Reposant sur la rente des hydrocarbures, sans relance économique, avec la dépréciation du dinar, risque de l’amplification du processus inflationniste

Economie algérienne

On semble oublier la grave situation économique où toute nation qui n’avance pas recule dans ce monde turbulent et instable où le retour au FMI, ce qu’aucun patriote ne souhaite, aura des incidences économiques, une dévaluation de la monnaie d’au moins 50% au moment des négociations, sociales avec la fin des subventions non ciblées, politiques et sécuritaires plus graves que la période du rééchelonnement de 1994.

Sans argent, bon nombre de pays nous abandonneront à notre propre sort, dans la pratique des affaires et des relations internationales n’existant pas de sentiments. Aussi, face aux enjeux géostratégiques de la région, de la baisse du taux de croissance moins 5% selon le FMI en 2020 alors qu’il faille créer 350 000/400 000 emplois par an qui s’ajoute au taux de chômage actuel, des tensions budgétaires, de la baisse des réserves de change et de la dépréciation de sa monnaie qui vient de franchir le 15 décembre 2020 officiellement les 160 dinars un euro, s’impose pour l’Algérie, un sursaut national par un langage de vérité loin de tout discours démagogique, facteur de démobilisation mais également éviter toute sinistrose, l’Algérie ayant les potentialités de surmonter la crise actuelle sous réserve d’une vision stratégique de développement hors hydrocarbures, une lutte contre la mauvaise gestion et la corruption dans le cadre d’une libéralisation maîtrisée dans le cadre des valeurs internationales, parallèlement à la levée des entraves bureaucratiques, la refonte du foncier, du système financier dans son ensemble, l’intégration de la sphère informelle, contrôlant plus de 50%, la superficie économique et la stabilité juridique et monétaire, critères essentiels pour toute relance socio-économique.

1- Pour la période 1970 à fin 2023, selon les prévisions du gouvernement, nous avons la cotation suivante avec une cotation administrative jusqu’à fin 1992 :
– 1970, 4,94 dinars un dollar,
– 1980 : 5,03 dinars un dollar,
– 1985 : 5,03 dinars un dollar,
– 1990 : 12,02 dinars un dollar,
– 1991 18,05 dinars un dollar,
– 1994 : 36,32 dinars un dollar,
– 1995 : 47,68 dinars un dollar,
– 1999 : 66,64 dinars un dollar.
Pour la période de 2001 au 14 décembre 2020, nous avons la cotation suivante :
– 2001 : 77,26 dinars un dollar 69,20 dinars un euro :
– 2005, 73,36 dinars un dollar, 91,32 dinars un euro :
– 2010, 74,31 dinars un dollar et 103,49 dinars un euro :
– 2015, 100,46 dinars un dollar et 111,44 dinars un euro :
– 2016 :100,46 dinars un dollar et 111,44 dinars un euro :
– 2017 : 110,96 dinars un dollar et 125,31 dinars un euro :
– 2018 : 116,62 dinars un dollar et 137,69 dinars un euro :
– 2019 :119,36 dinars un dollar et 133,71 dinars un euro :
– 30 novembre 2020, un euro s’échangeait 154,41 dinars et le dollar 129,14 dinars et le 15 décembre 2020, 132,2131 dinars un dollar et 160, 3877 dinars un euro.
La dépréciation simultanée du dinar par rapport au dollar l’euro, principale monnaie d’échange, ne répond pas aux valeurs réelles du fait que leurs cotations est inversement proportionnelle, a pour but essentiel de combler artificiellement le déficit budgétaire, assimilable à un impôt indirect. En effet, le 15 octobre 2020 à la bourse, le dollar est coté 1,2144 un euro, contre 1,16 en juin 2020, soit une dépréciation de 5%, permettant par ailleurs une hausse du cours du Brent de 5%. En référence à la cotation de juin 2020, le cours du Brent coté le 15 décembre à 50 dollars serait de 47,5 dollars à prix constants, n’ayant donc pas connu une réelle augmentation en termes de parité de pouvoir d’achat par rapport à l’euro et donc une hausse de la facture importation en euros dans les mêmes proportions.
Ainsi, le gouvernement actuel projetant pour 2023, environ 185 dinars un euro et 156 dinars pour un dollar et en prenant un écart de 50% par rapport au marché parallèle nous aurons environ 300 dinars un euro minimum en 2023 sous réserve de la maîtrise de l’inflation sinon l’écart serait plus important contre plus de 200 dinars la mi décembre 2020 avec une projection de 240/250 euros fin 2021 en cas d’ouverture des frontières et l’inévitable hausse des taux d’intérêts des banques pour éviter leurs faillites.

2- Actuellement , face au déficit budgétaire selon le PL F2021, qui serait de 21,75 milliards de dollars en 2021 au cours de 128 dinars un dollar, contre à la clôture 2020 de 18,60 milliards de dollars et un déficit global du trésor prévu de 28,26 milliards de dollars, la Banque d’Algérie procède au dérapage du dinar par rapport au dollar et à l’euro ce qui permet d’augmenter artificiellement la fiscalité hydrocarbures (reconversion des exportation hydrocarbures en dinars) et la fiscalité ordinaire (via les importations tant en dollars qu’en euros convertis en dinar dévalué), cette dernière accentuant l’inflation des produits importés (équipements, matières premières, biens finaux), montant accentué par la taxe à la douane s’appliquant à la valeur dinar, étant supportée en fin de parcours, par le consommateur comme un impôt indirect, l’entreprise ne pouvant supporter ces mesures que si elle améliore sa productivité.
La cotation du dinar est fortement corrélée aux réserves de change comme au Venezuela, économie rentière qui ont évolué ainsi : 2013 : 194,0 milliards de dollars, – 2018 : 79,88 milliards de dollars – fin 2019 : 62 milliards de dollars, – fin 2020, les prévisions de la loi de Finances complémentaire étant de 44,2 milliards de dollars contre 51,6 prévu dans la loi initiale. Le FMI prévoit 33,8 milliards de dollars fin 2020, le Trésor français 36 milliards et fin 2021, début 2022, entre 12/15 milliards de dollars. En cas de baisse drastique des réserves de change à 12/15 milliards de dollars, qui tiennent la cotation du dinar algérien à plus de 70%, la Banque d’Algérie sera contrainte de dévaluer le dinar officiel à environ 200/220 dinars un euro fin 2021 et non 2023 comme prévu par le gouvernement avec une envolée du cours sur le marché parallèle qui fluctue en fonction du taux d’inflation avec une projection début 2023 d’environ 300 dinars un euro, en cas de la non dynamisation des exportions hors hydrocarbures.

3- L’Algérie ne peut continuer à fonctionner sur la base d’un cours supérieur à 100 dollars le baril, le cours budgétaire inscrit dans les différentes lois de Finances 30 à 40 dollars étant un artifice comptable, d’autant plus que 33% des recettes de Sonatrach en 2019 proviennent du gaz dont le prix a chuté de près de 70% entre 2010/2019, le cours sur le marché libre étant le 14 décembre 2020 de 2,639 dollars le MBTU. Selon les prévisions du FMI pour les années précédentes, le prix d’équilibre du baril pour l’Algérie était estimé de 104,6 dollars en 2019, à 101,4 dollars en 2018 et à 91,4 en 2017.
Ainsi s’impose une synchronisation entre la sphère réelle et la sphère financière, la dynamique économique et la dynamique sociale au sein d’une vision stratégique qui fait cruellement défaut. Car des mesures strictement monétaires pour l’Algérie, contredisent les lois élémentaires de l’économie où toute dévaluation en principe devrait dynamiser les exportations. Or entre 1970/2020, 98% des exportations proviennent toujours des hydrocarbures en incluant les dérivés. Il s’agit de revoir toute la stratégie économique et sociale.
Il faut également éviter les utopies où face au manque de dynamisme du secteur public, les assainissements supportés par le Trésor public ayant largement dépassé 100 milliards de dollars entre 2000/2020, certains responsables évoquent la privatisation partielle sans définir clairement les moyens et les objectifs, tant pour certaines entreprises publiques que pour quelques banques par la bourse d’Alger. Étant un processus éminemment politique, toute décision sur un sujet aussi sensible et complexe doit avoir d’abord l’aval du Conseil des ministres certainement après consultation du Conseil de sécurité du fait que ce processus complexe engage l’avenir du pays à travers de nouvelles recompositions du pouvoir.

En résumé, l’illusion monétaire sans un véritable plan de relance ne peut que conduire le pays à l’impasse. Il ne faut pas vivre d’illusion. La situation économique de ce mois de décembre 2020 impose un sursaut national qui ne peut provenir que des Algériens eux-mêmes. L’Algérie, pays à fortes potentialités, acteur stratégique au niveau de la région méditerranéenne et africaine a besoin d’un renouveau de sa gouvernance et s’adapter aux nouvelles mutations mondiales, une plus grande moralité des dirigeants et la valorisation du savoir avec pour objectif la transition énergétique et numérique, loin de cette mentalité rentière destructrice. Pour dépasser l’entropie actuelle, éviter un retour au FMI début 2022, je tiens à considérer que le développement de l’Algérie, sa stabilité et la reconquête de la cohésion nationale passe par la construction d’un front intérieur solide en faveur de profondes réformes politiques, économiques, sociales et culturelles. Il s’agit là de l’unique voie que doivent emprunter les Algériens afin de transcender leurs différends, et à trouver les raisons de vivre harmonieusement ensemble et de construire, ensemble, le destin exceptionnel que nos glorieux aînés de la génération du 1er Novembre 1954 ont voulu désespérément pour eux.
Professeur des universités, Expert international, Dr Abderrahmane Mebtoul