Eviter quatre mythes afin de dépasser l’entropie actuelle et ne pas renouveler les erreurs du passé

Politique économique 2021/2024

Du fait de la mentalité rentière de certains responsables, nécessitant un renouveau culturel, épaulés par des experts organiques aux ordres, pour reprendre l’expression de Gramsci, pour éviter l’impasse de l’économie algérienne, l’on devra combattre quatre mythes.

Or combien de fois n’avons nous pas attiré l’attention depuis de longues années les dérives de la politique économique mais avons-nous été écouté (voir www.google.com 1980/2020) ? La remontrance du Président de la République avant son départ en Allemagne, en présence des plus hautes autorités du pays, vis-à-vis du résultat mitigé du gouvernement actuel l’atteste et préfigurant, souhaitons-le, d’importantes décisions dans un proche avenir au profit exclusif du devenir de l’Algérie.

1. Premier mythe à éviter, prévoir un développement sans bonne gouvernance ? Les scandales financiers mis en plein jour, ayant existé par le passé mais de moindres dimensions, relatés ces dernières années, montrent clairement que certains dirigeants n’étaient pas mus par les intérêts supérieurs du pays. Les dernières nouvelles en date du 10 janvier 2021, d’un ex-Premier ministre ayant présidé aux destinées du pays pendant près de 20 ans se livrait à la vente de lingots d’or sur le marché noir et au moment de tensions budgétaires, un ministre du gouvernement actuel, celui des Transports avec le PDG d’Air Algérie contactaient des marchés en devises douteux, ces dernières affaires ont amplifié une névrose collective auprès de l’immense majorité de la population confrontée à la dure réalité quotidienne, ne voyant pas le bout du tunnel du fait du manque de visibilité et de cohérence de la politique socio-économique. Or sans un retour à la confiance et la moralité des dirigeants, cette société anémique comme l’a mis en relief le grand sociologue maghrébin Ibn Khaldoun, il est illusoire de parler de développement et d’un Front intérieur poudrant indispensable en faveur des réformes qui seront douloureuses à court terme mais porteuses d’espoir à moyen terme. Certes, les réformes politises sont indispensables mais négliger l’économique conduira inévitablement au retour au FMI courant 2022 avec d’importantes incidences politiques, économiques, sociales et sécuritaires. Oui les véritables réformes structurelles économiques n’ont pas commencé, contrairement à certains discours mais soyons réalistes, on ne peut en une année après une léthargie de plusieurs décennies redresser le bateau Algérie où uniquement pour la période 2000/2019, les recettes ont devises ont dépassé les 1 000 milliards de dollars avec une sortie de devises en biens et services de plus de 935 milliards de dollars avec un taux de croissance dérisoire qui a fluctué entre 2/3% alors qu’il aurait dû être de 9/10%. Oui, la situation socioéconomique est préoccupante à l’instar de bon nombre de pays dans le monde du fait de la crise actuelle. L’annonce du ministre des Finances d’une réduction des importations de 8 milliards de dollars en 2020 ne relèvent pas d’une bonne gestion mais de la réduction drastique des importations qui ont paralysé bon nombre de secteurs. C’est comme dans un ménage où la réduction de la nourriture entraîne des maladies sur le corps social. En 2020, excepté le secteur agricole qui a connu un réel dynamisme pour certains produits agricoles, mais toujours dépendant de certains inputs et pour l’importation du blé, le taux de croissance du produit intérieur brut PIB algérien dépend fondamentalement via la dépense publique de l’évolution du cours des hydrocarbures qui détermine à la fois le taux de croissance, le taux d’emploi et les réserves de change. Pour l’Algérie, selon le FMI dans son rapport du 14 avril 2020, le produit intérieur brut réel (PIB) devrait se contracter de 5,2% durant l’année 2020, le rapport de décembre 2020 donnant un taux négatif de 6,5% et suite à cette baisse PIB réel devrait se redresser en 2021 à ¾%, taux calculé en référence à l’années 2020 (taux de croissance négatif) donnant globalement, à taux constant, un taux de croissance entre 0 et 1% termes réels, ce taux étant inférieur au taux de pression démographique. L’Algérie ne peut continuer à fonctionner sur la base d’un cours supérieur à 100 dollars le baril, où selon le FMI le cours budgétaire inscrit dans les différentes lois de Finances 30 à 40 dollars étant un artifice comptable, le prix d’équilibre était estimé de 104,6 dollars en 2019 et à plus de 110 dollars pour les lois de Finances 2020/2021. Malgré ces tensions, le gouvernement a maintenu les transferts sociaux budgétisés, comme acte de solidarité nationale quasiment inchangés par rapport à 2019, s’établissant environ 14 milliards de dollars, soit 8,4% du PIB, et plus de 21% de la totalité du budget de l’Etat. Or, la Caisse nationale des retraites (CNR), qui a connu, depuis 2014, un déficit qui ne cesse de s’accroître en passant de 1,2 milliard de dollars en 2014 à 5,2 milliards de dollars en 2019, lequel atteindrait les 5,3 milliards DA en 2020, le nombre de retraités s’élevant fin 2019 à 3,2 millions, ces transferts devant être ciblés pour les plus démunies.

2. Deuxième mythe des solutions purement monétaristes à la Friedmann, comme la solution miracle de la dévaluation du dinar pour dynamiser les exportations hors hydrocarbures. Or ces recettes sont remises en cause récemment même par le FMI et la Banque mondiale. Le cours du dinar est passé à 5 dinars un dollar vers les années 1970 à 116 dinars un dollars en 2019, plus de 132 dinars un dollar en janvier 2021, et toujours directement et indirectement les exportations 98% des entrées en devises sont représentées par les hydrocarbures et ses dérivées, montrant que le blocage est d’ordre systémique. Le déficit budgétaire qui, selon le PLF2021, serait de 21,75 milliards de dollars en 2021 au cours de 128 dinars un dollar, cotation au moment de l’élaboration de cette loi, contre à la clôture 2020 de 18,60 milliards de dollars et un déficit global du trésor prévu de 28,26 milliards de dollars. Pour faire face aux tensions financières, vision purement monétariste, source d’inflation en cas de non création de valeur ajoutée, nous assistons à une dévaluation accélérée qui ne dit pas son nom de la cotation du dinar officiel du dinar où le 10 janvier 2021, un euro s’échange à 162,7211 dinars un euro et 132, 2076 un dollar. La dépréciation simultanée du dinar par rapport au dollar et l’euro a pour but essentiel de combler artificiellement le déficit budgétaire, non articulé à un véritable plan de relance économique et donc assimilable à un impôt indirect que supporteront les consommateurs algériens. Ainsi, le gouvernement actuel projetant pour 2023 environ 185 dinars un euro et 156 dinars pour un dollar et en prenant un écart seulement de 50% à l’avenir l’écart pourrait atteindre 100% sinon plus du fait de la rigidité de l’offre, au niveau du marché parallèle, nous aurons environ 300 dinars un euro minimum en 2023 sous réserve de la maîtrise de l’inflation sinon l’écart serait plus important. Cette cotation du dinar est donc fortement corrélée au niveau de production et productivité et dans une économie rentière aux réserves de change qui ont évolué du 1er janvier 2014 à 194 milliards, les prévisions de la loi de Finances complémentaire étant de 44,2 milliards de dollars. Dans ce cadre, il s’agira d’éviter d’appliquer des schémas de pays développés comme le financement non conventionnel où les recettes keynésiennes de relance de la demande globale applicables à une économie productive structurée, alors que l’Algérie souffre de rigidités structurelles et la faiblesse de l’offre. Avec la dominance de la sphère informelle qui contrôle plus de 50% de l’activité économique, hors hydrocarbures et plus de 33% de la masse monétaire en circulation où faute de la compréhension du fonctionnement de cette sphère claire l’on croit combattre par des actions bureaucratiques, expliquant tous les échecs de cette intégration (voir le poids de la sphère informelle et ses incidences géostratégiques au Maghreb, étude du professeur Abderrahmlane Mebtoul réalisée pour l’Institut français des relations internationales IFRI-Paris décembre 2013, réactualisée dans la revue stratégie du ministère de la Défense nationale IMDEP octobre 2019).

3. Troisième mythe, des start-up et la privatisation sans le développement de la numérisation, la maîtrise des nouvelles technologies, le renouvellement des institutions autour de grands pôles régionaux, une véritable décentralisation, et la dynamisation de l’appareil productif. L’expérience des pays développés montre que la rentabilité des star-up est fonction d’institutions et d’entreprises performantes alors que le tissu économique algérien est composé selon l’ONS à plus de 80% d’entreprises familiales, de petites SARL, peu innovantes. Evitons de renouveler les expériences négatives de l’ANSEJ que selon un rapport officiel 2020, plus de 70% des projets, des jeunes promoteurs, sont en difficultés ou en faillite, ne pouvant pas rembourser les emprunts bancaires. Comme le développement des start-up nécessitent un fort débit d’internet qui fait cruellement défait et leur succès dépend de la 5G afin de maîtriser de l’intelligence artificielle, non encore mise en place. Concernant la privatisation, l’annonce des 250 milliards de dollars consacrés aux entreprises publiques durant les 25 dernières années, annoncé par le ministère délégué à la prospective le 2 janvier 2021 doit préciser durant cette période : la ventilation par entreprises, l’évolution de la création de valeur ajoutée, les effectifs, la partie investissement et la partie assainissements en dinars en devises et les solutions concrètes soit de liquidation ou de restructuration afin de faire face tant à la situation socio-économique interne qu’à l’adaptation aux nouvelles mutations mondiales. La privatisation sans réformes structurelles avec l’absence de titres de propriétés clairs, des comptabilités défectueuses, des sureffectifs (le ministre de l’Energie ayant évoqué récemment des sureffectifs même à Sonatrach), la léthargie de la bourse d’Alger où l’on a créé un stade sans spectateurs, des banques qui croulent sous le poids des créances douteuses et le déficit structurel de la majorité des entreprises publiques, processus qui ne peut intervenir avec succès que si elle s’insère dans le cadre d’une cohérence et visibilité de la politique socio-économique globale et que si elle s’accompagne d’un univers concurrentiel et un dialogue soutenu entre les partenaires sociaux.
(A suivre)
Professeur des universités, expert international Dr Abderrahmane Mebtoul