Le Jardin d’Essai d’El-Hamma en plein dans sa vocation

Conservation de la biodiversité

Une surprise de taille attendait les visiteurs du Jardin d’Essais d’El-Hamma (Alger), après sa réouverture le mercredi 3 février 2021 : le zoo venait juste d’enregistrer, moins de deux mois avant, en décembre, la naissance, exceptionnelle, d’un bébé lama mâle, après celles, très rares aussi, de trois lionceaux (deux mâles et une femelle).

C’est la preuve que le Jardin d’Essai a fini par retrouver sa fonction, au service de la nature, qui a motivé sa création en 1832, quand l’Algérie était une colonie française. De nombreux écrits ont été consacrés à cet espace situé dans le tissu urbain de la capitale, une brousse formée d’une variété d’arbres venus du monde entier, presqu’en bord de mer. Ses événements marquants (comme le tournage d’une séquence du film «Tarzan, l’homme singe», réalisé en 1932), ont également été relatés à plusieurs reprises. C’est son jardin botanique composé d’une impressionnante collection végétale qui le distingue et fait son attrait. Dans une contribution (datée du 8 février 2002) sur «le séjour de Karl Marx à Alger, du 20 février au 2 mai 1882», l’économiste Mohamed Lakhdar Benhassine a cité le commentaire de Marx, émerveillé par ce qu’il a vu au Jardin d’Essai. Il écrivait à Friedrich Engels: «Pour observer tout en détail, il faudrait au moins un jour entier et le faire en outre avec un connaisseur».
Après l’indépendance et jusqu’aux années 1970, le Jardin d’Essai, qui avait le statut d’établissement public, a pu être préservé. En décembre 1967, il a été classé comme monument naturel par la législation algérienne. Mais dans les années 1980, il n’a pas échappé aux ravages provoqués par le libéralisme économique qui s’est substitué à l’option socialiste. Durant une longue période, le Jardin d’Essai a été livré aux appétits des affairistes qui ont mis la main sur des terrains à l’intérieur du Jardin, qu’ils ont aménagés selon leurs mauvais goûts. Des arbres centenaires ont été sciés pour laisser place à la construction de minables kiosques de commerce ; les statuettes ont été malmenées, le lac transformé en mare, la fontaine s’est retrouvée sans eau. Que pouvaient faire les seuls quatorze agents qui étaient affectés à la surveillance des 32 ha du Jardin d’Essai? Surgi, au début des années 1990, à la faveur du virage libéral, l’obscurantisme s’est attaqué, à son tour, au Jardin d’Essai en «expulsant» La Baigneuse, une statue qui était étendue au milieu du lac et qui a dû être rangée dans une étable pour l’enlever du regard des visiteurs.
Elle fut ensuite volée et vendue, puis retrouvée après de longues années et restituée au Jardin, à l’issue de péripéties dignes d’un bon roman policier. Vers le milieu des années 1990, en pleine décennie du terrorisme, une tentative de redonner vie au Jardin a attiré les visiteurs qui s’y sont rendus pour admirer les expositions sur l’horticulture ornementale et voir, dans le zoo, le lion et l’ours que l’on disait «les plus vieux du monde». Puis, à nouveau, la désolation a frappé ce lieu censé être un joyau vert: dégradation de locaux déviés de leurs activités et squattés par des «indus occupants», pas d’entretien, saleté, commerce informel,… Il a fallu cinq années de travaux pour réhabiliter le Jardin d’Essai et l’ouvrir au public en mai 2009. Sécurisé et bien entretenu, il est revenu à sa vocation scientifique tout en restant un lieu très fréquenté (en moyenne un million de visiteurs par an), notamment grâce à la station de métro près de la porte d’entrée.
En 2020, les mesures de prévention contre la pandémie de la Covid19 ont contraint le Jardin d’Essai à fermer ses grilles au public. Depuis le 3 février 2021, de nouvelles dispositions de prévention autorisent sa réouverture, à condition d’appliquer le protocole sanitaire: prise de température des visiteurs à l’entrée, contrôle du port de bavette, respect de la distanciation physique, programme de désinfection. Pour le reste, il y a le Règlement intérieur qui concerne notamment la circulation et le comportement dans le Jardin et, évidemment, la sortie par les visiteurs de plantes, fleurs, graines, boutures et d’animaux. La mission confiée aux gestionnaires du Jardin a un rapport étroit avec la conservation de la biodiversité. La Direction générale des forêts, première concernée, compte actualiser le cadre juridique et réglementaire qui régit la gestion de la biodiversité en Algérie, en particulier les dispositions relatives aux délits et aux infractions qui sont obsolètes.
M’hamed Rebah