L’inflation va-t-elle s’installer durablement en 2021 ?

Focus sur l’actualité économique

A l’approche du mois sacré de Ramadhan, il est de coutume chez nous de parler consommation et pouvoir d’achat, dès l’entame du mois hégirien de Radjab, suivi de Chaâbane, mois bénis dans la tradition musulmane et annonciateurs de la venue du mois de Ramadhan, censé être, dans la Sunna séculaire, un mois de piété et de recueillement pour les musulmans soumis au respect du jeûne.

Dans les faits, et les mœurs modernes aidant, c’est devenu un mois de consommation de masse, surveillé de près par les pouvoirs publics qui n’hésitent pas à mettre le «paquet» au sens propre et figuré du terme, pour éviter tout débordement social en matière de satisfaction des besoins de consommation de la population, plus exigeante en ce mois particulier. Cette année 2021 ou 1442 du calendrier hégirien semble se placer sous le signe du questionnement des capacités des pouvoirs publics à répondre correctement à la demande sociale, comme ils avaient l’habitude de le faire, en actionnant toutes sortes de circuits de solidarité citoyenne mais surtout en parvenant à réguler les prix des denrées de base, donnant ainsi aux subventions des produits de base par l’Etat toute leur signification.
Et pendant les cinq dernières années écoulées, l’inflation était tenue en «respect» avec un taux annuel moyen n’excédant pas les 4%, pour le niveau le plus élevé, en dépit de certaines prévisions alarmistes, suite à la mise en œuvre de la «planche à billets» en 2018, avec les 6.505 milliards DA de monnaie mise en circulation. Or, en cette année 2021, les choses ne semblent pas inciter à l’optimisme, même si le tableau économique revêt un caractère paradoxal, comme c’est souvent le cas pour l’économie algérienne. En dehors de statistiques fiables de l’ONS pour le mois de janvier écoulé non encore disponibles, les échos des étals de marché et autres superettes de quartier ne sont point rassurants. Des produits de base tels que les pâtes alimentaires et les légumes secs, nutriments de base de l’Algérien, surtout en saison hivernale, ont fortement augmenté, parfois dans une marge de 25 à 50%, surtout en comparaison avant la période d’avant-Covid-19 et en particulier la phase de perte de valeur du DA, avec cette dévaluation rampante entamée au dernier trimestre de l’année 2020.
C’est simple, le dinar national était coté hier dans le marché interbancaire à 161,1739 DA pour un Euro et 132,7627 DA pour un dollar US. Si c’était une vente aux enchères, on crierait qui dit mieux ! Mais ce n’est point le cas malheureusement car il s’agit d’incidences sérieuses sur le pouvoir d’achat du citoyen qui n’arrive plus à boucler ses fins de mois, ni, pour beaucoup de familles algériennes, à concocter le menu quotidien auquel elles s’étaient habituées, au vu des prix pratiqués sur les étals du marché de quartier. Et c’est pour remettre un peu d’ordre, que l’action régulatrice de l’Etat est fortement sollicitée pour juguler cette inflation rampante qui ronge inexorablement le pouvoir d’achat des citoyens de base.
Si le gain escompté en matière d’endiguement du déficit du budget de l’Etat à travers la dévaluation du Dinar est contrebalancé par la perte avérée en pouvoir d’achat, il s’agirait alors de revoir le bilan coûts/bénéfices d’une pareille politique monétaire, en la mettant à la jauge d’une balance socio-économique plus globale. Et ce ne sont point les réprimandes officielles du ministre du Commerce contre les spéculateurs de tous bords qui vont changer quelque chose, la nature de tout spéculateur est de profiter de situations de rareté relative ou surfaite pour augmenter ses rentes spéculatives, ses revenus commerciaux étant rondement assurés par ailleurs ! Autre indicateur important dans la lutte contre l’inflation, c’est le cours du baril de Brent qui s’affichait mardi dernier vers 17h30 à la Bourse de Londres à un niveau enviable, en ces temps de crise sanitaire majeure, de 63,03 USD.
La tenue du cours de Brent affecte de manière directe les finances publiques de l’Algérie et offrirait, si elle se maintenait, une marge de manouvre inattendue pour corriger progressivement à la hausse le taux de change du DA, en particulier par rapport au dollar US, devise dans laquelle nous facturons nos exportations de gaz et de pétrole. Plus globalement, c’est un véritable casse-tête économique pour le Président Abdelmadjid Tebboune, en recherche d’une configuration gouvernementale adaptée aux défis de l’heure et ils sont complexes, pour rester dans un langage neutre, cher aux économistes confrontés à des conjonctures qui donnent peu de signaux d’évolution visibles à l’horizon. Alors assurer un Ramadhan dans la quiétude sociale relève, dès à présent, de choix décisifs sur le front économique , en traitant en priorité la question des prix et des revenus des classes populaires et de la classe moyenne et en remettant rapidement la machine à produire des salaires, celle des entreprises lourdement impactées par la pandémie de la Covid-19.
La question de l’inflation s’invite, en cette année où on veut «oublier» la Covid-19, de manière impromptue dans les débats sur les équilibres socio-économiques où le couffin de la ménagère risque de peser «lourd» par son impact sur la paix des âmes pieuses au mois de Ramadhan. En tout état de cause, l’inflation n’est jamais la bienvenue quand il s’agit de conduire un projet de changement social devant assurer un meilleur bien-être à la population, toujours en quête de plus, surtout si elle ne dispose pas de beaucoup. Voilà où nous en sommes. Avec l’espoir de bouger dans la bonne direction. Avec l’apport de tous !
Par Abdelali Kerboua