Algérie, les crânes de l’oubli

Histoire

L’Association Le Grand Maghreb (ALGM) relance le mouvement en faveur du rapatriement des crânes d’Algériens tués, le 29 novembre 1849, lors de la Bataille de Zaatcha et qui sont entreposés au Musée de l’Homme à Paris

« Des valeureux soldats >>

L’Association Le Grand Maghreb est une association créée à l’initiative de Franco-Algériens, ayant vocation à rassembler les Franco-Maghrébins et fédérer les mouvements associatifs en France promeut l’entraide humanitaire. Résolument tournée vers un avenir commun en promouvant l’idée du Grand Maghreb, elle porte un regard exigeant sur l’Histoire entre l’Algérie et la France tournée vers des considérations humanitaires. L’Histoire des crânes algériens : une histoire oubliée, mise en valeur par des initiatives éparses, délaissée par la complexité des relations inter-Étatiques L’Association Le Grand Maghreb a saisi officiellement les autorités des deux Etats : rapatrier les crânes de ces valeureux soldats sur le sol de leur mère-patrie, leur octroyer une sépulture pour la paix de leurs âmes, apaiser leurs familles et descendances actuelles L’objectif de l’Association Le Grand Maghreb : bousculer les Etats par des procédures judiciaires : un combat qui ne prendra fin que par leur rapatriement et l’apaisement des âmes. Il est à craindre que les pétitions, les saisines officielles, les tribunes dans la presse ne suffisent plus. L’Association Le Grand Maghreb entend saisir la justice française pour contraindre par la voie judiciaire l’Etat français à rendre les crânes à leurs familles.

Tous, nous devons agir : pages sombres du colonialisme

Après 170 ans, les 800 Algériens tués le 29 novembre 1849 lors de la bataille de Zaatcha (au Sud de Constantine), en Algérie, sont toujours présents dans la mémoire des vivants, aujourd’hui. Les têtes de quelques résistants algériens tombés sous les balles du corps expéditionnaire français sont décapitées et envoyées en France par un médecin militaire pour y être exposées comme des trophées de guerre. C’est l’Histoire de la France sous la Monarchie de Juillet, sous la Seconde République et sous le Second Empire. C’est l’Histoire de la France en Algérie. Au XIXème, les médecins, zoologistes, scientifiques et ethnologues de la Société d’anthropologie de Paris se sont penchés sur de nombreux crânes des peuples colonisés pour mener des recherches scientifiques mais également pour répondre à une question qui les préoccupait : la race blanche est-elle supérieure aux autres ? Cédées en 1880 par des collectionneurs privés, elles font partie aujourd’hui de la collection anthropologique du Musée de l’Homme, place du Trocadéro à Paris. Affirmons-le, leur place est en Algérie.

536 crânes

Archéologue et historien algérien de renom, Ali Farid Belkadi a recensé, au cours de ses recherches lancées en mars 2011, au Musée de l’Homme, 68 crânes de combattants algériens, fusillés avant d’être décapités. En mai 2016, l’universitaire et écrivain algérien Brahim Senouci a lancé appel pour que soient restituées les «têtes des résistants algériens détenues par le Musée de l’homme». Confinés dans une armoire dans les sous-sols du Musée, ces crânes n’ont jamais été réclamés par l’Algérie. Ces restes humains sont aujourd’hui tombés dans l’oubli. Le nombre de crânes de résistants algériens qui seraient conservés au Musée de l’Homme est de 536. Ces crânes de résistants proviennent de toutes les régions d’Algérie dont Khenchela, Oran, Batna, Skikda, El-Kala et Alger. Nombreux écueils La procédure de restitution est complexe qui oblige à une demande d’Etat à Etat. Elle suppose une demande officielle de la part de l’Etat algérien, et en cas d’avis favorable de l’Etat français, une loi spéciale votée par le Parlement français. Cette procédure revêt en réalité de nombreux écueils des deux côtés de la Méditerranée. Du côté français, cette question sensible porte les enjeux de l’inéluctable mais tant repoussée de reconnaissance de crimes contre l’humanité, de l’indemnisation des victimes et de la dimension humanitaire, la place des historiens, les tenants d’une Histoire partisane… Du côté algérien, cette restitution obligerait nécessairement à relativiser la lecture officielle de l’Histoire, simplifiée, qui cache en réalité une complexité des conquêtes de l’indépendance, et la construction du mythe de l’Etat Algérien…

Saisine officielle

ALGM a saisi officiellement la Présidence algérienne pour attirer son attention sur la nécessité de formuler officiellement une demande auprès de l’Etat français. Plus encore, ALGM a saisi officiellement l’Elysée mais aussi et plus précisément Thomas Velter, chef de Cabinet du ministre de la Culture, département ministériel particulièrement en charge de ce dossier. Les considérations faisant obstacles à ce rapatriement sont nombreuses. Elles expliquent l’état actuel des crânes, relégués dans les archives du Musée de l’Homme. Le respect des morts et une sépulture digne répondant aux canons de la religion sont un impératif absolu. C’est un devoir moral. Il est temps d’agir : l’Histoire nous regarde, les soldats algériens le réclament pour la paix de leurs âmes.

Abdelmajid Guessoum Secrétaire général