La bureaucratie et la corruption

Combattre le cancer de la rente

La corruption, ce cancer social, produit de la rente, contribue du fait du préjudice moral, à démobiliser la société par une méfiance généralisée. Car avec la corruption combinée à la détérioration du climat des affaires, selon la majorité des rapports internationaux, il est utopique de parler d’une véritable relance économique.

Pour l’Algérie, cela suppose à l’avenir une révision du droit des affaires du plan comptable national intégrant la comptabilité des sociétés et par conséquent l’élargissement de la mission d’audit à travers des équipes pluridisciplinaires complexes où travaillent l’économiste, le gestionnaire, le sociologue, le juriste le technologue par spécialité et le comptable.  Sixièmement, les mécanismes de contrôle en économie de marché doivent définir clairement le droit de propriété et la nature du rôle de l’Etat pour favoriser le contrôle. Qui est propriétaire ? Car pour pouvoir sanctionner une entité, il faut qu’elle ait été responsable. Peut- on sanctionner un directeur général qui a subi une injonction externe? Un directeur général d’entreprise publique est-il propriétaire dans le sens économique large – véritable pouvoir de décision – de son entreprise ? Qui est propriétaire de l’ensemble de ces unités économiques et de certains segments des services collectifs se livrant à des opérations marchandes ? C’est toute la problématique du passage de l’Etat propriétaire gestionnaire à l’Etat régulateur ou stratège que n’ont résolu jusqu’à présent à travers les différentes organisations de 1965 à 2020, grandes sociétés nationales 1965/1979 – leurs restructurations de 1980/1987, puis les fonds de participations vers les années 1990, puis holdings 1995/199, puis entre 2000/2018, les sociétés de participation de l’Etat SGP et récemment 2019/2020 au retour à la tutelle ministérielle. Pour comprendre cette situation et trouver les moyens de son dépassement, il y a lieu de poser fondamentalement la nature du Pouvoir qui peut être synthétisé sous formes de cercles interdépendants ou à l’aide de modèles matriciels avec des pondérations suivant les rapports de force du moment mais évolutifs. Ainsi les politologues distinguent sept cercles de décision.

Le premier cercle est celui par lequel transitent toutes les décisions sans exception, Président de la République et son staff et toutes les institutions qui lui sont rattachées dont la Défense, le ministère des Affaires étrangères, des institutions comme le conseil de sécurité, le second cercle le chef du gouvernement ou le Premier ministre avec son staff ; le troisième cercle les ministères de souveraineté et de l’Economie, le ministre de l’Intérieur, de la Justice, des Finances, de l’Energie, de l’Investissement ; le quatrième cercle est l’ensemble des organisations politiques (émanation du Parlement) juridictionnel (Conseil constitutionnel, Conseil d’Etat, Cour des comptes, Conseil économique et social, Conseil de la concurrence, Conseil national de l’énergie, en plus les conseils culturels et religieux) ; le cinquième cercle est composé des administrations sectorielles centrales et locales ; le sixième cercle de la décision est celui des syndicalistes, organisations professionnelles ou patronales, associations, entreprises publiques et privées. Il existe un septième cercle pouvant être représenté par l’Extérieur du fait des accords internationaux de l’Algérie notamment avec le FMI, la Banque mondiale et d’autres institutions internationales (UE – OMC). Il va sans dire que cette organisation reflète l’avancée du processus de démocratisation – intimement liée à un meilleur contrôle – implique de mieux définir à l’avenir les textes d’application tenant compte des liens entre la démocratie politique économique et sociale, et surtout de leurs mises en œuvre sur le terrain. C’est que la crise mondiale actuelle a bien montré l’urgence de l’intervention des Etats du fait que les mécanismes de marché seuls ne garantissent pas la transparence et le développement. Du fait que toute société est caractérisée par les imperfections des marchés – hypothèse de marchés totalement concurrentiels étant la tendance idéale, l’intervention de l’Etat régulateur s’avère stratégique afin de concilier les coût sociaux et les coûts privés, mettre à la disposition des opérateurs préoccupés par leur gestion quotidienne, de l’information afin de minimiser les risques, donc les coûts de transaction, au moyen d’observatoires au niveau macro-économique, parallèlement à une politique monétaire, fiscale, douanière, claire, permettant des prévisions sur le moyen et le long terme.
Si l’on excepte la mauvaise gestion de certaines entreprises publiques qui accaparent une partie importante du financement public, il ne faut jamais oublier l’administration et les services collectifs dont les infrastructures qui également accaparent la mauvaise gestion des services collectifs. Ainsi, malgré une dépense publique colossale entre 2000/2020, le taux de croissance a été dérisoire, moyenne de 2/3%, accentuant le chômage avec la pression démographique (population au 1er janvier 2020 de plus de 44 millions d’habitants) alors qu’il aurait dû dépasser 10% : mauvaise gestion ou corruption alors que l’objectif est la création de 350 000/400 000 emplois par an qui s’ajoute au taux de chômage actuel nécessitant pendant plusieurs années, un taux de croissance 8/9% par an. D’où l’urgence de la rationalisation de la dépense publique, les services collectifs devant être gérés selon des normes fiables étant souhaitable dans ce cadre de l’adoption de l’obligation de la loi de règlements budgétaires pour permettre à l’APN de contrôler l’affectation et l’efficacité des deniers. A ce titre, il convient de se poser la question de l’efficacité des transferts sociaux souvent mal gérés et mal ciblés qui ne s’adressent pas toujours aux plus démunis. Il semble bien qu’à travers toutes les lois de Finances, l’on ne cerne pas clairement les liens entre les perspectives futures de l’économie algérienne et les mécanismes de redistribution devant assurer la cohésion sociale, donnant l’impression d’une redistribution passive de la rente des hydrocarbures sans vision stratégique, bien qu’existent certaines dispositions encourageant l’entreprise. Dans ce cadre, de la faiblesse de la vision stratégique globale, le système algérien tant salarial que celui de la protection sociale est diffus, et la situation actuelle, plus personne ne sait qui paye et qui reçoit, ne connaissant ni le circuit des redistributions entre classes d’âge, entre générations et encore moins bien les redistributions entre niveaux de revenus ou de patrimoine.
S’est-on interrogé une seule fois par des calculs précis sur le prix de revient des services de la présidence, du chef du gouvernement, des différents ministères et des wilayas et APC, de nos ambassades (car que font nos ambassades pour favoriser la mise en œuvre d’affaires profitables aux pays), du coût des différents séminaires, et réceptions et commissions par rapport aux services rendus à la population algérienne ? Ces dépenses constituent un transfert de valeur que paye la population qui est en droit, en démocratie, de demander l’opportunité et la qualité du service rendu, mais que voile le transfert de rente en Algérie qui est la propriété de tout le peuple algérien. Or ces segments sont importants en tant qu’éléments devant favoriser la création de surplus, la fonction étatique devant s’inspirer des normes économiques spécifiques (dont on ne peut leur appliquer les principes de productivité des entreprises contrairement à la déclaration de certains politiques) et non se limiter aux actes administratifs bureaucratiques sclérosants. En résumé, comme l’a mis en relief l’économiste de renommée mondiale, feu John Maynard Keynes, il vaut mieux que l’homme exerce son despotisme sur son compte en banque personnel que sur ses concitoyens. Comme je le rappelais dans une interview donnée au grand quotidien financier, Les Echos – Paris le 7 août 2008, «Le terrorisme bureaucratique et la corruption sont les obstacles principaux au frein à l’investissement porteur en Algérie» (voir www.google.com 2008). La lutte contre la mauvaise gestion et la corruption renvoie à la question de bonne gouvernance, de la rationalisation de l’Etat dans ses choix en tant qu’identité de la représentation collective. Cela n’est pas une question de lois vision bureaucratique et d’une culture dépassée, l’expérience en Algérie montre clairement que les pratiques sociales, quotidiennement, contredisent le juridisme

(Suite et fin) A. M.