi des prévisions avant la crise de plus de 100 millions de barils/jour.
Selon les institutions internationales, en moyenne annuelle, avec des fluctuations semaine par semaine, mois par mois, nous avons pour le cours du Brent de 2000 à 2020 : 2000, 28,52 dollars le baril
– 2005, 54,41
– 2010, 78,92
– 2014, 99,00
– 2015, 52,36
– 2016, 43,55
– 2017, 54,25
– 2018, 71,05
– 2019, 64,34
Estimation fin 2020 en moyenne entre un cours très bas les quatre premiers mois de 2020 (cours environ 30 dollars et moins) et hypothèse un cours qui dépasse 40 dollars de juillet à décembre 2020, nous aurons une moyenne de 35/37 dollars. L’élection américaine sera déterminante en cas de victoire des démocrates qui ont une autre vision de la politique énergétique, avec le retour des USA aux accord de Paris COP21 et le développement d’énergies altératives aux fossiles classiques. Pour l’Algérie, les hydrocarbures en 2010/2019 ont procuré avec les dérivées 98% des entrées en devises, dont 33% proviennent du gaz dont le prix de cession ont chuté de plus de 70% ces cinq dernières années. Les recettes de Sonatrach auquel il faudrait retirer les coûts et les parts des associés pour avoir le profit net, contre d’environ 34 milliards de dollars en 2019 devrait s’établir fin 2020 entre 20/22 milliards de dollars et entre 19/20 si on assiste à une baisse des exportations en volume physique, Loi de finances 2021 prévoyant avec optimisme, une stabilisation autour de 40 dollars pour la période 2021-2022 et 45 dollars pour 2023. Toujours selon le PLF 2021, les recettes pétrolières devraient atteindre, durant la période 2021-2023, 23,21 milliards de dollars en 2021, 28,68 milliards de dollars en 2022 et 26,45 milliards de dollars en 2023, sur la base de 45 dollars/baril en tant que prix du marché pour un baril de pétrole brut Sahara Blend durant la période de projection.

2- Le taux de croissance du Produit intérieur brut (PIB) à prix courants qui a évolué de 2000 à 2019 se calculant par rapport à la période précédente, un taux de croissance élevé en T1 par rapport à un taux de croissance faible en TO donne globalement un taux faible :
– 2000 5,0%
– 2005, 6,1%
– 2010,
– 2015,
3,7%
– 2018, 1,4 %
– 2019, 0,8% pour le gouvernement, 0,7% pour le FMI.
Pour les prévisions 2020, nous avons pour l’ONS un taux de croissance négatif de 3,9% au premier trimestre 2020. Le Fonds monétaire international (FMI) dans son rapport sur les perspectives économiques mondiales publié le 13 octobre 2020, a révisé à la baisse ses prévisions de croissance de l’économie algérienne à -5,5% en 2020, contre -5,2% anticipée en avril, 2020 tablant un taux de croissance de 3,2% en 2021, contre 6,2% dans son rapport d’avril 2020, soit la moitié de ce qui était prévu et ce, sous réserve de la maîtrise de l’épidémie du coronavirus qui impacte la croissance de l’économie mondiale. Le projet de Loi de finances 2021 est plus optimiste prévoyant une croissance économique nationale de 3,98% en 2021, après un recul de 4,6%, suivant les estimations de clôture de l’exercice 2020. Dès lors, le déficit budgétaire devrait atteindre -1 976,9 milliards de dinars, soit -10,4% du Produit intérieur brut (PIB) et la balance des paiements enregistre un solde négatif de -18,8 milliards.
Pour le FMI, dans son rapport d’octobre 2020, la baisse de l’activité économique de l’Algérie devrait se poursuivre en 2020, le déficit du compte courant se creusant en s’établissant à -16,6% du PIB en 2021. Pour le gouvernement dans le PLF 2021, les comptes extérieurs de l’Etat devront atteindre un solde global négatif de -3,60 milliards de dollars, soit une amélioration ressentie par rapport à 2019 (-16,93 milliards de dollars) et à 2020 (-12,3 milliards de dollars par rapport à la clôture 2020), le déficit budgétaire du compte courant devra enregistrer une baisse de -10,6% par rapport au Produit intérieur brut (PIB) à la clôture 2020, puis à -2,7% en 2021 avec une moyenne de -0,6% de PIB durant la période 2021-2023. Ces résultats optimistes difficilement réalisables, seront fonction d’un cours de pétrole supérieur à 40 dollars et d’une baisse drastique des importations de biens et services que l’on oublie souvent, évalués entre 2010/2019 entre 10/11 milliards de dollars par an qui s’ajoute aux importations de biens.
Cela a un impact sur le taux de chômage, mais devant tenir compte de la pression démographique. En 2020, la population dépasse 44 millions d’habitants, avec une prévision pour 2030 de plus de 50 millions d’habitants. La population active fin 2020 dépasse 12,80 millions et il faut créer annuellement entre 350 000 et 400 000 emplois nouveaux par an. La structure de l’emploi fait ressortir un secteur tertiaire dominé par le commerce, les services et l’administration avec un nombre de retraités en mai 2020 de 3 266 000 personnes où la caisse de retraite connaît un déficit structurel.
Comme conséquence à la fois de la baisse du produit intérieur brut et de croissance démographique, nous assistons donc à un accroissement du taux de chômage :
– 2017, 11,6%
– 2018, 13,1%
– 2019.
Dans son rapport d’octobre 2020, pour le FMI le taux de chômage devrait atteindre 14,1% en 2020 et 14,3% en 2021.

3- Quel sera le niveau des réserves de change 2020/2011 ? Selon le FMI, l’Algérie a besoin d’un baril de plus de 135 dollars en 2021 et selon le site spécialisé, Oil Price, 157,2 dollars pour équilibrer son budget. Le prix du baril fixé par la Loi de finances 2020 de 30 dollars, prix fiscal et 35 dollars prix marché, le PLF 2021 40 dollars, n’est qu’un artifice comptable. Selon les prévisions du FMI pour les années précédentes, le prix d’équilibre du baril pour l’Algérie était estimé de 104,6 dollars en 2019, à 101,4 dollars en 2018 et à 91,4 en 2017. Il s’ensuit une baisse drastique des réserves de change qui ont évolué ainsi :
– 2013 : 194,0 milliards de dollars,
– 2018 : 79,88 milliards de dollars
– fin 2019 : 62 milliards de dollars,
– fin 2020, avant l’épidémie du coronavirus, les prévisions de la Loi de finances complémentaire sont de 44,2 milliards de dollars contre 51,6 prévu dans la loi initiale.
Le FMI pour prévoit 33,8 milliards de dollars fin 2020, le trésor français 36 milliards et fin 2021, début 2022, entre 12/13 milliards de dollars. Prenant à contre pied les prévisions internationales, le PLF 2021 prévoit des resserves de change fin 2021 à 46,8 milliards de dollars en 2021, assurant les importations et les services durant 16 mois et ce suite à l’amélioration prévue dans le déficit de la balance des paiements qui devrait atteindre -3,6 MDS en 2021 et avec des seuils de réserves de change de 47,53 milliards de dollars en 2022 et 50,02 MDS en 2023. Comment cela sera-t-il réalisable vu tant la conjoncture internationale défavorable qu’interne où la majorité des secteurs productifs, hormis l’agriculture, sont en hibernation ? Comme la cotation du dinar est corrélée aux réserves de plus de 70% où la valeur d’une monnaie dépend avant tout du niveau de la production et de la productivité, le dinar officiel est coté le 2 novembre 2020, le cours achat est de 129,51 dinars un dollar et 150,54 dinars un euro (source Banque d’Algérie). Concernant les cours de change du dinar algérien (DA), le projet de Loi de finances en 2021 prévoit une déprécation par rapport au dollar américain (USD), où la moyenne annuelle devra atteindre 142,20 DA/USD en 2021, 149,31 DA/USD en 2022 et 156,78 DA/USD en 2023. En prenant l’écart actuel de 18% euro/dollar, un euro officiel vaudrait en 2023, 182 dinars un euro et sur le marché parallèle, avec un écart d’environ 50%, nous aurons 280 dinars un euro. Sans dynamisation de l’appareil productif, nous assisterons à une hyperinflation. Toute baisse du dinar par rapport au dollar et à l’euro permet d’augmenter artificiellement la fiscalité hydrocarbures et la fiscalité ordinaire.
Pour combler le déficit budgétaire, l’Algérie a eu recours à l’émission monétaire. La Banque centrale de mi-novembre 2017 à avril 2019, a mobilisé 55 milliards de dollars, soit l’équivalent de 32% du PIB de 2018. Ce financement favorise la baisse des réserves de change, puisque en mettant à la disposition des entreprises des dinars, 70/80% des matières premières et des équipements des entreprises publiques et privées étant importées, ces dernières importeront de l’étranger en devises. En conclusion, il faut arrêter les mesures conjoncturelles de replâtrages et les discours démagogiques auxquels plus personne ne croit et tenir un langage de vérité. Les tensions budgétaires seront vivaces entre 2021/2022. La réalisation de la Loi de finances 2021 dépendra à la fois du cours des hydrocarbures et de la dynamisation du tissu productif, fonction des réformes, qui demandera, minimum, entre 4/5 ans, la compression des importations ayant des limites, le taux d’intégration ne dépassant pas 15%. Aussi, l’urgence après le 1er novembre 2020 sera le redressement de l’économie nationale supposant une autre gouvernance et un renouveau du personnel politique et dans les hautes sphères des institutions oncotiques pour redonner la confiance sans laquelle aucun développement n’est possible.
Avec des hypothèses irréalistes, la Loi de finances 2021 prévoit une baisse des importations de 14,4% de la valeur courante par rapport à la clôture 2020, pour atteindre 28,21 milliards de dollars. 27,39 milliards de dollars en 2022 puis 27,01 milliards de dollars en 2023, et une croissance économique nationale de 3,98% en 2021, après un recul de 4,6%, suivant les estimations de clôture de l’exercice 2020. Or, cette baisse, du fait de la faiblesse des exportations hors hydrocarbures, est liée à l’évolution du prix du pétrole et du gaz qui influe sur le taux de croissance, le taux de chômage, le niveau des réserves de change et surtout à la dynamisation du tissu productif interne (notre interview Monde.fr/AFP Paris 10/8/2020). Par ailleurs, la future politique socio-économique devra tenir compte des nouvelles mutations mondiales axées sur la transition numérique et énergétique, de la demande de révision par l’Algérie de certaines clauses de l’Accord d’association avec l’Europe, pour un partenariat gagnant, des tensions géostratégiques en Méditerranée, au Sahel et en Libye. D’où l’urgence d’approfondir les réformes internes institutionnelles et micro-économiques, portées par de nouvelles forces sociales. Un grande défi pour l’Algérie de demain, défi à sa portée du fait de ses importantes potentialités.
Abderrahmane Mebtoul