Elles font partie d’une forme de littérature, la littérature orale

Autour des histoires qui préparent à l’école de la sagesse

Ces histoires appartenant au domaine de l’oralité ont toujours été d’une utilité incontestable pour tous ceux qui cherchaient à comprendre les mystères de la vie en général et sociale en particulier. Elles émanent d’un vécu collectif qui s’enrichit au fil du temps et au rythme des aventures heureuses et malheureuses qui arrivent aux gens au fur et à mesure que le temps passent mais laissant des leçons de bonne conduite à retenir pour l’avenir aussi bien pour celui qui en a fait l’expérience que pour tous les autres.

Une particularité majeure de ces histoires véhiculées de bouche à oreille, c’est qu’elles sont essentiellement orales et susceptibles de changer de forme et même quelquefois de fond à chaque qu’elles sont rapportées par un locuteur. Et la qualité du langage dépend du niveau de langue du parleur. Si les rapporteurs parlent bien, il est certain que l’histoire soit rapportée sous un niveau de langue assez élevé. Et ceci est valable pour toute production orale : contes, fables, faits divers, mais ce qui est fait en vers doit être mémorisé tel quel. Ainsi tout ce qui est composé en vers, poèmes généralement anonymes exprimant l’engagement du peuple ou dénonçant les excès des méchants colonisateurs à des époques déterminées de notre histoire ou des campagnards qui vantent les mérites d’un héros et que les gens se font un devoir de perpétuer parce qu’ils narrent des évènements passés. Des textes populaires qu’on éprouve le plaisir de réciter en public et quelquefois, ils sont même chantés pour faciliter leur transmission. Mais pour le moment, on va s’occuper de textes rapportés dont le contenu porte surtout sur les problèmes de la vie quotidienne à des époques anciennes et qui prêtent beaucoup à rire tout en instruisant.

Des histoires anciennes mais qui donnent à voir l’état d’esprit d’antan
Maintenant on éprouve du plaisir à se les raconter tant elles donnent à retrouver toute la naïveté et l’ignorance de nos aïeux qui croyaient que tout était beau et sain. Eux qui étaient francs, honnêtes, bien éduqués et formés à l’école de la sagesse, étaient loin de penser aux coups d’espièglerie qu’on leur réservait. Pourtant jamais ils n’avaient cessé de baigner dans la culture populaire qui préparait à devenir des hommes averti sur les revers qui guettaient toute personne tentée par le laisser aller. Une fois dans un village coupé du monde, on le dit comme ça parce que les habitants voyaient leur univers limité à ses frontières et ils étaient d’une crédulité sans limite. Il y avait parmi eux un homme qui voyageait et à dos d’âne en se rendant dans les petites villes, chefs lieux de communes, il pratiquait probablement le commerce sur les places de marchés. Les habitants l’avaient sollicité pour leur porter le courrier à la ville dont ils dépendaient administrativement, et rapporter le courrier retour dès que possible.
Mais le monsieur s’en est occupé drôlement, chaque fois qu’on lui remettait le courrier, il le jetait à la rivière, à partir d’un pont d’où il regardait les lettres flotter sur les vagues, son plaisir était de voir naviguer les lettres. Au retour au village, les gens lui demandaient si le courrier est acheminé jusqu’au bureau de poste ; au début il leur disait à chaque fois qu’on lui posait la question : vos lettres, elles marchent et vont bientôt arriver. Un jour, voyant que les réponses n’arrivaient pas, les gens du village lui avait remis des lettres comme à l’accoutumée, mais quelqu’un l’avait suivi et il l’a vu jeter les lettres à la rivière, il en a informé les villageois et tous avaient compris qu’ils avaient été dupés. Et immédiatement, un conseil des sages du village s’est réuni comme il avait l’habitude de le faire en pareille situation ; il avait décidé de décidé que cet individu devait payer cher la faute impardonnable qu’il avait commise au détriment des habitants en leur faisant croire qu’il avait à chaque fois posté le courrier alors qu’il le jetait à la rivière.
Dans ce courrier, il y avait des lettres de quelques uns qui avaient demandé à leurs proches installés un peu partout, au pays ou à l’étranger, leur demandant de leur envoyer de l’argent parce qu’ils n’avaient plus rien pour s’acheter de quoi vivre. Quant aux autres, ils avaient une diversité de choses demandées à leurs correspondants, soit des maris travaillant au loin, soit des partenaires qui devaient répondre d’urgence. etc.. Cet individu a trahi la confiance d’une majorité qui attendait des réponses ou des mandats vitaux, et devait être puni comme il le méritait. Maintenant que vous avez compris l’histoire, il convient d’en tirer des leçons utiles pour l’avenir. On a choisi une autre histoire, elle bonne à retenir pour sa leçon de morale. Elle raconte l’histoire d’un bûcheron, vendeur de bois. Un soir, après il avait lourdement chargé sa bête, il montait, et c’était presque la tombée de la nuit, son âne cheminant péniblement quant tout à coup la charge de bois tomba entrainant l’animal vers le bas.
C’était presque la nuit, la charge et la bête étaient à terre, il fallait décider vite, ou débarrasser la bête de sa charge et laisser le bois à cet endroit ou défaire la charge mais tout seul ça lui paraissait impossible. Il a attendu quelque temps et arriva quelqu’un qu’il détestait et qu’il avait fâché depuis longtemps, et au lieu de continuer son chemin comme il l’aurait fait, cette personne s’arrêta, et l’aida à remettre la charge sur l’âne en lui disant : maintenant comme si tu veux, on se remet en bon terme ou on continue à ne pas se parler et il disparut. Qu’auriez-vous fait à sa place ? Que peut-on dire du comportement de ces deux hommes qui ne se sont pas parlé depuis longtemps et que les hasards de la vie a fini par leur réserver une rencontre ? Il existe des centaines d’histoires qui instruisent ceux qui les écoutent et qu’il a fallu retenir pour les perpétuer oralement en raison de leur contenu sémantique.

D’autres histoires d’origine populaire et qui sont passées en littérature écrite
Ceci grâce à des écrivains qui les ont trouvées si belles qu’ils les ont intégrées à leurs œuvres littéraires. C’est le cas de Feraoun qui a donné sa place à une légende ancienne qui se racontait de bouche à oreille, à chaque fois que le sujet d’actualité veut un éclairage. Cette légende est tombée à pic dans «La Terre et le Sang» pour illustrer le dilemme vécu par un personnage. Ce dernier devait soit tuer quelqu’un du village qui a travaillé dans une mine, en France, et soupçonné d’avoir provoqué la mort de son frère à l’intérieur de la mine. Ce frère devait être vengé pour éviter le qu’en dira t’on du voisinage. Il alla consulter un sage qui lui raconta la légende d’un maître d’école connu pour ses qualités de grand pédagogue, tous les élèves qui sont passés par lui, ont réussi. Le sultan voulait le tuer, pour cela il lui a fallu lui trouver un prétexte, il lui fit une proposition impossible : faire d’un élève ce qu’il a fait à tous les autres en lui donnant un délai de trois ans pour exécuter cette tâche, sinon il aurait la tête coupée.
L’esclave, sinon alla lui chercher l’élève, un jeune chameau. Sans discuter, le maître d’école donna son accord et partit avec le chameau, car s’il avait dit non, au départ, il aurait eu la tête coupée. J’ai préféré agir de la sorte, avec cette solution, j’ai un sursis de trois ans. Et en ces trois années, il se passa bien des évènements, le sultan mourut, le maître d’école eut la vie sauve et il gagna un chameau. La moralité que le sage a voulu lui donner, fallait-il tuer ou non, c’est de temporiser au lieu de tuer dans la précipitation. Une deuxième histoire qui mérite d’être sélectionnée, c’est celle d’Esope qui en a été lui-même victime. Le philosophe, fabuliste de l’antiquité grecque était un noir d’origine éthiopienne, petit de taille avec une bosse à l’avant et une bosse à l’arrière. De plus, c’était un nègre affranchi et grâce à son extrême intelligence, le roi grec a fait de lui son conseiller.
Un jour qu’Esope marchait dans la rue, il reçut une pierre que lui avait lancé par mépris un grand gaillard trop bête comme ses pieds pour comprendre la gravité de l’acte qu’il venait de commettre. Merci de m’avoir frappé avec une pierre lui dit Esope et je vais te payer mais c’est tout ce que je possède, il lui offrit une pièce de faible valeur. Cependant, je vais te montrer quelqu’un qui va bien te payer, tiens ce grand monsieur qui vient, jette lui une grosse pierre, il va te donner une grosse somme. Sitôt que le monsieur arrive à ses côtés, l’individu lui lance une grosse pierre, l’inconnu attrape au collet le voyou, lui administre deux coups de poing qui le mettent à terre, avant de le conduire immédiatement aux autorités qui l’ont mis sous les verrous. Ainsi, content d’avoir bien payé son agresseur, continua son chemin en tout tranquillité.
Boumediene Abed