Peut mieux faire…

Rapport Stora

Le rapport remis mercredi par l’historien Benjamin Stora au Président Emmanuel Macron, sur «les questions mémorielles portant sur la colonisation, et la guerre d’Algérie», est déjà perçu comme un document consacré uniquement à la guerre d’Algérie. C’est comme si «les affrontements d’hier», pour reprendre l’expression du président Macron, avaient commencé le 1er novembre 1954 et non pas en juillet 1830 avec le débarquement de l’armée française en Algérie.

Dans sa lettre de mission à Benjamin Stora, citée par ce dernier en introduction à son rapport, le Président Macron fait constater qu’il n’a aucune responsabilité dans ce qu’il appelle «les affrontements d’hier» avec l’Algérie. Ainsi, les crimes commis par Bugeaud et consorts, passe à la trappe de l’histoire. Ils ne font pas partie des «affrontements d’hier» qui se sont déroulés entre «deux nationalismes», selon la vision de Benjamin Stora qui place les Algériens dont le pays est occupé et qui luttent pour le libérer au même plan que les colons qui occupent par la force un pays qui n’est pas le leur et qui cherchent par tous les moyens inhumains à s’y maintenir, avec l’aide de la puissance de feu de l’OTAN qui leur a fourni les avions et le napalm pour brûler à la fois les moudjahidine et les maquis qui leur servaient de champ de bataille. Benjamin Stora fait savoir qu’il ne s’agit pas, pour lui, de «retracer toute l’histoire de la longue conquête coloniale» mais il est forcé de reconnaître que cette conquête qui a été sanglante, comme il la décrit, «reste peu connue aujourd’hui encore dans la société française, surtout habituée aux récits sur «la mission civilisatrice de la France». Il admet qu’«un rapprochement entre la France et l’Algérie passe par «une connaissance plus grande de ce que fut l’entreprise coloniale».
Mais on a beau cherché le mot «enfumade», il n’est pas utilisé par Benjamin Stora alors que c’est un mot clé pour «une connaissance plus grande de ce que fut l’entreprise coloniale». Lui-même le sait. Enfumade est un mot créé pour désigner «une technique utilisée par le corps expéditionnaire français durant la conquête de l’Algérie, en 1844 et 1845», selon Wikipédia qui se réfère justement à Benjamin Stora. Wikipédia précise que «le terme d’«enfumades» est souvent associé à Bugeaud bien que Cavaignac ait eu antérieurement recours à cette pratique. La technique consiste à asphyxier des personnes réfugiées ou enfermées dans une grotte, en allumant devant l’entrée des feux qui consomment l’oxygène disponible et remplissent les cavités de fumée. Les populations ainsi annihilées, dont des femmes et des enfants, représenteraient des «tribus entières, soit des milliers de victimes». La conquête coloniale, qu’il reconnaît «sanglante» est décrite par l’historien français en termes de «dépossessions foncières, déplacements de populations vers des zones arides, baisse démographique et brutalisation de leur société d’origine».
Que ça ! Benjamin Stora soulève le cas des Juifs d’Algérie, «Français de cœur et d’adoption», qui «connaîtront donc le destin des Français d’Algérie et partageront leur «rapatriement», sous l’appellation identitaire nouvelle de «Pieds-noirs», mais il omet de signaler que c’est la démarche machiavélique des autorités coloniales françaises qui a transformé les Juifs algériens en Français, par la magie du décret Crémieux. Ils ont été ainsi intégrés à l’ensemble des autres instruments de la colonisation, au même titre, bien plus tard, que les harkis qui n’ont pas tous quitté l’Algérie. Seuls sont partis ceux qui s’étaient distingués par leur excès de zèle en étant plus sauvages que les militaires français. «Les souvenirs de la colonisation ont laissé des traces fort inégales dans l’histoire coloniale et l’Algérie y occupe une place centrale par la longueur du temps de la présence française, (132 ans), la forte colonisation de peuplement européen, la découverte du pétrole et du gaz, l’expérimentation des essais nucléaires au Sahara, et la cruauté d’une guerre de plus de sept ans». Il oublie les cruautés de la colonisation. Est-ce que «la multiplication des gestes politiques et symboliques», permettra de «s’éloigner d’une mémoire devenue enfermement dans un passé, où se rejouent en permanence les conflits d’autrefois ?» «Dans l’opinion publique française, il reste encore beaucoup d’ignorances et d’incompréhensions sur les relations entre l’Algérie et la France. L’indépendance de l’Algérie n’a pas été digérée, près de 60 ans après.
Lakhdar A.