«Bir Djeneb», témoin des sacrifices des chouhada

Histoire

«Bir Djeneb», un site naturel de la région d’Ouled Abdallah, relevant de la commune de Boukadir (25 km à l’Ouest de Chlef) est l’un des témoins historiques des sacrifices consentis par des chouhada de nombreuses wilayas du pays, qui demeure à ce jour, silencieux sur les crimes coloniaux.

Des chercheurs et des témoins estiment que «Bir Djeneb» requiert des études et des recherches susceptibles de lever le voile sur les secrets enfouis dans ce lieu, dont les profondeurs portent, à ce jour, les ossements des martyrs de la Révolution. «Ce puits restera le témoin silencieux de l’exécution par l’armée française, en 1957, de huit valeureux martyrs de cette région, dont Brahim Kaidjounia, Djaafer Abed, Attou Tahar, Aïssa Serandi et son fils Abderrahmane», a indiqué Abdelaziz Saber, chercheur dans l’histoire de la région. Il a souligné l’impératif effectuer des recherches historiques et des études approfondies sur les différents crimes commis dans ce lieu et de déterminer le nombre réel de chouhada, de révolutionnaires et de civils, qui ont péri dans les profondeurs du puits. Selon le même historien, «Bir Djeneb», communément appelé «le puits du diable», «puits du Djin» et «Ghar Lehmam» (trou des pigeons), est une ouverture dans la terre, large d’environ 50 m de diamètre et d’une profondeur insondable. Entouré de nombreuses grottes, le puits se serait formé par la dissolution géologique qui se produit généralement dans les régions calcaires, relève Saber.
Le chercheur, accompagné d’une équipe de géologues, se rend régulièrement sur site, pour étudier des changements naturels qui y surviennent, dans l’espoir, dit-il, de «percer scientifiquement ses secrets et contribuer à sa valorisation au plan historique, d’autant plus qu’il s’agit d’un lieu intimement lié à l’Histoire et au combat de la région de Boukadir contre le colonialisme français». Chaque année, à la veille de la commémoration de la Journée du Chahid (18 février), de nombreux habitants de cette région font une visite à «Bir Djeneb», qui est une zone entourée de montagnes et d’Oueds, située à près de six km du siège de la commune de Boukadir. Sur place, les visiteurs se remémorent les sacrifices des chouhada, tout en dénonçant les crimes atroces commis par le colonisateur dans ces lieux, malgré les dizaines d’années écoulées après ces faits. Parmi eux Mohamed Medjadji, un enfant de la région et fils de Chahid, qui a raconté à l’APS, «l’absence d’humanisme chez le colonisateur français, qui ramenait sur les lieux des moudjahidine, des résistants et même des civils pour les jeter dans les profondeurs insondables de ce puits».
Medjadji s’est remémoré à l’occasion, le «courage et la bravoure» du Chahid Abderrahmane Serandi, qui attendait son tour pour mourir, après avoir vu son père jeté dans le puits, sous ses yeux. A la dernière minute, le vaillant Chahid s’est accroché à un militaire français qu’il a emporté avec lui dans les profondeurs de «Bir Djeneb», sous les regards ahuris des autres militaires. Mohamed Guamouri (76 ans), un autre enfant de la région, a appelé, quant à lui, à l’impératif d’un changement du nom de ce puits, dans la nouvelle Algérie, pour le nommer «le puits de l’Histoire», car, il est «un témoin historique de la barbarie du colonisateur et un lieu ayant «accueilli» un nombre inconnu de chouhada jetés dans ses profondeurs et qui de plus n’étaient pas seulement issus de Boukadir, mais de différentes régions du pays», a-t-il dit. Et de poursuivre: «cette zone était interdite aux locaux durant l’époque du colonialisme.
Et si les militaires trouvaient un civil dans les environs, ils le jetaient dans ce puits, qui demeurera un témoin des crimes de la France coloniale, requérant davantage d’intérêt pour sa valorisation et la préservation de l’histoire de cette région», a souligné M. Guamouri. Un autre défenseur actif du patrimoine de la région, Abdelmalek Fellahi, également membre du mouvement associatif local, œuvre, quant à lui, pour la collecte et l’enregistrement de toutes les données historiques en relation avec ce site, en prenant contact avec tous les habitants de la région, les moudjahidines et les enfants de chouhadas encore en vie, aux fins de collecter leurs témoignages vivants. M.Fellahi a, également, lancé un appel aux autorités locales en vue d’«accorder davantage d’intérêt au site de Bir Djeneb qui renferme», affirme-t-il, «une grande partie de l’histoire de la région et des sacrifices de ses chouhada». «Bir Djeneb a grand besoin d’être mis en lumière et d’être exploité à des fins de documentation de manière à constituer un trait d’union entre la génération de la Révolution et celle d’aujourd’hui», a-t-il soutenu.
R. C.