La grand-mère au centre des festivités à Tipasa

Yennayer

La grand-mère, (ou l’aînée de la famille ou de la maisonnée) est au centre des festivités de célébration du nouvel An amazigh à travers les différentes régions de Tipasa.

La nuit du 12 janvier, (qui est le premier jour de l’an du calendrier agraire), les familles de Tipasa se réunissent dans la grande maison, chez la grand-mère, personnalité centrale autour de laquelle s’articulent les traditions de Yennayer. Une soirée familiale est organisée, à cet effet, durant laquelle la grand-mère raconte des histoires et des légendes aux enfants, l’autre axe principal (enfants) des festivités de Yennayer. «C’est le secret de sauvegarde de ce patrimoine séculaire par les Amazighs de Tipasa», a estimé, à ce propos, Abdelkader Bouchlaghem, producteur de programmes en tamazight à la Radio de Tipasa. «Ce rôle joué par la grand-mère, ou la mère, depuis la nuit des temps, est perpétué, à ce jour, par les grand-mères d’aujourd’hui et la femme algérienne amazighe, après 2971 ans. Ce qui est le reflet du rôle prépondérant de la femme dans la famille amazighe d’une part, et d’autre part, de l’attachement des Amazighs à la culture du respect des «aînés» de la famille, à l’origine de la cohésion et de l’union à l’intérieur de la famille, et partant dans toute la société», a-t-il expliqué. Les festivités de Yennayer à Tipasa sont précédées par la peinture de la maison et l’acquisition de nouveaux ustensiles de cuisine, ainsi que la préparation de différents gâteaux sucrés. Les plats des «Kouirattes» et du «Berkoukes» sont préparés, à l’occasion, par la majorité des familles des régions de Tipasa. La soirée de Yennayer est en général animée par la grand-mère, acteur principal de la fête, durant laquelle un plat de sucreries et de fruits secs est versé sur la tête du benjamin de la famille, placé entre sa mère, son père, et ses frères et sœurs, pour augurer d’une nouvelle année pleine d’espoir, et de bonnes choses.

Fête aux dimensions économiques et sociales
Selon M. Bouchlaghem, qui est un spécialiste de la culture locale, la symbolique de Yennayer réside surtout dans la «connexion entre le passé et l’avenir, et l’offre perpétuelle d’une âme renouvelée à l’identité amazighe, à travers le renouvellement de l’attachement aux us et coutumes des ancêtres, qui sont légués aux nouvelles générations, ceci d’autant plus qu’il s’agit d’une date intimement liée à la nouvelle année agraire», a-t-il indiqué. «La saison agraire exige un amour sans limite de la terre en se mettant à son service», a-t-il souligné. «Célébrer Yennayer est, également, porteur d’une valeur culturelle, avec une dimension socioéconomique digne d’intérêt», a-t-il ajouté. M. Bouchlaghem a mis l’accent, à cet effet, sur le «rôle central» de la grand-mère, «symbole de la cohésion familiale et sociale et de l’attachement à l’identité», outre le fait que cette fête est considérée comme un «patrimoine immatériel pour l’unité, la fraternité et la coexistence entre les différentes régions, malgré la diversité des langages, considérant que toutes les régions de la wilaya célèbrent cette date de la même manière», a-t-il expliqué. «La célébration de Yennayer était, également, une forme de résistance, durant le colonialisme français. Les habitants de Tipasa célébraient le nouvel An amazigh pour exprimer leur refus de célèbrer les fêtes de fin d’année chrétienne, ce qui était pour eux une occasion pour affirmer leur identité, à l’occupant», a-t-il rappelé. Le même spécialiste a affirmé qu’il n’y a pas de «différences fondamentales entre les coutumes de célébration de Yennayer chez les habitants de Tipasa, en partant de Chenoua, El Beldj et Hamdania, jusqu’à Sidi Amer, Menaceur et Hadjout au sud, puis Cherchell, Sidi Ghiles, Gouraya et Damous, à l’extrême ouest, et Koléa, Bou Ismail, Fouka et Bouharoune à l’est. Pour M. A. Sid Ali, un habitant de Tipasa, originaire de Béjaïa, la célébration de Yennayer fait partie des «constantes», a-t-il dit, se rappelant avec nostalgie, les «grandes rencontres familiales dans la maison des grands-parents, à l’occasion du nouvel An amazigh. Des souvenirs inoubliables», a-t-il indiqué à l’APS, assurant avoir lui-même préservé cette tradition de Yennayer, dans laquelle sa mère joue le même rôle joué jadis par sa grand-mère. «Pour moi célébrer Yennayer est une façon de renouveler le serment à la famille, à la terre et à la patrie», a-t-il estimé, particulièrement depuis son institutionnalisation en tant que fête nationale, qui est «un acquis d’importance pour le renforcement de l’unité de l’Algérie», s’est-il félicité. Sid Ali a mis l’accent sur les aspects extérieurs de célébration de Yennayer, communs à toutes les région du pays, dont les marchés de la wilaya de Tipasa, de Koléa à l’est, à Cherchell, Gouraya et Damous à l’ouest, qui sont achalandés de douceurs et de bonbons, et dont les commerçants redoublent de génie pour présenter au mieux leurs marchandises, notamment le fameux «Deraz», un savant mélange de fruits secs de toutes sortes et de bonbons, outre les herbes nécessitées pour les «Kouirattes». Ces mêmes images festives sont quasiment les mêmes, à travers tout le pays, dont la Kabylie, région d’origine de Sid Ali, qui s’est rappelée les fameuses «Tikervavine» (plat ressemblant aux Kouirattes de Tipasa), préparées avec du poulet, de préférence un poulet fermier «Serdouk», égorgé le jour même de Yennayer pour, a-t-il dit, «éloigner les forces du mal» et «augurer d’une bonne saison agricole».
R. C.