La plus grande encyclopédie collaborative au monde

Wikipédia fête ses 20 ans

La plus grande encyclopédie libre du monde a été fondée le 15 janvier 2001. En croissance continue depuis, elle propose gratuitement aujourd’hui près de 55 millions d’articles dans plus de 300 langues différentes. Tous écrits, mis à jour et corrigés par des contributeurs anonymes et bénévoles.

Une encyclopédie géante, gratuite et accessible à tous. Derrière cette idée un peu folle, deux hommes, Jimmy Wales et Larry Sanger. Wales, un homme d’affaires américain, pense au départ le projet Wikipédia comme le complément d’une autre de ses initiatives, Nupedia. Ce premier site, disparu en 2003, voulait réunir des publications rédigées, corrigées et validées par des experts, afin de rivaliser avec les encyclopédies « classiques ». Mais le problème se pose rapidement : au bout d’un an, le projet ne compte que 24 articles validés. Le fonctionnement de Nupedia est trop complexe et trop coûteux : les experts souhaitent être rémunérés et le logiciel du site est lui-même payant. De ce constat d’échec naît Wikipédia : au cours d’un dîner, émerge l’idée d’utiliser le logiciel « mediawiki ». Créé par des étudiants, qui le nomment d’après le terme hawaïen « wikiwiki », « rapide », c’est un logiciel libre en open source, gratuit et modifiable par et pour tous. Le « format ULTIME », pour Larry Sanger.

Une extraordinaire communauté de contributeurs bénévoles
L’idée est simple et ambitieuse à la fois : permettre à tout un chacun de contribuer à la réunion des savoirs humains, en intervenant et en publiant directement sur le site web. Wales et Sanger, optimistes, parient que le nombre de contributeurs empêchera les erreurs de rester trop longtemps en ligne. Les principes fondateurs de Wikipédia sont posés : « ouvert, accessible à tous, gratuit, sans publicité et non lucratif », résume Sarah Krichen, de Wikimédia France. « Au début, c’était un tout petit projet, une utopie un peu folle, explique-t-elle. C’est quand tout le monde a pu ajouter du texte et des photos que cela a pris une grande ampleur ». L’incroyable déploiement de Wikipédia tient en effet avant tout à la communauté de contributeurs – 280 000 chaque mois – qui éditent le site. Ce sont également eux qui en sont les principaux mécènes. Wikipédia fonctionne en effet grâce aux dons, de 15 dollars en moyenne, qu’il collecte chez ses lecteurs. Son budget annuel s’élève ainsi à 120 millions de dollars, dont 85 à 90% sont issus des dons de particuliers. Une certaine preuve de son succès.

39 chapitres nationaux
Très vite après le lancement du site anglophone, en effet, l’histoire de Wikimédia s’est accélérée. Des « chapitres » nationaux se créent, sous la poussée de volontaires du web. Wikimédia France naît ainsi en mai 2001, suivi de nombreux autres. Près de 39 existent actuellement, ainsi qu’une grosse centaine de communautés plus informelles. Pour chapeauter l’ensemble, Wales et Sanger créent en 2003 la Wikimedia Foundation. Organisme non lucratif de droit américain, la fondation collecte et redistribue mes dons et gère les aspects juridiques et techniques de Wikipédia, sans influer davantage sur la vie des différents sites qui lui sont rattachés.

Des compétences diverses
« Wikipédia réunit des centaines de compétences extrêmement différentes, analyse Sarah Krichen. Il y a les contributeurs, qui écrivent les articles et prennent des photos bien sûr, mais également des administrateurs bénévoles, qui surveillent les contenus, tout comme des développeurs qui créent des outils pour améliorer les sites. » L’un d’entre eux a par exemple créé un robot traduisant automatiquement les articles en Cebuano, une langue pratiquée aux Philippines. Plus de 5 millions d’articles sont ainsi disponibles, plaçant le Cebuano en deuxième position après l’anglais sur Wikipédia. Le développement de Wikipédia se fait ainsi, librement, en fonction des propositions et des discussions qui émanent de ses milliers de contributeurs anonymes. Quitte à parfois risquer la polémique sur des sujets saugrenus.

La guerre des endives
La première controverse importante vécue par le site francophone porte ainsi en 2005 sur la dénomination de l’article abordant les endives. « Des contributeurs du Nord de la France et de la Belgique insistaient pour nommer la page ‘chicon’, du nom que porte cette variété de légume dans leur région », relate Sarah Krichen. Pendant plusieurs mois, ceux qu’on appelle les wikipédiens se déchirent sur la question. Le titre de la page est « vandalisé », des contributeurs d’un bord et de l’autre se succèdent pour le changer brutalement, des sondages sont lancés…« Cet épisode a amené à créer en 2006 la «protection partielle des pages », poursuit Sarah Krichen. En gelant provisoirement la modification d’un article faisant polémique, cet outil permet de laisser aux contributeurs le temps de trouver un accord sans basculer dans le vandalisme. De cette manière, « la page ne fait pas l’objet d’une guerre de modification et reste accessible à la lecture le temps que la controverse soit réglée », affirme-t-elle. Un outil utile, et ce d’autant plus lorsque des polémiques moins légères émergent, en lien avec l’actualité internationale. Après le crash en 2014 d’un Boeing de la Malaysia Airlines à l’est de l’Ukraine, des contributeurs s’affrontent ainsi par exemple à nouveau sur la page. Alors que l’enquête internationale affirme que l’avion aurait été abattu par erreur par une batterie antiaérienne russe, des utilisateurs modifient le texte pour accuser des soldats ukrainiens. On s’écharpe, une guerre d’édition éclate.

Des disparités de connaissances
De manière générale, Wikipédia et ses développements suivent pour beaucoup l’actualité. Sans surprise, la page la plus consultée de sa 20ème année – 2020 – fût celle portant sur l’épidémie de coronavirus. Le site a d’ailleurs noué un partenariat avec l’OMS en octobre dernier pour continuer à fournir des informations fiables sur la pandémie et parfaire sa lutte, déjà efficace, contre les fake-news. Mais son histoire n’est pas finie. « Wikipédia aspire à refléter la somme de toutes les connaissances humaines, affirme Anusha Alikhan, de la Wikimedia Foundation. Mais il existe encore de profondes disparités de connaissances, qu’il faut combler. » Les Africains et les femmes ne sont ainsi par exemple pas assez représentés sur le site. Plusieurs alternatives se développent, comme les « sans pages» qui s’est donné pour but d’augmenter le nombre de biographies de femmes sur Wikipédia, ou encore AfroCROWD, qui développe les articles portant sur l’histoire de l’Afrique et des africains. « La fondation a créé un fonds de 4,5 millions de dollars pour accroître la diversité à tous les niveaux, développe Anusha Alikhan. Pour que les outils, les programmes, et les communautés de contributeurs elles-mêmes gagnent en diversité et en représentativité. » Amis lecteurs, à vos claviers! Ce 15 janvier 2020, de 16h à 17h TU, Katherine Maher, PDG de la Wikimedia Foundation, et Jimmy Wales, son créateur, interviennent dans un live-streaming afin de présenter les diverses contributions des communautés mondiales des bénévoles de Wikipédia.
L. R.