Face à la crise socio–économique avec des partis politiques déficients et à une société civile atomisée incapable de servir d’intermédiations sociales

Les défis de l’Algérie

Le président de la République est de retour et d’importants dossiers brûlants tant politiques, sociaux qu’économiques l’attendent, étant conscient que la situation socio-économique est préoccupante.

Privilégier le volet politique au détriment de l’Economique en cas de retour au FMI courant 2022, remettra forcément en cause les réformes politiques que l’on veut t engager avec des conditionnalités draconiennes sur le plan social, économique voire sécuritaire et géostratégiques. D’où l’importance tout en n’oubliant pas le volet politique de privilégier le redressement économique, garant de la sécurité nationale.

1- Une situation socio- économique
Elle est préoccupante, selon l’avis de la majorité des experts nationaux et internationaux, résultante tant des politiques passées 2000/2019 que de l’incohérence de la politique économique actuelle qui rend urgent sa révision, loin des promesses utopiques et démagogiques source de névrose collective. En effet, nous avons assisté à, la non proportionnalité entre la dépense publique et le faible impact, le taux de croissance moyen malgré une recette en devises ayant dépassé les 1000 milliards de dollars entre 2000/2019 et une importation de biens et services en devises ayant dépassé les 935 milliards de dollars (le solde étant les réserves de change au 31/12/2019) sans compter les dépenses internes en dinars en moyenne 2/3% alors qu’il aurait dû dépasser les 8/10% :mauvaise gestion ou corruption ou les deux à la fois. Pourtant, l’Algérie possède encore quelques marges, sous réserve de la luter contre la corruption et la mauvaise gestion ainsi que des choix astucieux de projets à valeur ajoutée nécessitant leur maturation, du fait que le stock de la dette extérieure est passé de 21,1 milliards de dollars (33,1% du PIB) en 1986 à 29,5 milliards de dollars (70% du PIB) en 1994 et 17,9 milliards (17,4% du PIB) en 2005 et à 5,7 milliards (2,3% du PIB) en 2019 et que le service de la dette était de 9 milliards de dollars (82% du PIB) en 1994 à 5,5 milliards (16,7% du PIB) en 2005 et 0,2 milliards (2,1% du PIB) en 2019 – c’est que l’Algérie en ce mois de février 2021 est toujours dépendante à 98% des recettes d’hydrocarbures avec les dérivées dont plus de 33% proviennent du gaz naturel dont le cours a chuté en 8 ans de plus de 70%.
Selon le rapport du Ministère de l’Energie le chiffre d’affaires de Sonatrach non inclus les dérivées, à ne pas confondre avec le profit net, devant retirer les couts et la part des associés, a été fin 2020 de 20 milliards de dollars), et 22 milliards de dollars avec les dérivées avec une forte baisse en volume physique, (moins 11%). Les revenus de l’Etat, ont été au cours de 128 dinars un dollar de 14,5 milliards de dollars de fiscalité pétrolière versé au Trésor public durant l’année 2020, en baisse de 31% par rapport au montant de 2019. Cela des incidences ur els réserves de change qui étaient en 2013 de 194,0 milliards de dollars, -2018 : 79,88 milliards de dollars, 2019 : 62 milliards de dollars, et les prévisions de la loi de finances complémentaire 2020 de 44,2 milliards de dollars ont permis 19,2 mois d’importation en 2017, 15,5 mois en 2018, 13,6 en 2020, des prévisions de 5,7 mois d’importation en 2021 et 3 mois d’importation en 2022. L’Algérie, selon le FMI , le prix d’équilibre budgétaire était estimé de 104,6 dollars en 2019 et à plus de 110 dollars pour les lois de finances 2020/2021.
Il s’ensuit que selon le PLF2021 nous aurons un déficit budgétaire record de plus de 21,75 milliards de dollars contre à la clôture 2020 de 18,60 milliards de dollars avec un déficit global du trésor de 28,26 milliards de dollars, soit 17,6% du PIB. Le taux de croissance du produit intérieur brut (PIB) à prix courants, a été en 2015, de 3,7%– 2018, 1,4 %- 2019, 0,8%, en 2020 moins 6,5%, donc une croissance inférieure à la pression démographique et selon la banque mondiale dans son rapport du 21 janvier, pour 2021, +3,8% et 2,1% en 2022. Il s’ensuit face à cette décroissance le taux de chômage tend à augmenter, étant de plus de 15% de la populations active en 2020, incluant les emplois temporaires, certains travaux improductifs faire et refaire les trottoirs et la sphère informelle qui représente plus de 50de la superficie économique hors hydrocarbures.
Par ailleurs, comme plus de 85% des entrants des entreprises privées et publiques proviennent de l’extérieur ainsi qu’une grande partie de la consommation des ménages, la dévaluation du dinar induit un processus inflationniste qui se répercute également sur le pouvoir d’achat. Ainsi, malgré les subventions de certains produits, la majorité des produits connaissent une hausse vertigineuse ayant un impact sur le pouvoir d’achat des Algériens. Le FMI estime que l’inflation est de 3,5% en 2020, mais devant relativiser ce chiffre l’indice dont la composition du panier n’a pas été actualisé depuis 2011 , donc sous estimant le taux d’inflation. Or, le besoin est historiquement daté, évoluant avec les nouveaux comportements de consommation des ménages, fonction de la stratification du revenu national. Face à la détérioration sociale amplifiée par l’épidémie du coronavirus, il est prévu des transferts sociaux budgétisés s’établissant à 14,04 milliards de dollars au cours de 128 dinars un dollar au moment de l’établissement de la loi de finances, soit 8,4% du PIB. Mais cela est intenable dans le temps devant aller vers une politique ciblée.

2- Restructuration du système partisan et de la société, civile pour une intermédiation efficace avec la société
L’Algérie a besoin d’un système partisan et d’une société civile, connectés à la société Les partis politiques traditionnels et la société civile appendice du pouvoir, vivant par la rente, sont souvent incapables de servir d’intermédiation politique et sociale, car non crédibles aux yeux de la population où en cas de malaise les forces de sécurité se retrouvent seules en face des citoyens. En raison des crises internes qui les secouent périodiquement, du discrédit qui frappe la majorité d’entre elles, de la défiance nourrie à leur égard et à l’endroit du militantisme partisan, les formations politiques actuelles ont une faible capacité aujourd’hui de faire un travail de mobilisation et d’encadrement efficient, de contribuer significativement à la socialisation politique et donc d’apporter une contribution efficace à l’œuvre de redressement national.. Quant à la société civile force est de constater qu’elle est éclatée y compris certaines confréries religieuses qui avec la désintégration sociale et une jeunesse parabolée ont de moins en moins d’impacts contrairement à une vision du passé. Comme pour les partis, la majorité se manifeste que sur instrumentalisation, vivant du transfert de la rente et non sur la base des cotisations de leurs adhérents.
C’est que la confusion qui prévaut actuellement dans le mouvement associatif national rend malaisée l’élaboration d’une stratégie visant à sa prise en charge et à sa mobilisation. Sa diversité, les courants politico-idéologiques qui la traverse et sa relation complexe à la société et à l’Etat ajoutent à cette confusion. Constituée dans la foulée des luttes politiques qui ont dominé les premières années de l’ouverture démocratique, elle reflétera les grandes fractures survenues dans le système politique national. Ainsi la verra-t-on rapidement se scinder en quatre sociétés civiles fondamentalement différentes, trois au niveau de la sphère réelle et une dominante dans la sphère informelle. Le plus gros segment, interlocuteur privilégié et souvent l’unique des pouvoir publics sont des sociétés civiles appendice du pouvoir se trouvant à la périphérie des partis du pouvoir où les responsables sont parfois députés, sénateurs, vivant en grande partie du transfert de la rente. Nous avons une société civile ancrée franchement dans la mouvance islamiste, certains segments étant l’appendice de partis islamiques légaux. Nous avons une société civile se réclamant de la mouvance démocratique, faiblement structurée, en dépit du nombre relativement important des associations qui la composent, et minée par des contradictions en rapport, entre autres, avec la question du leadership. Et enfin nous avons une société civile informelle, inorganisée, qui s’est retrouvée au niveau d’Al Hirak, atomisée qui est de loin la plus active et la plus importante, formant un maillage dense, tous les acteurs voulant un changement, mais du fait de tendances idéologiques contradictoires incapables de s’entendre sur un programme de gouvernement cohérent.
L’intégration intelligente de la sphère informelle, non par des mesures bureaucratiques autoritaires, mais par l’implication de la société elle-même, est indispensable pour sa dynamisation. Car lorsqu’un Etat veut imposer ses propres règles déconnectées des pratiques sociales, la société enfante ses propres règles qui lui permettent de fonctionner d’où l’importance d’un renouveau culturel de certains dirigeants car l’Algérie est un grand pays qui a toutes les potentialités de relever les nombreux défis, traversant avant tout une crise de gouvernance ayant besoin de définir clairement les objectifs stratégiques impliquant la restructuration du système partisan et de la société civile. Car un pays qui veut se développer doit préparer les choix qui permettent d’en saisir les conséquences qui doivent indiquer: comment se pose le problème : quelles sont les contraintes externes (engagements internationaux de l’Algérie): – quelles sont les contraintes socio-économiques, financières et techniques internes; – quels sont les choix techniquement possibles et les ensembles de choix cohérents et quelles sont les conséquences probables de ces choix, – quelles méthodes de travail choisir qui permettent de déterminer les paramètres (moyen et long termes) et les variables (court terme) dont dépend un système complexe. Après avoir décomposé la difficulté en éléments simples, il convient de se poser des questions et apporter des réponses opérationnelles, loin des théories abstraites, réalisations physiques et plan de financement sur chacun des éléments: – Quoi?- Qui ?- Où ? – Quand ?– Comment?– Combien ? Pourquoi? Comment faire?.
Pour dépasser l’entropie actuelle , existant un lien dialectique entre le ¨Politique et l’Economique, s’impose de nouvelles forces politiques, sociales et économiques réformatrices car tout projet de société étant porté forcément par ces forces , les réformes étant fonction des rapports de force au niveau de la société et non au sein de laboratoires de bureaucrates. En conclusion, l’Algérie sera ce que les algériennes et algériens voudront qu’elle soit. Les responsables algériens s’adapteront –ils à ce nouveau monde dynamique en perpétuel mouvement, n’existant pas de modèle statique, ou vivront t-ils toujours sur des schémas dépassés des années 1970 /2000 conduisant le pays à l’impasse? Pour réussir les réformes, l’Algérie, acteur stratégique de la stabilité de la région méditerranéenne et africaine, a besoin de nouvelles intermédiations politiques, sociales, culturelles et économiques, loin des aléas de la rente, afin d ‘éviter un affrontement direct forces de sécurité citoyens en cas de malaise social.
Pour cela que soit posé un regard critique et juste sur sa situation, sur ce qui a déjà été accompli de 1963 à 2020, et de ce qu’il s’agit d’accomplir entre 2021/2030 au profit exclusif d’une patrie qui a besoin de se retrouver et de réunir tous ses enfants autour d’une même ambition et d’une même espérance, la sécurité nationale et le développement économique et social du pays. Pour terminer méditons ces réflexions pleines de sagesse et de tolérance pour des idées productives contradictoires : de John Maynard Keynes, pour qui «il vaut mieux que l’homme exerce son despotisme sur son compte en banque personnel que sur celui de ses concitoyen, de Voltaire, Monsieur je ne suis pas d’accord avec ce que vous dites, mais je me battrais de toutes mes forces, afin que vous puissiez toujours le dire, du grand philosophe Aristote, le doute est le commencement de la sagesse, de ce proverbe amazonien, quand on rêve seul, ce n’est qu’un rêve mais quand on rêve tous ensemble, c’est déjà le commencement de la réalité.
Professeur des universités, expert international Dr Abderrahmane Mebtoul