«Mourir de Covid-19 ou de famine, quelle est la différence ?»

Sidi Bel-Abbès

Quand le citoyen a de la valeur aux yeux d’un responsable, il y a toujours un moyen qui arrange la cause publique et le droit du citoyen. Quand c’est le contraire, on opte tout simplement pour le choix le plus facile. D’un coup de plume, vous m’avez mis au chômage. Comme un moins que rien. Cela me fait mal quand j’y pense, et comment pourrais-je ne pas y penser un seul instant devant cette misère qui colle à moi comme une ombre.

L’oubli est un soulagement. Dans mon cas, l’oubli est une épreuve éprouvante. Je dois lutter pour oublier, mais la misère est un réveil de l’oubli, elles sont inséparables. Si vous êtes misérable, alors oubliez le fait d’oublier la misère. Apprenez à vivre misérable, et c’est bon pour vous. Alors, je reste en constant éveil. Un combat éternel qui me déchire et ne cesse de me déchirer, chaque jour et tous les jours. Il me permet même de voire cette affreuse souffrance sur ma famille, quand j’entends ma femme chuchoter «zut, qu’est-ce que je vais encore’ faire avec ces patates». Parce que tout simplement, on a que des pommes de terre dans notre balcon. Mon corps, je le sens parfois comme une arène. Des hurlements incessants. Les combats ne s’arrêtent jamais, seulement le temps de reprendre de nouveau. Aucun répit. Avez-vous juste une idée Monsieur le wali ? Je m’adresse à vous, parce qu’on vous a légué ce droit de décider de mon sort dans ce «job». Je ne suis pas seulement privé de travail, mais aussi du droit de me défendre, sous prétexte de vous prononcer pour une cause sanitaire publique, car même moi, je n’y peux échapper à ce malheur utile. Ma sécurité dépend aussi de votre responsabilité, mais on me privant comme des milliers de mes semblables, avec nos familles, de cette seule ressource misérable «ô combien utile» dans notre cas, n’êtes-vous pas aussi responsable de nos malheurs infinis ? Je sais comment vivent les responsables. Est-ce que vous savez comment je vis ? En tout cas, même si je ne vous souhaite pas ma vie de chien, je vous suggère juste d’y penser, même à un seul instant. En parlant de chien, c’est de chiens errants dont je parle, pas de domestiques qui vivent avec leurs maîtres, car ceux-là, sont mieux nourris. Je n’ai nulle honte de dire que je suis un être humain qui vit comme un chien. Cela pourrait étonner certains, même beaucoup, mais dois-je feindre encore de dire la vérité, pour que ces responsables qui prennent «du jour au lendemain» une décision, sachent un temps soit peut, que nous avons le droit d’espérer, de vivre, d’exister comme eux, sans crainte et pouvoir jouir de «l’oubli qui soigne et soulage». À bon entendeur.
R.R.