L’autosuffisance alimentaire en péril

Agriculture

Ces dernières années, été comme hiver, en des circonstances saisonnières ou festivalières, le temps est à l’abondance des fruits et légumes sur les étalages. Ils sont disponibles à la portée de tous. Il reste que ce soit au plan régional ou national, on est loin de cet espace qui, il y a une trentaine d’années nous permettait de parler de la volatilité des prix toujours vers la baisse.

C’est-à-dire, le temps de la remise aux éleveurs et agriculteurs par le Gouvernement des charrues, de l’engrais du bétail et des semences à nos parents. L’époque de l’Onapsa et autres offices agricoles de service public. Là où l’on achetait les produits alimentaires aux familles paysannes à des prix connus d’avance. C’était l’époque où dans les collèges on enseignait les techniques de distribution et de production pour les marchés. On n’exportait pas certes, mais on parlait d’autosuffisance alimentaire y compris celle du lait et de la viande. Puis, l’on a entamé la descente aux enfers avec, dans le discours des hommes politiques, un terme «détérioration des termes de l’échange et du pouvoir d’achat», une véritable complainte à l’époque, mais qui n’a eu d’écho nulle part. De quoi s’agissait-il ? En vérité, les prix des produits agricoles s’effondraient sur le marché. National au rythme de l’effondrement de notre économie avec celui de la baisse constante de la production agricole dans toutes les filières. Sous toutes ses formes, la pêche ne valait pas mieux. Les recettes du gaz et du pétrole ont pu faire éviter au pays le recours à la Banque mondiale et le fonds monétaire international. C’était le temps où l’inefficacité de la gestion des institutions de l’Etat était démontrée et qu’il fallait donner plus de place à l’investissement privé. En même temps, la République était contrainte de s’endetter davantage pour rétablir les équilibres macro-économiques.
Il était dit qu’il fallait suspendre tout soutien à l’agriculture paysanne qualifiée de non-performante. Une véritable campagne de démolition contre cette agriculture a alors été engagée contre les agriculteurs, pêcheurs et éleveurs. Privilégiant une plus grande production des hydrocarbures. Avec les recettes encaissées, l’on a ciblé l’acquisition sur des places européennes et auprès de fournisseurs européens attitrés de produits agricoles et alimentaires à des prix devenus subitement volatiles sur le marché algérien. Particulièrement durant les années 1990 au préjudice des familles algériennes surendettées. Celles-ci étaient mises dans l’incapacité de payer leurs factures  Après le supplice auquel sera soumis le peuple algérien durant «la décennie noire». Celle-là même où gérées par une bande d’aigrefins (issaba) en costume et cravate, les caisses de l’Etat étaient mises à sac au moment même où cette bande appelait le peuple à devenir compétitif selon les critères des institutions financières internationales. La mise à sac impliquait aussi les tarifs douaniers qui ont été démantelés avec des marchés libéralisés et des produits alimentaires venus d’ailleurs déversés à bas prix sur le marché national. Ce qui a rendu encore plus vulnérables les prix. Les impacts négatifs n’ont pas tardé avec le changement des habitudes alimentaires dans les villes et campagnes et que les productions céréalières baissèrent au point de ne plus pouvoir se vendre.

Ce phénomène a été aggravé par les actes terroristes interdisant tout travail des champs ou prise de décision à même de permettre d’appliquer une quelconque solution pour sortir de cette situation de vulnérabilité. C’est dans un tel contexte que l’on demande à l’agriculture familiale d’être performante. C’est dans ce contexte que l’on demande aujourd’hui aux agriculteurs d’être compétitifs.
Aujourd’hui, on doit subir de nouveaux enjeux venus du ciel tels que le  changement climatique, la spéculation financière, les marchés internationaux imprévisibles, l’instabilité politique, économique et sociale des partenaires de différents pays… Un haut panel d’experts devrait être mandaté pour l’élaboration d’une étude sur l’efficacité de qui est mobilisé au nom des pauvres «Vous serez étonnés des résultats d’une telle étude. Ou peut-être pas du tout, parce que depuis le temps qu’on mobilise tous ces millions en notre nom, nous serions tous riches déjà. Malgré tout cela, sans aides d’aucune forme, sans aucune protection et avec tous les puissants du monde contre elle, l’agriculture paysanne n’a pas disparu».
Pour nos interlocuteurs, il a fallu la crise que nous vivons actuellement pour que les gouvernements prennent conscience de la nécessité de la sécurité alimentaire sur base de la production alimentaire au niveau de chaque pays. Cependant les solutions durables se font attendre», a indiqué un cadre agricole proche du ministère algérien de l’Agriculture. Un autre a tenu à souligner que les gouvernements n’ont pas le droit de décider de la compétitivité d’un peuple pour lui permettre de manger. «Il faut arrêter ces politiques qui viennent déstabiliser l’agriculture paysanne en péril. Quand il y a surproduction, nous subissons le dumping. Quand il y a pénurie, c’est celle des restrictions des exportations pour l’alimentation qu’on nous a dit de ne plus produire. Il faut que nos gouvernements aient l’ambition de faire application des politiques qui nous permettent de sortir de la pauvreté et de la misère, qu’ils protègent nos agricultures paysannes des marchés volatiles et nous soutiennent pour qu’on puisse investir pour nourrir les populations « a jouté un autre pour conclure.
A. Djabali