Une occasion de perpétuer le legs des aïeux

Célébration de Yennayar

La célébration du nouvel an amazigh «Yennayer» dans les villages et dechras de la wilaya de Batna est une occasion joyeuse et festive de perpétuer le legs des aïeux et de raviver des traditions culturelles authentiques plusieurs fois millénaires.

Yennayer ou Ennayer tel que prononcé dans certaines régions, conserve en dépit du vent de modernité son authenticité et nombre de familles batniennes, notamment celles habitant les zones montagneuses, s’attachent à pérenniser ses coutumes, a assuré Mohamed Merdaci, chercheur en patrimoine amazigh, à la veille de la célébration du nouvel an amazigh 2971. Parmi les coutumes de célébration de Yennayer, transmises de mère en fille, Hadja Hedouda Khelifa du village de Nara dans la commune de Menaâ, a cité de son côté, la préparation de plats traditionnels comme Icherchem (blé dur bouilli puis mélangé à de la datte molle) ou Mekhelta (icherchem pimenté) mais aussi le changement des pierres de cuisson et la récupération des ustensiles prêtés pour les remettre à leurs places avant le nouvel an.
Les femmes particulièrement tiennent à accueillir l’année nouvelle en se parant de leurs plus beaux habits et bijoux en argent et en se faisant belles avec du henné sur les mains, du Khôl sur les yeux et du Souak (bois d’araq) pour les dents, a-t-elle relevé. Pour sa part, Mme Zerfa Oubala du village Thahebent dans la commune d’Ichemoul a fait part d’une autre importante tradition perpétuée dans la région, celle de la sortie des femmes le jour du nouvel an vers des prairies pour apporter des herbes fraîches et des rameaux verdoyants pour les placer à l’entrée des maisons. Elle a ajouté que des graines de blé sont répandues dans les champs dans l’espoir que l’année qui s’annonce soit abondante en récoltes.

La femme, gardienne de Yennayer à travers les générations
Le rôle de la femme dans la célébration du Yennayer est pertinent dans toute la région des Aurès y compris Batna, ses rituels n’ayant pas pu être perpétués d’une génération à une autre sans la détermination des mères de famille à les transmettre et à faire de cette occasion une fête attendue impatiemment par les membres de la famille. Dans la région, la célébration dure trois jours, dont chacun a ses propres rituels que les femmes veillent à accomplir, assure Mme Khadidja Berim d’Arris, notant que les hommes ont un rôle plutôt secondaire. Ainsi, le premier jour, qui coïncide avec le 12 janvier appelé Yenar Akdhim (yennayer l’ancien), est consacré au remplacement des vieux ustensiles en terre par d’autres neufs et le parachèvement du tissage de tapis, de burnous ou kachabia.
Le second jour appelé Yenar Ajdidh est réservé à la préparation du plat de yennayer Emensi yenar avec de la viande fraîche ou Akedidi (viande séchée) et sept fruits et légumes, notamment le raisin, la figue et l’abricot séchés, les noix, les grenadines et les dattes. Le troisième jour donne lieu à la tradition d’Aslith Neynar ou la mariée de yenar qui consiste, explique la grand-mère Fafa Oubata d’Inoughissène, à maquiller une petite fille, la parer de bijoux et l’habiller avec des tenues traditionnelles puis l’emmener par un groupe de femmes en visite chez des proches et voisines en signe de joie. Les hommes s’adonneront durant ce troisième jour à des jeux populaires, dont Thakouret ou le ballon. Certains rituels diffèrent d’une région à une autre dans le détail, mais demeurent essentiellement liés à la femme et à la terre symbole de la fertilité et de l’abondance. La célébration de Yennayer représente un pan du patrimoine culturel immatériel qui conserve une certaine magie et permet, comme le veut une croyance populaire, de chasser le mauvais œil et de préserver contre le malheur.
R. C.