Eviter l’illusion de la réussite du processus de privatisation, sans transparence et réformes structurelles

Face aux tensions économiques et sociales

Il ne faut pas mettre la charrette avant les bœufs et éviter des déclarations hâtives sur le processus de privatisation qui est avant tout un acte politique. Je me propose de livrer quelques remarques et propositions sur les finalités du processus de privatisation qu’il soit partiel ou total en Algérie, cette présente contribution réactualisée étant une synthèse de ma communication suite à l’invitation de M. Steve Gunderson Président et Directeur Général du Council on Foundations (Conseil des fondations de Washington) et Miss Jennifer Kennedy «GCDF Gunderson Council Foundation» qui s’est tenu du 26 au 30 mai 2008 à New York (USA) rencontre co-organisée avec la fondation Bill et Melinda Gates et sponsorisée notamment par les importantes fondations Rockefeller, Ford, MacArthur, Andrew Mellon, Carnegie et Hewlett.

La mise en gérance de l’entreprise publique est envisageable. Un contrat est passé avec la société gérante, qui pourra être étrangère, nationale ou, de préférence, mixte. Cela laisse ouvert toute une gamme de possibilités : la gérance rémunérée par l’EPE, rémunération dégressive ou non, variable ou non selon le chiffre d’affaires, à durée déterminée ou non, avec des pouvoirs de gestion plus ou moins larges, sans garantie ou avec garantie du passif par l’Etat et /ou garantie d’un chiffre d’affaires minimum par l’Etat ou par le gérant. Tout dépendra de l’état de l’entreprise et des espoirs des deux partenaires dans sa réhabilitation et sa rentabilisation plus ou moins prochaine. Si les espérances du candidat gérant sont suffisamment grandes, une gérance payante sera négociée : le contrat réglera, dans ce cas des modalités analogues à celle précités. Dans cette hypothèse, l’Etat aura la perspective d’une meilleure gestion en raison de l’engagement financier du gérant et de son intéressement direct aux résultats. Une autre technique sera la location-vente qui permettra au locataire, qui paiera un loyer déterminé, d’acquérir à terme la propriété de l’entreprise, avec un droit de préemption à l’arrivée du terme.
La technique du leasing au crédit-bail, sera plus intéressante pour le preneur à bail puisqu’il négociera d’entrer de jeu le prix de l’entreprise avant qu’il ne l’ait valorisé, qu’il aura l’option «in fine» et pourra plus facilement obtenir des crédits bancaires pour la réhabilitation et le développement de l’entreprise. Bien entendu tous ces contrats pourront être modulés selon l’objet de l’entreprise, car l’opération ne pourra être conçu de la même manière pour la reprise d’un établissement financier, d’une entreprise industrielle ou commerciale. Dans tous les cas où il s’agira d’entreprises à activités multiples, les possibilités de restructuration par cession ou vente partielle d’actifs devront être prévus, ainsi que la négociation de ces contrats à l’occasion de ces opération. Cela supposera nécessairement une clause de renégociation et une institution de type arbitral pour en connaître. IL importe pour clôturer cette partie de parler du partenariat, terme souvent imprécis et à fortes connections idéologiques.
Quant à la notion de partenariat public/privé, PPP à ne pas confondre avec le processus de privatisation nous avons trois types de partenariats : les partenariats institutionnels (création de sociétés à capitaux publics et privés telles que les sociétés d’économie mixte ou joint-ventures), les partenariats dans lesquels les entreprises privées conseillent les personnes publiques pour la valorisation de leurs biens et les contrats de Private Finance Initiative (PFI) qui sont la forme la plus répandue. Il s’agit de la différencier des délégations de service public qui sont des contrats par lesquels une personne morale de droit public confie la gestion d’un service public dont elle a la responsabilité à un délégataire public ou privé, dont la rémunération est substantiellement liée aux résultats de l’exploitation du service. Le co-contractant perçoit une rémunération mixte constituée d’une redevance fixe et d’un intéressement qui est fonction de l’amélioration de la qualité du service, du niveau des économies réalisées et du résultat financier de l’exploitation. Le cocontractant est rémunéré par un paiement de la personne publique pendant toute la durée du contrat, pouvant être liée à des objectifs de performance et intégrant l’amortissement des investissements initiaux.
Le contrat de partenariat diffère de la concession dans la mesure où le cocontractant est uniquement chargé de l’exploitation et non de la gestion des ouvrages étant fondé sur une répartition optimale des risques : le risque de trafic incombe à la personne publique, le cocontractant prenant en charge le risque de construction et de performance. Dans le cadre d’un PPP, l’Etat verse une somme au secteur privé en contrepartie de l’offre de service et de la prise en charge éventuelle de la construction et de la gestion des infrastructures. La privatisation suppose que le secteur privé soit le seul responsable d’assurer les services, alors qu’avec un PPP, l’Etat conserve son rôle de responsable envers les citoyens et reste présent dans le projet étant donné qu’il fait partie du contrat. Mais afin d’éviter les dépassements, de s’assurer que le partenaire privé livre et à exploite les actifs du projet dans les délais, cela suppose la maîtrise des coûts est souvent et une meilleure gouvernance.
Cette réduction du coût des risques constitue le principal moyen d’optimiser le rapport coûts-résultats du secteur public et, dans le cadre de PPP réussis, elle compense généralement toute augmentation de coût résultant d’un financement par emprunts privés et non par emprunts publics. En d’autres termes, le secteur public doit être en mesure de s’assurer que le prix qu’il paie au partenaire privé au titre des investissements et des risques liés au projet correspond à un bon usage de l’argent des contribuables ce qui n’est pas le cas souvent en Algérie où les surcouts surtout dans les infrastructures pouvant varier entre 10 à 30% par rapport aux standards internationaux. Cela renvoie aux dispositions légales et réglementaires qui doivent être prises pour permettre un développement harmonieux de ces opérations, dans le respect des spécificités des opérations de partenariat public-privé dans la loi sur les marchés publics.

4- La réussite de la privatisation suppose de définir clairement les objectifs
Force est de constater l’absence de vision stratégique en Algérie, inséparable d’une vision de la réforme globale.(le processus du partenariat et de la privatisation est analysé en détails dans «Mondialisation, réformes et privatisation » ouvrage A.Mebtoul Office des Publications Universitaires –Alger- 2 volumes 500 pages 1981 reproduit dans Editions Amazon Paris -2018. La privatisation ne peut intervenir avec succès que si elle s’insère dans le cadre d’une cohérence et visibilité de la politique socio- économique globale et que si elle s’accompagne d’un univers concurrentiel et un dialogue soutenu entre les partenaires sociaux. C’est un acte éminemment politique et non technique car déplaçant des segments de pouvoir d’où des résistances au changement des tenants de rente sous le slogan «bradage du patrimoine national».
(A suivre)
Professeur des universités, expert international Dr Abderrahmane Mebtoul