«Notre sélection vit sur les acquis glanés par les joueurs dans leur formation de base et les expériences insuffisantes»

Aziz Derouaz 

Il a marqué l’histoire du handball algérien, mais aussi mondial. Non pas que par les titres qu’il a remportés avec la sélection nationale, mais aussi par son apport pour la discipline avec cette fameuse défense avancée (3-3) qu’il a développée et qui, depuis, est une référence. Aziz Derouaz, c’est de lui qu’il s’agit n’est plus à présenter…

La Nouvelle République : Aziz Derouaz, vous êtes sans conteste l’artisan de la période dorée du handball national en remportant cinq titres consécutifs de 1981 à 1989. Vous êtes resté durant votre règne invaincu en 24 matches (23 victoires et un nul devant la Tunisie 19-19 en 1981 à Tunis). Consultant de la chaîne nationale TV algérienne tout au long de ce championnat du monde de handball, vous les attendiez ces résultats des Verts ?
Aziz Derouaz : Oui, merci pour ce rappel historique de la période dorée de l’EN de handball sous ma direction. Vous avez peut-être oublié, comme beaucoup, les Jeux méditerranéens de 1983 avec une belle médaille d’argent en finale face à la Yougoslavie (champion du monde de l’époque), après avoir battu l’équipe de France 21/12, et les mêmes JM, de 1987 en Syrie après une victoire en demi-finale face à l’Espagne, et une historique médaille d’or en battant la France de Daniel Constantini en finale après prolongations. Pour les résultats de notre EN lors de ce dernier championnat du monde, oui, je m’y attendais, avec, à la fois ce qu’ils ont de positif, et ce qui a été négatif.

Au terme de cette compétition pensez-vous que l’EN a pris le temps pour se transformer ? 
En effet, je suis convaincu des moyens de notre EN et de notre handball en général, mais je sais aussi quelles sont les conséquences négatives d’une non-gestion par les différentes FAHB qui se sont succédé depuis plus de 20 ans, sans stratégies, sans objectifs, ce qui a fait toucher le fond à notre EN «garçons» avec une 6e place au championnat d’Afrique 2017 au Gabon. Quasiment les mêmes personnes, les mêmes méthodes, la même incompétence, la même irresponsabilité (y compris chez les membres de l’AG), marquent de leur empreinte la FAHB actuelle, et tout ce que les supporters exigeants ont pu trouver de négatif, en est la résultante.

Il y a cette belle victoire sur le Maroc…
Je dois quand même préciser que si on peut faire la fine bouche sur la prestation de l’équipe lors de la petite victoire face au Maroc, cela n’enlève rien au mérite des joueurs d’avoir su remporter la 2e mi-temps par 8 buts d’écart, ce qui n’est pas rien. De même, que je n’ai pas du tout la même appréciation que le commun des supporters algériens amoureux des couleurs nationales, mais ne connaissant que le football, sur les défaites de 15 buts et 13 buts d’écart face respectivement à l’Islande et au Portugal.

Ce genre d’écarts est courant en handball ?
Oui, et si une vraie régression a été enregistrée par rapport à nos performances des années 80 et 90, et même 2000, il faut imputer les insuffisances à la très faible préparation. Ainsi qu’à la non-reprise des activités sportives, contrairement aux équipes européennes après une phase générale de confinement sanitaire. J’ajouterai que les défaites de 3 buts face à la France (6 fois champion du monde), et la Suisse traditionnellement bien ancrée dans la hiérarchie européenne et mondiale, sont de très bons résultats et honorent notre handball, ce qui ne manquera pas d’avoir des conséquences positives sur les futurs programmes de rencontres amicales pour lesquels nous pourrons de nouveau être sollicités.

Au terme de cette compétition pensez-vous que l’EN a pris le temps pour se transformer ?
Non, pas du tout. Notre EN vit sur les acquis glanés par les joueurs dans leur formation de base et les expériences insuffisantes des différentes participations officielles de notre EN «A», tandis que c’est beaucoup trop limité en ce qui concerne le volume d’entraînement et de compétition consacré aux sélections de jeunes. La transformation en fait a été négative, et rien de vraiment nouveau n’a impacté la génération actuelle y compris dans ses différences d’âge, c’est-à-dire que le sang neuf injecté de temps en temps, n’est pas la résultante d’une stratégie, et donc le renforcement par une formation solide. Nous n’avons d’ailleurs plus gagné de titres en catégories de jeunes, depuis 1987/ 1988, ni même au niveau des clubs, nos représentants souvent désignés sur des bases malsaines, faisant de la figuration en compétitions africaines et même arabes.

Comment peut-on aujourd’hui décortiquer et analyser l’ensemble des paramètres qui ont fait du handball algérien, une nation qui a dominé, comme vous le disiez souvent, son continent pendant plus de 10 ans, et rivaliser avec les meilleures équipes du monde. Pourquoi hier et pas aujourd’hui ?
En fait, les raisons de la réussite de l’EN de handball sont connues, et ont toujours été mises en avant, à savoir l’apport considérable de la réforme sportive de 1977 qui a permis de donner aux joueurs un volume horaire d’entraînement bien exploité par des clubs bien structurés et bénéficiant d’un encadrement qualifié, ceci associé à une politique du ministère de la Jeunesse et des Sports en faveur de l’élite, prise en charge par une sous-direction consacrée aux équipes nationales qui dégageait directement les moyens nécessaires à la préparation des EN, et leur participation aux événements internationaux. Le handball national a également bénéficié de la réussite de choix technico-tactiques inédits et nationaux, qui ont donné 10 ans d’avance à notre EN par rapport aux rivaux du continent, et nous ont permis de rivaliser au niveau mondial. Il faut ajouter aussi, qu’au niveau des structures de développement, à savoir la Fédération et les Ligues, le désintéressement était la valeur suprême, et une réalité généralisée.

Que répondriez-vous à ceux qui disent que le handball n’est plus une priorité ?
Je répondrai simplement que malheureusement, il n’a jamais été une priorité, et ceci contre le bon sens, et le sens de la responsabilité.

Beaucoup d’Algériens aimeraient vous poser cette question : que faudrait-il faire aujourd’hui pour éviter de pareils résultats ? Et enfin, pensez-vous un jour revenir sur le terrain de la gestion du handball ?
La réponse est simple, et se trouve dans votre question précédente. Il faudrait que le handball soit érigé en priorité au sein du Mouvement sportif national (avec d’autres disciplines). Il faudrait aussi qu’au niveau de la discipline, le sens de la responsabilité touche enfin ceux qui au sein de l’assemblée générale, doivent utiliser leur moyen de sanction de la gestion du bureau fédéral et/ou des Ligues. Le changement des hommes s’impose, et cette mission s’impose d’abord aux membres de «la famille» du handball, avec un peu de conscience. Je ne sais pas si je reviendrai un jour à la gestion du handball national, car cela dépend d’abord des handballeurs eux-mêmes. En ce qui me concerne, j’ai toujours dit que j’étais disponible pour le handball algérien, et au minimum en tant que supporter acharné. Pour une éventuelle participation aux prochaines élections de la Fédération, à une fonction ou à une autre, je n’ai pas encore pris de décision, car tous les éléments ne sont pas en ma possession. J’ai récupéré mon statut «d’ancien président» de la Fédération algérienne de handball grâce à la décision du ministre Raouf Salim Bernaoui qui a annulé la décision hors la loi et scélérate signée par l’ancien ministre Mohamed Tahmi prise dans le cadre du complot dont j’ai été victime en 2013. Je suis donc membre de l’AG de la FAHB.

Il faut donc revenir au travail et rien qu’au travail…
Bien entendu en replaçant très haut le désintéressement des dirigeants, et en introduisant d’autres réformes qui respectent les exigences du sport de haut niveau, et la nécessaire professionnalisation de ceux auxquels ont demandé de ne se consacrer qu’au sport, c’est-à-dire les joueurs et leur encadrement. Bien entendu qu’un système de compétition adapté à ces exigences est indispensable, plutôt qu’un championnat qui repose sur un esprit régionaliste archaïque, dont les préoccupations peuvent être prises en charge autrement que par l’augmentation du nombre des équipes dans un championnat qui perd son caractère d’élite.

Un mot sur les prochains défis africains qui attendent nos handballeurs ?
Concernant les futurs engagements de l’EN, il y a d’abord le tournoi de qualification olympique qui se déroulera au mois de mars à Berlin en Allemagne, où 2 équipes seront qualifiées pour le JO de Tokyo. Mais les véritables rendez-vous ayant une grande importance pour l’avenir de notre handball sont les championnats d’Afrique des jeunes catégories qui auront lieu au Maroc au mois de mars, et pour lesquels pour une fois depuis très longtemps, il y a eu une certaine préparation, qui peut nous rendre optimistes, attendons de voir.
Interview réalisée par H. Hichem