Kheirane, un village amazigh chargé d’histoire

Patrimoine

Repère indélébile d’un style architectural immuable, l’ancien village de Kheirane, dans la wilaya de Khenchela, fait partie des villages amazighs profondément chargés d’histoire, dans la principale attente est de se voir classé comme site culturel protégé.

Situé à 70 km au Sud de la ville de Khenchela, à hauteur de la RN 7 reliant les wilayas de Khenchela et Biskra, l’ancien village de Kheirane qui se dresse en haut d’une colline surplombant Oued El Arab, compte parmi les villages amazighs connus pour leur architecture ancestrale avec des maisons construites en pierres et en terre cuite, et dont la plupart des récits recueillis font état d’une existence remontant à plus de quatre siècles. Déserté par ses habitants il y a plus de deux décennies, l’ancien village de Kheirane est implanté au pied de la montagne à proximité de dizaines de vergers et d’oasis réputés pour leur production des meilleurs figues, olives, grenades et de diverses catégories de dattes notamment de la région Sud de Khenchela.
Des habitations en pierre témoins de la civilisation amazighe L’ancien village de Kheirane, «El Kalaâ»’ comme l’appellent les habitants de la région, se distingue par ses anciennes demeures en pierre, se dressant fièrement face aux affres du temps qui passe, inaltérables à ce jour grâce à la préservation dont elles font l’objet par la population qui tend à protéger ces constructions remontant au 17ème siècle, selon les témoignages des habitants de la région. Les travaux de restauration que les habitants de ce village amazigh entreprenaient autrefois ont également permis de conserver sa particularité architecturale et traditionnelle, qui le distingue des autres villages, a confié à l’APS l’écrivain et chercheur en culture amazighe, Mohamed Salah Ounissi. Ce natif de la région a précisé, dans ce contexte, que «les habitations du village berbère de Kheirane, composées majoritairement de deux et trois étages, allient simplicité et harmonie géométrique, favorisant le maintien d’une certaine fraicheur en été et contribuant à préserver la chaleur du foyer pendant l’hiver».
Selon M. Ounissi, «les ruelles et les allées de l’ancien village de Kheirane conservent toujours le même style architectural en pierres inhérent aux peuples amazighs d’Afrique du Nord, immarcescibles face aux dures conditions climatiques et l’érosion», déplorant toutefois, «l’effondrement du toit de dizaines de maisons au cours de ces dernières années». Et d’ajouter : «le style architectural à l’époque, précis et solide, a contribué à rendre ces habitations résistantes jusqu’à ce jour, et ce, grâce notamment au calcul du poids de la maison lors de la construction et la protection de la toiture de l’effondrement en la renforçant avec plusieurs matériaux ajoutés à la terre, la pierre et aux branches de palmiers». La même source a rappelé, en outre, que «les ancêtres amazighs construisaient les Kalaâ au pied des montagnes et des collines du Sud de la région des Aurès pour les protéger de l’invasion des ennemis en plus de surveiller leurs vergers», ce qui s’applique, dit-il, à l’ancienne Kalaâ de Kheirane, l’agriculture ayant toujours constitué la source de revenus de ses habitants et ce jusqu’à présent. Affirmant que le village de Kheirane renfermait plus de 150 maisons, avec au centre une demeure destinée à abriter le conseil du village, M. Ounissi a également fait savoir que le village préserve encore son style architectural, même si seules quatre habitations sont occupées au moment où le village doit également faire face à l’avancée tentaculaire du ciment et des briques. «Malgré les vols dont elles ont fait l’objet, certaines maisons de l’ancien Kheirane renferment aujourd’hui encore les biens de leurs anciens propriétaires, tels que les ustensiles de cuisine en terre cuite que les femmes utilisaient pour préparer divers mets culinaires et en stocker d’autres pour la saison hivernale, en plus d’une huilerie traditionnelle pour extraire l’huile d’olive, pour laquelle la commune de Kheirane est toujours aussi réputée», a-t-il relevé.
Dans l’attente d’un classement comme site culturel protégé Bien que l’ancien village amazigh de Kheirane soit considéré comme une région touristique de la wilaya de Khenchela, en raison de la préservation de son patrimoine culturel, ce lieu attend néanmoins un classement comme site culturel protégé, a souligné Noureddine, l’un des habitants de la région. «Aucune promesse faite par les responsables du secteur culturel n’a été pour l’heure concrétisée, alors qu’ils avaient assuré antérieurement qu’un dossier spécial avait été élaboré pour transformer la région en site culturel classé», a-t-il indiqué. Noureddine a lancé un appel, à cet effet, aux autorités locales, à leur tête le wali de Khenchela et le directeur de la Culture, afin d’intervenir en urgence pour protéger ce village amazigh en accordant de l’importance à son classement qui permettrait de restaurer certaines maisons endommagées. Une vive préoccupation également exprimée par Badra Goutai, présidente de la Commission de l’habitat et de l’urbanisme de l’Assemblée populaire de wilaya (APW) de Khenchela et soulevée à travers des recommandations et des propositions présentées à l’issue des travaux de la deuxième session ordinaire ce cette assemblée le 31 décembre dernier.
R.C.