L’Etat veut «attaquer le mal à la racine»

La surfacturation plombe la balance commerciale depuis des années

Le contrôle et l’éradication du secteur informel constitue un dilemme pour l’Etat qui veut mettre un terme à la recrudescence de la fraude sur la valeur transactionnelle réelle des marchandises et au manque de visibilité administrative (Douane).

Les acteurs de l’informel ne se sont jamais conformés à la législation ni au civisme fiscal, usant de tous les subterfuges pour cumuler les gains. Nombreux sont les importateurs qui recourent à la surfacturation de leurs marchandises à l’importation, sans se soucier des répercussions de cette pratique sur le Trésor public qui a un important manque à gagner. Cette pratique frauduleuse est devenue une pratique courante dans le milieu des affaires et grève énormément les revenus de l’Etat qui tente d’équilibrer vainement sa balance commerciale déficitaire de plus de 1.6 milliard de dollars, selon les dernières statistiques en 2020. Seule la rigueur réglementaire et la modernisation du secteur douanier peuvent aider les autorités à éliminer la corruption, la fraude fiscale et la surfacturation des produits à l’importation et la sous-facturation des biens exportés. D’où l’instruction du président de la République, Abdelmadjid Tebboune qui a ordonné lors du dernier Conseil des ministres, tenu, dimanche dernier «l’accélération de la numérisation du secteur des douanes afin de lutter contre la surfacturation et d’absorber les fonds circulant dans le marché parallèle». La transformation digitale des services de la Douane afin de renforcer toutes les protections mises en place par cette administration pour plus de transparence et de traçabilité.
Cette étape est plus urgente pour que l’Algérie puisse développer un commerce extérieur plus fiable, plus concurrent, mais surtout empêcher les importateurs ou exportateurs de jouer avec les règles commerciales et de la réglementation douanière. La prolifération de ces pratiques ont rendu difficile le secteur informel qui, tant bien que mal, apporte une marge assez intéressante de croissance. Cependant, la rivalité entre le secteur informel et formel doit disparaître et laisser la place à une économie plus résiliente sur le plan financier et social. L’Etat recense tous les dysfonctionnements et obstacles administratifs et financiers qui entravent l’action d’investissement dans le pays. Les résultats des audits et des enquêtes menées depuis le début de l’année écoulée dans différents secteurs ont révélé des réalités embarrassantes et complexes, mais permettent d’analyser la situation et de solutionner les problèmes. Le phénomène de la corruption et de la fraude fiscale ou de la surfacturation n’est pas nouveau. Il s’est enraciné dans les pratiques commerciales et est devenu un sport national. Cependant, l’ampleur des dégâts est considérable.
Lors de son intervention dans le forum de la radio nationale, le ministre des Finances, Aymen Benabderrahmane, a communiqué «la valeur réelle des besoins du marché national en importations qui s’élève à 28 milliards (mds) USD, contre 64 mds USD les années auparavant (2014)». Il a pointé la surfacturation des marchandises à l’importation. Cette pratique s’est généralisée et touche de grandes entreprises qui cherchent le gain facile pour augmenter leurs chiffre d’affaires. Ce constat révèle aussi l’ampleur de la corruption qui a gagné du terrain et a annihilé le système de protection ou de surveillance de la Douane. «La maîtrise de la surfacturation représentait, les années précédentes, entre 30% et 35 % de la valeur de la facture des importations», a fait savoir M. Benabderrahmane. La numérisation du secteur douanier est en marche, selon lui. Le non présentation de documents conformes et le non- respect de la législation compliquent la mission des services douaniers, ce qui explique l’utilisation courante de la surfacturation de produits importés et la sous-facturation des exportations. Consciente de la gravité de la situation, l’Etat algérien décide de prendre les choses en main afin de mettre un terme au maquillage des factures à l’importation ou à l’exportation qui n’épargne aucun secteur. Le ministère du Commerce veut pénaliser ce délit. «Un projet de loi sur la pénalisation de délit de surfacturation est en cours d’élaboration en collaboration avec le ministère de la justice, sans donner plus d’explications», avait déclaré récemment le ministre du Commerce, Kamel Rezig qui a mis l’accent sur «la nécessité de ce texte qui permettra à coup sûr de mettre un terme à la spéculation et la hausse injustifiée des prix des produits de première nécessité». Le Gouvernement vise, à travers cette démarche, réguler le marché commercial, mais aussi récupérer l’argent informel à travers la modernisation du secteur bancaire.
Samira Takharboucht